Après les attentats, comment réagit l’État pour soutenir la culture ?

Après les attentats, comment réagit l’État pour soutenir la culture ?
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À l’heure des arbitrages budgétaires, la rue de Valois était l’un des rares ministères où l’on souriait. Mais les projets ont été bouleversés par les attentats de Paris, le V-13 sanglant.

En septembre dernier, Manuel Valls voulut réparer ce qu’il qualifiait d’« erreur ». Après la baisse sans précédent du budget de la rue de Valois en 2013 (- 4 %) et en 2014 (- 2 %), l’exécutif désirait se rabibocher avec le monde des arts et de la culture en annonçant, le 30 septembre dernier, une hausse des crédits de 2,7% en 2016.

Concrètement, l’enveloppe atteint les 7,3 milliards d’euros, soit 190 millions supplémentaires par rapport à 2015. Qu’en est-il dans le détail ?

  • 2,9 milliards d’euros sont alloués aux secteurs de la culture et de la recherche,
  • 4,4 milliards d’euros vont aux médias, au livre et aux industries culturelles.

Au final, c’est encore 40 millions de moins que lors du premier budget du quinquennat, mais cela reste un signe encourageant. Sauf que le plan a été complètement bouleversé par les attaques du 13 novembre.

La culture « au centre de la riposte »

Cette bande de terroristes ne cherchait pas seulement le bain de sang, elle visait également notre cœur, notre âme, notre culture : des bars, comme lieux de rassemblement et d’échanges ; un stade, comme lieu de communion autour d’une équipe qui, même si on ne l’aime pas, porte nos couleurs ; et une salle de spectacle, lieu de rendez-vous de notre jeunesse, scène d’expression de notre richesse culturelle. Bien consciente de cela, Fleur Pellerin a justement décidé de faire de notre culture une « arme de destruction massive contre l’obscurantisme », en la plaçant « au centre de la riposte« .

Dans un premier temps, un fonds d’urgence a été créé. Il est destiné à aider les salles de spectacle confrontées à des annulations en cascade, dues aux attentats, et à de lourdes dépenses de sécurité. Ce fonds s’élève à hauteur de 3,5 millions d’euros par les pouvoirs publics et de 500 000 euros par la Sacem. Cette somme doit permettre de couvrir le manque à gagner provoqué non seulement par les nombreuses annulations déjà mentionnées, mais aussi par la baisse des ventes de billets. Elles se sont en effet effondrées de près de 80% les jours suivant les attaques, et de 50 % depuis le 23 novembre. Paris est naturellement plus affecté que la province.

Ce premier geste est jugé comme largement insuffisant par le syndicat des producteurs de spectacle Prodiss ; ces derniers estiment qu’il faut au moins 50 millions d’euros si l’on veut vraiment aider les lieux de spectacle à renforcer la sécurité à leurs entrées, avec l’embauche de personnels de sécurité ou la mise en place de portiques. Le syndicat relance une nouvelle fois l’idée d’instaurer des billets nominatifs pour faciliter les contrôles… Et il faut aller vite.

À Rennes, 60 000 euros supplémentaires ont d’ores et déjà été débloqués pour les Trans Musicales, qui se tiennent du 2 au 6 décembre [NDLR : nous reviendrons sur ce festival demain]. Le Télégramme précise que, dans toutes les salles, les sacs seront systématiquement fouillés et des palpations effectuées. Un avant-goût de ce qui nous attend sans doute à chaque spectacle.

“Une arme de destruction massive contre l’obscurantisme”

Ces mesures sont destinées à traiter l’urgence et à rassurer le public. Mais si, comme l’affirme notre ministre, l’objectif est réellement de faire de la culture « une arme de destruction massive contre l’obscurantisme », il faudra alors sans doute bien plus que ces quatre millions pour, selon les mots mêmes de Fleur Pellerin, opposer à l’État islamique « toujours plus de spectacles », « toujours plus de bibliothèques »

Sans doute des arbitrages seront rendus, mais il est encore trop tôt pour cela ; la priorité risque d’être donnée, pour longtemps encore, à la Défense et au renseignement. Là n’est peut-être pas l’essentiel. Au-delà des sommes et des options politiques, c’est aussi à nous de nous mobiliser en faisant acte de présence culturelle : aux artistes de penser le sens profond qu’ils donnent à leur travail ; au public de faire en sorte que chaque place achetée devienne un arme de guerre contre la barbarie.

Jacques GUILLOUX

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