Cirque Galapiat : indépendance bretonne et lien social conjugués avec art

Cirque Galapiat : indépendance bretonne et lien social conjugués avec art
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Au départ, une poignée d’artistes décide de se lancer dans un spectacle de clowns, Risque ZérO. Près de douze ans plus tard, la reconnaissance artistique consolide leur collectif. Le Galapiat Cirque est une équipe conséquente, capable d’autofinancer quasiment toutes ses actions. Implanté dans les Côtes-d’Armor, leur cirque va à la rencontre des habitants, de ceux qui ont besoin de remettre un peu de poésie dans leur approche sociale.

Cette vie collégiale du collectif les a menés à passer récemment en SCIC*, comme une réponse à ce qu’ils font déjà : œuvrer pour des projets participatifs.

À la sortie du Centre national des arts du cirque en 2006, six jeunes artistes fondent la compagnie Galapiat Cirque, avec l’idée de vivre l’itinérance propre à la vie du cirque. Une fois ce rêve réalisé, notamment en Amérique latine, ils s’implantent dans les terres bretonnes, sans pour autant renoncer aux tournées, en France et en Europe. En août dernier, le projet Galapiat réalisait ainsi une tournée aux confins du continent européen : Hongrie, Lettonie, Allemagne et Suède.

Production de spectacles et organisation de festivals

À la croisée entre le cirque expérimental et le cirque de société, le collectif crée régulièrement de nouveaux spectacles, sous différents formats. En 2016, il donnait 190 représentations, 140 l’année suivante, pour une production de sept spectacles. Cette année, « un nouveau sortira à l’automne, on lance un nouveau programme de création, puis trois autres spectacles sont en cours de préparation », raconte Guillaume Blaise, qui s’occupe de la coordination générale du Galapiat Cirque.

Un deuxième axe, dédié à l’organisation d’événements en plus des spectacles, constitue la partie plus logistique et rémunératrice du collectif. Après huit éditions du festival « Tant qu’il y aura des mouettes » à Langueux, entre 2009 et 2016, l’événement majeur est dorénavant « Cirque et Mer », créé en 2015 sur la presqu’île de Plougrescant, en milieu marin. « L’idée est d’inviter des artistes afin de créer pendant cinq jours des spectacles pour des ballades de cirque, raconte Guillaume Blaise. Cela peut aller d’un spectacle sur l’eau devant 1 000 personnes à des choses plus intimistes, comme une ballade de cirque en kayak avec 50 personnes ».

Des projets participatifs pour une logique coopérative

Le dernier axe de développement de la compagnie Galapiat est l’un des éléments les plus représentatifs de leur esprit « économie sociale et solidaire » (ESS) : les projets participatifs. Le collectif se mêle à la population locale pour dégager de leurs interventions d’autres manières de se percevoir et d’être en relation. En ce sens, les partenariats établis sont autant « sociaux qu’éducatifs, en lien avec la jeunesse ».

« L’an passé, le centre hospitalier de Tréguier nous a sollicités, explique Guillaume Blaise. Le lieu est particulier puisque c’est un EPADH. Le projet, appelé « Génération cirque », fut donc conçu en lien avec le personnel soignant, avec l’Institut de formation des aides-soignants et le personnel d’animation ».

Dans ce cadre, plusieurs initiatives ont vu le jour, en général soutenues par la région ou le département : le projet « Wagabond » à Saint-Brieuc, avec des ateliers pour présenter le spectacle, ou encore une création in situ à Port-Louis, où les artistes se sont nourris de la participation des habitants, pendant une résidence de dix jours avec eux. De plus petits projets, avec la Maison du département des Côtes-d’Armor ou avec un compagnonnage du pays de Pontivy, sont en cours.

Une SCIC pour porter le projet collectif

En 2015, la compagnie Galapiat passe en SCIC*. L’un des artistes fondateurs, Lucho Smit, l’explique par leur désir de « mettre en accord leur fonctionnement avec leur statut juridique », en ayant « une répartition plus juste des responsabilités » entre associés et « la volonté de pouvoir fédérer différemment les partenaires autour d’un même projet ».

XXX, du Cirque Galapiat (crédits Sébastien Armengol)

Cirque Galapiat (crédits Sébastien Armengol)

Si le processus existait déjà officieusement depuis le début, Yvain Lemattre, administrateur de Galapiat Cirque, précise que le passage en SCIC* a été « avant tout motivé par la volonté collective d’entériner un fonctionnement le plus démocratique possible, en prenant en compte l’ensemble des avis, les positions de toutes les personnes investies dans le projet Galapiat, quelle que soit leur catégorie ». Les droits à la parole, à prendre part aux décisions et à la responsabilité juridique de la structure sont offerts à tous ceux qui sont engagés dans le projet.

