Le Guso : un paiement simplifié… mais aux frais de qui ?

Le Guso : un paiement simplifié… mais aux frais de qui ?
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Créé en 1999 et rendu obligatoire en 2004, le GUSO – Guichet unique du spectacle occasionnel – permet de simplifier le paiement des cotisations des artistes par des employeurs ponctuels, non professionnels du spectacle. Ce service est gratuit pour les utilisateurs. Or, il nécessite une logistique assumée par Pôle emploi qui redistribue les cotisations auprès de cinq caisses de protection sociale. Qui finance ce système ? Les caisses elles-mêmes, apparemment, mais sans que les artistes n’en soient pénalisés. Mais une certaine opacité demeure.

Le GUSO, guichet unique du spectacle occasionnel, a été imaginé pour les employeurs qui n’ont pas pour vocation d’embaucher des artistes, tels que les associations, mais aussi les particuliers, qui peuvent avoir recours à un musicien, par exemple, pour un mariage ou autre. Les secteurs concernés par le GUSO sont déterminés selon le code NAF (nomenclature d’activités française). L’air de rien, ce guichet unique brasse tout de même 13 millions d’euros de cotisations par an. Le service est donc une grosse machine administrative. Or, le GUSO l’affirme, ce service est… gratuit ! Mais pour qui l’est-il, l’artiste ou l’employeur ?

Revenons d’abord sur les chiffres du service lui-même. Il reçoit en une année 630 000 déclarations uniques et simplifiées, valant chacune pour un contrat de travail. Le recouvrement se chiffre à 103 millions d’euros, ce qui représente le total des cotisations encaissées par Pôle emploi.

« 465 000 employeurs ont été déclarés depuis 1999, avance Annie Bozonnet, la responsable du service au sein de Pôle emploi. Les mêmes employeurs ont pu faire plusieurs déclarations et certains ne l’ont fait qu’une seule fois, parce qu’ils ont embauché un photographe pour un événement, par exemple, mais cela donne une idée. En 2015, nous avons compté 31 000 affiliations, c’est-à-dire nouveaux employeurs entrants. D’une année à l’autre, nous estimons à environ 82 000 le nombre d’employeurs actifs, c’est-à-dire qui font une déclaration auprès du GUSO au moins une fois dans l’année. » Si l’on multiplie le nombre de déclarations uniques par le nombre de caisses concernées, soit cinq, cela veut dire plus de 3 millions d’opérations par an – même si le calcul est sûrement simpliste. Le travail représenté n’est donc pas anodin.

Objectif : lutter contre le travail non déclaré des artistes

Un petit retour dans le temps s’impose pour comprendre la logique du système. Le GUSO est né d’une bonne intention, celle de mieux protéger les artistes et leurs droits sociaux. Il a été créé en 1999 par la volonté des organismes de protection sociale de se regrouper, sous la bienveillance de la direction de la culture et de la sécurité sociale. Le constat initial était le suivant : les professionnels du spectacle connaissent le circuit administratif de la protection sociale des artistes, ce qui est moins le cas des employeurs ponctuels ou occasionnels, qui peuvent avoir tendance à oublier leurs obligations en la matière… Le GUSO leur propose ainsi de faire le travail à leur place : il collecte la totalité de la somme due par l’employeur et se charge de reverser un pourcentage à chacun des organismes de protection sociale : Audiens, Afdas, Unédic, URSSAF et le CMB.

Le GUSO était à l’origine géré par l’UNEDIC, mais c’est aujourd’hui Pôle emploi qui en a la charge. Il prend l’aspect d’une plate-forme Web pour informer ces employeurs et expliquer les démarches. « Le guichet réalise une simulation de charges sociales en fonction de la réglementation, recouvrant les cotisations, puis effectue le suivi administratif », explique la responsable Pôle emploi.

GUSOL’employeur n’a donc plus qu’à se rendre sur le site et à remplir un formulaire. Il indique soit le salaire brut, soit le salaire net, soit le budget global. Par une moulinette algorithmique, le site calcule les cotisations et produit l’équivalent simplifié d’une fiche de paye, indiquant les parts salariales et patronales, les indemnités de congés payés, etc.

Côté salarié, le GUSO est brandi comme une arme contre le travail au noir. « Auparavant, les employeurs ne déclaraient pas systématiquement les artistes qu’ils employaient auprès des caisses, poursuit Annie Bozonnet. Il y a eu une volonté de clarifier la façon de payer et de rappeler à chacun ses obligations en matière de déclaration. » Il ne s’agissait pas d’ailleurs uniquement de remettre dans le droit chemin les fraudeurs ! Le GUSO devait aussi aider les petites associations ou les simples particuliers qui ne connaissaient pas le circuit déclaratif particulièrement complexe.

Le guichet a également permis à des artistes d’obtenir de vrais cachets. La gratuité du service fait donc sens pour inciter les employeurs à utiliser ce système. Pour réduire encore plus le recours à des artistes non déclarés et améliorer leur couverture sociale, le Guso a été rendu obligatoire en 2004. « L’idée, c’était aussi de réduire la concurrence déloyale entre des structures qui proposaient des prix qui incluaient les charges sociales et les autres, qui ne déclaraient pas. Il y avait une iniquité de traitement qu’il fallait rectifier. »

Une protection sociale grignotée ?

