6 mars 1853 : l’opéra de Verdi garanti sans ajout de conservateurs

6 mars 1853 : l’opéra de Verdi garanti sans ajout de conservateurs
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Instant classique – 6 mars 1853… 165 années jour pour jour. On lui avait proposé de nombreux sujets possibles, tous rejetés par notre bougon parmesan. La Fenice de Venise avait pourtant obtenu de Verdi l’engagement de présenter un nouvel opéra pour la saison du carnaval 1853.

À l’été 1852, toujours rien… C’est parce qu’une idée, assez folle pour l’époque à l’opéra, lui trottait dans la tête.

Giuseppe Verdi avait vu au début de 1852, dit-on, la nouvelle pièce d’Alexandre Dumas fils, intitulée La Dame aux camélias ; il connaissait par ailleurs le roman dont elle était tirée. On dit également que, si ce sujet le passionnait, c’est que lui aussi avait eu à subir, comme son futur héros Alfredo, les cancans sordides de la « bonne société » lorsqu’il s’était mis en ménage avec l’ancienne cantatrice Giuseppina Strepponi. Les cantatrices d’alors, comme les actrices de théâtre, étaient en effet bien souvent des demi-mondaines qui, pour survivre, se faisaient entretenir.

Sa soif de décortiquer la psychologie des personnages, de montrer que l’âme humaine n’avait rien de manichéen, avec les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, que cette « bonne société » n’était certainement pas plus noble que Violetta, cette héroïne si humaine qui veut simplement vivre libre et aimer enfin qui elle veut sans être jugée par quiconque, cette soif l’avait convaincu d’adapter cette œuvre-là et aucune autre.

Au début, l’opéra s’appelle Amour et mort. La censure, pour une fois, se montre clémente : il faut rebaptiser le titre et transposer l’œuvre plus loin dans le temps. Va pour le titre : ce sera La Traviata, littéralement « la dévoyée », titre terrible. Mais l’opéra reste un tableau contemporain.

La création de l’œuvre à Venise se passe relativement mal, la faute aux interprètes selon Verdi, ou plutôt, justement, à cette bonne société qui fait semblant de ne pas comprendre de quoi on parle. Il écrit (en exagérant un peu) à son ami le chef d’orchestre Mariani :

« La Traviata a été un immense fiasco ; pire, on y a ri. Mais à quoi pouvait-on s’attendre ? Ou je me trompe, ou ils se trompent. Pour moi, en ce qui concerne La Traviata, le dernier mot n’a pas été dit ce soir. On la reprendra et nous verrons bien. »

Et on a vu : ce chef-d’oeuvre devient l’un des plus joués au monde, encore aujourd’hui ; le temps ne semble pas avoir de prise sur une histoire qui peut paraître dépassée, mais qui ne l’est pas car elle est un manifeste contre tous les conservatismes et contre toutes les hypocrisies sociales.

Bien des morceaux pourraient l’illustrer, bien sûr, et des célébrissimes comme le « brindisi » par exemple. Mais pour moi, tout est concentré, nu, dans le formidable prélude du 1er acte (ou dans son quasi jumeau du 3e acte), d’une absolue simplicité et pourtant si riche.

Le voici dans une magnifique version, référence discographique de l’œuvre, sous la direction de l’immense Carlos Kleiber.

 Photographie de Une – « La Traviata », dirigé par Diego Matheuz et mis en scène par Robert Carsen à la Fenice (crédits Michele Crosera)


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