Le Monti Mélodie Quintet fait son cinéma de la chanson française

Le Monti Mélodie Quintet fait son cinéma de la chanson française
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Grâce à la belle orchestration signée par Jean-Pascal Beintus, le Monti Mélodie Quintet nous offre, pour sa première prestation publique, une interprétation vivante et enlevée de monuments de la chanson française.

« Les chansons vives se ramassent à la pelle, tu vois je n’ai pas oublié, les chansons vives se ramassent à la pelle, les souvenirs et les reprises aussi. » Quoi de mieux qu’une humble reprise d’Yves Montand pour introduire la jolie création que nous offre le Monti Mélodie Quintet ? L’ensemble formé en 2014 a choisi pour premier projet de puiser dans quelques monuments de la chanson française afin de leur offrir une nouvelle vie.

La part belle est donnée à Édith Piaf et à Jacques Brel, chacun se voyant repris par cinq fois, soit dix chansons sur les quatorze que compte l’album. Les quatre autres titres sont tirés des répertoires d’Yves Montand (deux), de Gilbert Bécaud (une) et de Charles Aznavour (une). Au fil des musiques, nous nous prenons à chantonner tout bas ces airs d’autrefois, dont les paroles nous reviennent par fragments, jusqu’à ce qu’un accord vienne nous surprendre, nous déconcerter ou – parfois – nous enthousiasmer.

Orchestration et interprétation doublement réussies

La très belle orchestration réalisée par Jean-Pascal Beintus y est pour beaucoup. Peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique, le compositeur français travaille aujourd’hui avec de grands noms du cinéma, principalement Alexandre Desplat. Il n’est dès lors pas étonnant que sa réinterprétation des chansons françaises, aux compositeurs plus ou moins connus (du fidèle compagnon de Brel, le Français François Rauber à la jeune élève d’Alfred Cortot, Marguerite Monnot), tire vers le classique et des tonalités propres au genre cinématographique. Nous fermons les yeux et voyons défiler les images de ces œuvres cinématographiques passées, lorsque l’émotion affleurait encore sans effets spéciaux, par le dévoilement d’un genou ou la traversée en vélo d’une morne campagne.

Seuls les chanteurs se substituent aux éventuels personnages, tandis que le Quintet vibre de toutes ses cordes en entamant un nouveau couplet. Sous la houlette de la talentueuse Laurence Monti, violon super soliste à l’Opéra de Toulon, les cinq musiciens nous régalent au Théâtre des Nouveautés par leur technique aboutie et une harmonie intense : les attaques sont claires, chaque courbe mélodique est abordée avec justesse et un véritable sens esthétique. Le dynamisme du contrebassiste Philippe Noharet répond à la sûreté d’exécution du violoniste Guillaume Latour ; l’accordéon de l’impressionnante Myriam Lafargue permet de mettre en relief la coloration si particulière de ces chansons d’antan, tandis que Miwa Rosso parvient à nous émouvoir, tout particulièrement lorsque le violoncelle tient la ligne mélodique, à trois ou quatre reprises. Oui, ces cinq là « sonnent » merveilleusement !

Une œuvre sans risque mais non sans nuances

Il n’est qu’un manque d’originalité à leur reprocher : les morceaux choisis sont des standards et la mise en scène, classique, sans surprise. Nous aurions aimé une petite prise de risques, comme un fondu-enchaîné des chansons, avec des intermèdes inédits et étonnants ; au lieu de quoi, nous assistons à un concert très formaté, durant lequel morceaux et applaudissements se succèdent imparablement. Même le rappel n’en est pas vraiment un, puisqu’ils choisissent une chanson déjà jouée, quand ils auraient pu offrir à leur public une œuvre nouvelle, qui ne réponde pas à la seule observance de l’album.

Mais ne boudons pas davantage notre plaisir : le spectre de nuances, d’une chanson à l’autre, présente une richesse rythmique et une respiration presque visuelle, tantôt nostalgique, tantôt lumineuse.

Depuis plusieurs années, le mot « culture » est mis à toutes les sauces : il ne désigne plus seulement le dépôt vivant que nous recevons de nos aînés, mais toute production artistique, sans discernement ni jugement. Soutenu par leur producteur Michel Boucau – mécène attitré de Line Renaud – et par le célèbre chef d’orchestre Serge Baudo, le Monti Mélodie Quintet a le mérite de réconcilier l’art et la culture en inscrivant profondément le premier dans le sillage de la seconde : leur album perpétue et actualise artistiquement une culture qui nous précède et nous dépasse, entre tradition et modernité.

Pierre GELIN-MONASTIER



 

 

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