L’utilité du GUSO n’est donc pas à remettre en cause. Seulement, pour fonctionner, le système a besoin de ressources. Le fait est qu’il mobilise des forces vives au sein de Pôle emploi. Difficile d’obtenir des réponses quant à son financement de la part des différentes caisses, qui renvoient toutes la balle à cet organisme. Selon une des responsables de la communication institutionnelle d’Audiens, le GUSO perçoit un pourcentage sur les cotisations effectivement reversées à ces différents organismes. Or, si le service est gratuit pour les employeurs, cela voudrait dire que le financement du système reposerait sur la protection sociale des artistes, qui serait ainsi grignotée…

De son côté, la communication de Pôle emploi l’assure, les taux de cotisation reversés par le biais du GUSO et ceux payés par tout employeur professionnel du spectacle sont équivalents. La protection sociale des artistes est donc la même, que leurs employeurs passent par le GUSO ou non. Ce ne sont donc ni les employeurs ni, indirectement par le biais de leurs cotisations, les artistes qui payent.

Un flou… artistique !

Mais alors qui ? Ce n’est pas non plus le contribuable, affirme Pôle emploi service. La responsable communication explique qu’à l’origine, les partenaires se sont mis d’accord pour abonder ensemble ce service. Les caisses puiseraient donc dans leurs propres ressources pour financer le système géré par Pôle emploi. Sous quelles modalités ? Difficile de le savoir. Ce doit être indiqué dans la convention qui a créé le guichet à la fin du XXe siècle, mais comme le GUSO date d’avant la création de Pôle emploi – lors de la fusion de l’UNEDIC et l’ASSEDIC, en 2009 –, le transfert du dossier vient brouiller les pistes. Il n’a pas été possible de mettre la main sur cette convention.

En revanche, le service de presse de l’UNEDIC explique que chaque organisme participe au financement des coûts de fonctionnement du GUSO sur la base de trois règles. La première consiste en un montant forfaitaire par an et par organisme, ce qui recoupe l’hypothèse avancée par Audiens. La deuxième repose sur une régularisation en fonction des frais de fonctionnement : les frais supplémentaires sont répartis entre les organismes en fonction de la part des montants reversés à chacun d’entre eux. « Au total, le montant financé par chaque organisme ne peut pas dépasser 4,5 % des montants collectés par le GUSO pour le compte de cet organisme, c’est la troisième règle », nous apprend le service.

Des allocations calculées sur le salaire

Ainsi, le GUSO serait bien financé par les cotisations reversées au titre de la protection sociale des artistes. Mais selon l’Unédic, cela n’amputerait en rien leurs droits. « Le calcul des allocations ne prend pas compte du montant des contributions mais celui des rémunérations sur lesquelles les contributions sont calculées. Le mode de financement du GUSO ne change rien pour les droits aux allocations des demandeurs, que leur employeur passe par le guichet unique ou non. » Le service de presse de l’UNEDIC précise que le fonctionnement est un peu différent dans son cas du fait que l’organisme finance le budget de Pôle emploi à hauteur de 10 % des contributions de l’assurance chômage dans son ensemble, soit 3,2 milliards en 2015 (64 % du financement total). « Le montant dû au GUSO pour le compte de l’assurance chômage est déjà inclus dans cette dotation globale. »

Sans document officiel, et sans possibilité de recouper l’information avec les autres organismes, il faut donc se contenter de la bonne foi. Malgré les demandes répétées auprès de Patrice Guérard, directeur des services aux employeurs, censé gérer ce financement, aucune réponse n’a pu être obtenue. Aussi pratique que soit le GUSO pour les particuliers et employeurs non professionnels, il est difficile de comprendre pourquoi un tel mystère demeure sur les modalités de fonctionnement. Pour préserver la magie du spectacle, sûrement.

Chloé GOUDENHOOFT

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3 commentaires

  1. Napoleo, vous racontez n’importe quoi ! Le Guso n’est pas une caisse sociale, ni un organisme tel que Pôle emploi, URSSAF, etc. Il me semble pas que l’article remet en cause le fonctionnement des cotisations sociales ou le système général. Il dénonce le fric mis dans le Guso, qui est… un service de paye. Il n’y a aucune raison que le Guso soit gratuit, alors qu’un tel service est payant partout, dans n’importe quelle boîte.

    Vous devez vivre dans un monde d’assistanat, c’est peut-être ça… ou être adhérent de la CGT qui, sous prétexte de solidarités, détruit tout le monde pour ramasser tout le pognon pour lui et exercer un monopole asphyxiant dans le monde du spectacle. On peut être favorable à l’intermittence, aux aides sociales, aux cotisations patronales, à tout ce qui fait notre régime d’assurance sociale, etc., sans considérer que tout doit être gratuit.

    Eh oui, remettre en cause une chose qu’on estime pas justifié, ce n’est pas céder au libéralisme ni adhérer au Medef ! Ça doit probablement vous paraître fou, parce que cela demande de sortir d’une logique binaire…

  2. Soyons clair, l’argumentation qui porte sur les financements des caisses sociales, et pas uniquement le Guso, expliquant qu’ils sont tirés du produit des cotisations sociales est un fait, pas une question. C’est même pourquoi la notion de solidarité exprimée dans le programme du conseil national de la résistance persiste encore aujourd’hui dans ce qu’on veut bien appeler la protection sociale.

    Chaque employé du Pole-emploi, de la sécurité sociale, des Urssaf etc. sont rémunérés avec une part des cotisations. Pour autant, la totalité des droits correspondant aux cotisations versées sont sauves. Pour son sujet, une charge injustifiée de fait contre l’opérateur Guso, le voilà vide de sens. Mais cette suspicion portée sur un opérateur a des visées bien plus libérales et antisociales que l’on pense.

    Reprocher au système d’assurance sociale reposant sur la cotisation de voler ceux qui y abondent – salariés et employeurs – c’est faire le procès de l’ensemble de la protection sociale. Les lecteurs et lectrices qui auront débusqué l’aspect binaire d’une telle illusion logique comprendrons.
    Je suis étonné que Denis Kesler n’ait pas encore félicité l’autrice pour son papier
    ;-))

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