Avant même de rentrer officiellement dans la cour de l’ESS, les artistes pratiquaient naturellement de nombreux principes sociaux et solidaires, comme un écosystème nécessaire à l’état d’esprit de l’art circassien : l’essentiel est que le travail de chacun nourrisse le collectif et inversement.

« Nous sommes des entrepreneurs dans le monde de l’art et de la culture, avec une démarche et une éthique qui nous sont propres, admet Lucho Smit. Il se trouve que, parmi les valeurs que nous revendiquons (telles que l’échange, le partage, l’équité…), certaines sont proches de celles souvent citées quand on parle de l’ESS ».

Leurs pratiques artistiques sont, par exemple, soucieuses de l’impact positif sur les plans social ou environnemental.

Guillaume Blaise constate cependant qu’il est compliqué « d’injecter les enjeux et principes de l’ESS dans le cadre de la réflexion collective », mais remarque que « le travail mené actuellement sur une nouvelle implantation territoriale devrait faciliter le processus, notamment grâce à l’ouverture au sociétariat ».

Finances, aides et subventions de la SCIC

Au-delà de l’accès à une gouvernance plus démocratique, l’aspect financier a également suivi les changements du passage en SCIC*, de manière plutôt positive pour la fiscalité.

En effet, « peu de choses ont changé dans la mesure où, sous le statut associatif, le caractère commercial de la structure (vente de prestations de spectacles, organisation de festivals…) était déjà retenu par les services fiscaux, à travers la soumission aux impôts sur les sociétés », détaille Yvain Lemattre. Le caractère commercial est « d’autant plus affirmé par l’indépendance de la structure vis-à-vis des subventions publiques (85 % d’autofinancement), ce qui est un cas rare dans le milieu du spectacle vivant ».

Le pendant à cette indépendance est néanmoins la perte des aides associatives à l’emploi, car le statut des formes coopératives n’a pas été prévu ni anticipé par les collectivités publiques, par méconnaissance du fonctionnement. Les partenaires peinent aussi à leur prévoir des subventions, à cause de ce changement de statut.

L’administrateur de la compagnie Galapiat met en évidence une autre différence majeure d’avec le statut associatif : « La décision statutaire de non-partage des bénéfices, sous ce statut SCIC, permet aujourd’hui d’être exonérés de l’impôt sur les sociétés. Tous les bénéfices sont réinjectés dans les réserves impartageables, pour financer les projets futurs, malgré la possibilité légalement offerte aux associés ».

Un point non négligeable : la gestion de la diffusion

La SCIC* compte aujourd’hui 39 associés, pour la plupart salariés permanents, artistes, techniciens et bénévoles issus du conseil d’administration de l’époque associative. Courant 2017, 90 salariés différents ont été embauchés, « soit un total d’environ 12 équivalents temps plein, 30 % de femmes, 70 % d’hommes ».

Une grosse équipe, donc, au service des créations Galapiat. Cinq personnes travaillent uniquement sur la production et la diffusion ; l’enjeu du reste de l’équipe est de « coordonner le travail des chargés de diffusion », pour que leurs spectacles ne se retrouvent pas en concurrence. « Le niveau de subventions est assez minime par rapport à notre fonctionnement. D’où l’importance de l’axe production et diffusion, qui génère la plus grosse part des ressources, tient à préciser Guillaume Blaise. Le fait d’avoir des spectacles avec une esthétique ou un format différent lui permet de trouver sa place et son réseau. »

L’an dernier, un conventionnement triennal auprès du ministère de la culture – DRAC de Bretagne a été contracté : une belle reconnaissance pour le travail accompli par le projet Galapiat ! Ils ont obtenu le plancher du soutien, soit 50 000 €. « Par cette convention, nous nous engageons notamment à réaliser deux créations nouvelles de 2017 à 2019, ainsi que 90 représentations sur cette période », conclut Guillaume Blaise.

Louise ALMÉRAS

* SCIC : Selon la loi de 2001 qui a institué les SCIC, leur objet est « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Le fonctionnement des SCIC est très proche de celui des SCOP : la gestion est démocratique (« une personne = une voix ») et le mode de fonctionnement ne privilégie pas la lucrativité. L’originalité des SCIC est que leur capital peut être détenu également par les salariés et les bénéficiaires de l’activité (les clients, les usagers, les fournisseurs) et par une troisième catégorie d’actionnaires regroupant des collectivités locales, des bénévoles, des financeurs, etc. Aucune de ces parties prenantes ne peut avoir la majorité, ce qui implique intrinsèquement un partage des pouvoirs. (source : economie.gouv.fr)



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