« La Prière » : Cédric Kahn insuffle la vie dans son cinéma

« La Prière » : Cédric Kahn insuffle la vie dans son cinéma
Publicité

Le 10e long-métrage de Cédric Kahn continue d’explorer les thèmes chers au réalisateur des laissés-pour-compte et des marginaux : La Prière raconte le parcours du combattant mené par d’anciens drogués qui, pour s’en sortir, ont recours à la vie spirituelle. Anthony Bajon a été récompensé d’un Ours du meilleur acteur pour ce premier rôle où il incarne Thomas, un jeune qui lutte contre son addiction à la drogue. Une pépite d’humanité, où le spectateur est à la fois témoin et reflet.

Thomas, vingt-deux ans, arrive dans la communauté catholique du Cénacle. La drogue lui a déjà lié les mains et l’âme ; il veut changer de vie, sans connaître les épreuves qu’il va devoir affronter. Il découvre la vie de foi, la prière, l’esprit de communauté, bien différents de l’isolement auquel il est habitué. Grâce à ses compagnons, son cœur s’ouvre enfin, dont il devra apprivoiser les désirs et les signes.

Un film enfin tourné vers la vie

Affiche La Prière, film de Cédric Kahn, avec Anthony BajonAprès Une vie meilleure (2012), dans lequel Cédric Kahn s’intéresse aux personnes reléguées par le système, et Vie sauvage (2014), qui voit Mathieu Kassovitz, un père de famille, se cacher pendant onze ans avec ses deux fils, La Prière laisse enfin percer la lumière dans la vie de protagonistes hors du système.

Dans les montagnes, les jeunes vivent en communauté, accompagnés d’un ange gardien plus âgé qu’eux et qui est déjà parvenu à se libérer de ses chaînes. Au programme, travail, prière et solidarité, les trois piliers sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour reconquérir leur indépendance.

Beaucoup finissent par craquer ; le risque de rechute n’est jamais loin, à en croire le grand nombre d’entre eux qui restent dans la communauté, par peur du monde et d’eux-mêmes. En plus du combat contre soi-même, l’apprentissage de la vie en groupe et de la prière est partie prenante du cadre de la communauté et de leur évolution, pour favoriser une cohérence de vie.

Grands acteurs, sans tête d’affiche

Si la volonté de la production et du réalisateur est de ne pas avoir de tête d’affiche dans le casting, les rôles n’en pâtissent pas, bien au contraire. Les présences charismatiques d’Alex Brendemühl, responsable de la communauté, et de la comédienne d’origine allemande Hanna Schygulla, en sœur Myriam, se démarquent ici particulièrement.

Sans compter l’interprétation très remarquée d’Anthony Bajon, à la fois enfantin et déterminé, émouvant et violent, dont l’insouciance supplante la tragédie. Son parcours semé de doutes, de chutes et de victoires, l’éveille à l’importance de sa vie et de ses choix.

Bienveillance humaine et quête divine

La force du film est contenue dans une manière de filmer où l’on sent la bienveillance et l’affection du réalisateur pour les personnages de son film. Portraits, scènes de vie très ordinaires, ancrage dans la nature… Il ressort une authenticité sur ce que vivent les anciens toxicomanes et ceux qui les aident.

Cédric Kahn nous propose une véritable rencontre, tandis que les visages paraissent parfois le reflet de nous-mêmes, comme un miroir qui permettrait de se regarder en vérité. À l’image de ces anciens drogués, les visages se succèdent. Quand les résidents témoignent, partagent ce qu’ils vivent devant tout le monde, c’est l’humilité qui gagne contre le découragement, qui devient leur force.

Pourtant, au cœur de ces fragilités humaines, la question demeure : Dieu les rejoint-il vraiment ou est-ce à eux de le rejoindre, de le chercher encore ? Comment ? Une chose est sûre dans cette œuvre cinématographique, il est là où l’homme décide de briser ses chaînes et d’exercer sa liberté.

Une scène lumineuse au cœur du film

Cette vie de foi atteint bientôt Thomas et le transforme. À ce titre, une scène magistrale illumine le centre de l’histoire, lorsque Thomas rencontre sœur Myriam. Le jeune homme est pris au dépourvu dans son évolution personnelle, teintée de confort, au moment où elle lui conseille fermement : « Si tu vis dans le mensonge, tu ne peux pas être heureux ».

À partir de là, le jeune homme cherche sa voie. S’il n’est jamais laissé seul dans la communauté, il l’est face au discernement de sa vocation. Alors que son cœur découvre l’amour sous plusieurs formes, celui de Dieu et celui d’une femme, son parcours vers la vérité est aussi celui qui l’amène à la lumière.

La Prière rejoint indéniablement la liste des quelques grands films sur la foi, et Cédric Kahn celle des grands réalisateurs, grâce à l’émotion qu’il a su insuffler dans ses scènes pour offrir une histoire qui bouleverse.

Louise ALMÉRAS

 



Cédric Kahn, La Prière, France, 2017, 107mn

  • Sortie française : 21 mars 2018
  • Genre : drame
  • Classification : tous publics
  • Avec Anthony Bajon, Alex Brendemühl, Hanna Schygulla, Damien Chapelle, Louise Grinberg, Antoine Amblard, Maïté Maillé, Magne Havard Brekke.
  • Scénario : Fanny Burdino, Samuel Doux, Aude Walker
  • Distribution : Le Pacte

En savoir plus avec notre partenaire CCSF : La Prière



Découvrir toutes nos critiques de films



Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *