Les Rencontres Cinéma de Manosque n’auront plus lieu !

Les Rencontres Cinéma de Manosque n’auront plus lieu !
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« L’association Œil Zélé n’est plus en mesure d’organiser les Rencontres Cinéma à Manosque », annonce le site de l’association, précisant qu’il n’y aura pas de festival en 2018. Comme depuis trente ans, celui-ci aurait dû se tenir ces jours-ci. La raison de cet empêchement ? Une coupe budgétaire lourde couplée à l’impossibilité pour Pascal Privet, fondateur du festival, d’obtenir un poste salarié pour le remplacer. Rencontre.

« Nous souhaitions organiser ma succession, explique Pascal Privet, fondateur du festival, mais pour cela il fallait créer un poste à temps plein ou deux postes à mi-temps. La ville de Manosque ne nous a pas suivis. Elle a baissé les subventions. »

L’homme, qui a travaillé sept ans à la région PACA, menant des projets culturels dans les Alpes-de-Haute-Provence, avant de créer une manifestation cinématographique en 1987, qui deviendrait l’un des premiers festivals mêlant cinéma de fiction et cinéma documentaire et d’ethnofiction, judicieusement placé sous le parrainage de Jean Rouch, n’est pas amer, car il estime qu’il est temps de passer le relais. Il est toutefois désabusé de constater l’inintérêt de la municipalité de Manosque pour une manifestation culturelle et artistique qui eût pu non seulement contribuer à son rayonnement, mais était en outre un excellent moyen d’éduquer la jeunesse à l’art cinématographique, à la pensée critique et à la découverte du monde.

De Jean Rouch à Jean Giono

Car, dès l’origine, c’est à un travail ambitieux qu’il s’était attelé. Les premières rencontres cinématographiques, en 1987, avaient pour thème les chasses traditionnelles dans le monde. « Nous voulions présenter La Chasse au lion à l’arc de Jean Rouch et plusieurs films du réalisateur québécois Arthur Lamothe, qui filmait les Indiens Montagnais, se souvient-il. Comme nous nous intéressions aux chasses traditionnelles dans le monde, j’ai cherché des films sur les chasses traditionnelles en Provence. À part les films de Jean Arlaud, qui avait déjà tourné Les Appeaux de Carpentras, nous n’avons rien trouvé. Je me suis intéressé aux techniques de chasse des Alpes-de-Haute-Provence et nous avons tourné sans moyen Elie Audemard, lecqueur, qui est le portrait d’un vieux chasseur. Nous avions donc organisé une assemblée générale du groupement régional des chasseurs traditionnels de Provence et Côte-d’Azur. Ceux-ci sont venus de toute la région. Nous avions 500 chasseurs, une soixantaine de cinéphiles et une cinquantaine d’écologistes venus manifester. Ce fut un énorme succès et notre premier public ! »

La deuxième édition s’intitulait « La Provence. Du réel à l’imaginaire ». « Ce fut l’occasion d’une première rétrospective autour du cinéma de Jean Giono. Nous avions ressorti des films qui n’avaient pas été vus depuis des années ou que nous pensions même disparus, comme Le Foulard de Smyrne. Nous avons fait venir de tout jeunes cinéastes et d’autres plus connus. Nous avons projeté L’Homme qui plantait des arbres de Frédéric Back, qui n’est sorti en France que deux ans plus tard. C’est désormais un film emblématique inspiré par l’œuvre de Giono. Cette édition a correctement fonctionné. »

Comment le cinéma nous parle du monde

Par la suite, n’ayant pas les moyens de continuer à creuser une thématique pour chaque rencontre, Pascal Privet a décidé de continuer à programmer « avec beaucoup de curiosité ce qui se passait dans le cinéma ». Ce qui l’intéresse est la manière dont le cinéma nous parle du monde. Il a toujours eu une grande passion pour le cinéma qui vient d’ailleurs, mais aussi pour le cinéma local. Il n’a jamais voulu de critère de forme cinématographique pour ce festival. En 1995, il projetait les films de Vittorio De Seta restaurés, qui sont désormais de grands classiques du documentaire. Au dernier festival, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, était venu présenter Lumière ! L’aventure commence, composé des films tournés par Louis Lumière et ses opérateurs.

« Au bout d’une dizaine d’années le programme était déjà très pointu. Les dernières années, deux tiers des films étaient ainsi inédits ou projetés en avant-première. Certains, même, ne sont jamais sortis en salle. Il y a eu des années de galère, reconnaît-il. Le public, il a fallu des années pour le construire. C’était un festival d’hiver, ce qui ne facilitait rien. »

Une municipalité indifférente

Et tout cela a été fait avec peu de moyens. La première année, Pascal Privet avait sollicité la ville et la région. Après, c’est le maire de Manosque qui lui a demandé de poursuivre. « Mais la municipalité actuelle, qui est en place depuis 15 ans, ne voit que l’aspect financier. Le budget était de 100 000 euros, financé en partie par la région, le département, l’État, ainsi que nos fonds propres. Notre mission était aussi de faire de l’éducation à l’image. Et nous soutenions les producteurs et les réalisateurs. Je n’ai jamais payé pour obtenir des avant-premières mais j’ai toujours voulu rémunérer correctement les gens qui doivent l’être et tenu à inviter correctement les cinéastes qui se déplaçaient. »

En cette sombre période de coupes budgétaires, les Rencontres Cinéma de Manosque s’ajoutent à la longue liste des victimes : après une baisse de subventions de 33 %, dès l’arrivée de la nouvelle municipalité, celle-ci vient de refuser toute aide à la transition, qui nécessitait le recrutement d’un salarié – Pascal Privet s’étant contenté de l’intermittence, en travaillant à côté. « Le festival n’a jamais intéressé les élus de la ville qui ne s’y sont jamais déplacés. La municipalité soutient Les Correspondances, qui est un festival plus consensuel, qui remplit les terrasses de la ville, à la fin de l’été. Les salles obscures, on ne les voit pas. »

« Aujourd’hui, tant pis s’il n’y a plus de festival, conclut Pascal Privet, je n’ai pas l’envie de tout reprendre à zéro ailleurs. Je ne veux plus que collaborer à des projets qui m’intéressent. »

Matthieu de GUILLEBON



Photographie de Une – Pascal Privet et Thierry Frémaux (© Pascal Fayeton)
Photographie ci-dessus –
L’équipe du festival 2017 & le public (© François-Xavier Emery)



 

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