Portrait détaillé d’Audrey Azoulay, notre nouvelle ministre de la Culture

Portrait détaillé d’Audrey Azoulay, notre nouvelle ministre de la Culture
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Elle est la vraie surprise du nouveau gouvernement : Audrey Azoulay succède à Fleur Pellerin au ministère de la Culture et de la Communication. L’ancienne pensionnaire de la rue de Valois n’a pas vu le coup arriver : elle se déclarait « confiante » au micro de BFM, ayant des dossiers en cours et « des choses à faire » au gouvernement, quelques heures seulement avant son éviction. Très controversée au sein des milieux artistiques, notamment en raison d’une communication désastreuse (le comble pour un tel ministère), Fleur Pellerin cède la main à une consœur de l’ENA, très peu connue du grand public : qui donc est Audrey Azoulay ?

Après Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin, Audrey Azoulay est la troisième ministre et la troisième femme à reprendre le ministère de la Culture, sous la présidence de François Hollande.

Née à Essaouira en 1972, elle est la fille d’André Azoulay, économiste devenu conseiller des rois du Maroc : Hassan II hier, Mohammed VI aujourd’hui. Juif investi dans le dialogue inter-religieux, il est connu pour son engagement en faveur d’un véritable État palestinien, seul moyen selon lui de parvenir à une paix durable au Moyen-Orient. Homme de culture, il a notamment fondé le festival Gnaoua et Musiques du monde, à Essaouira, en 1997. Sa mère serait également écrivain, selon les rares sources à notre disposition. Avec de tels parents, notre jeune ministre a de qui tenir !

Une formation classique pour une réussite saluée

Audrey Azoulay obtient un master en business administration au Royaume-Uni, avant d’intégrer l’École nationale d’administration, dans la promotion Averroès (2000) dont fait également partie une certaine Fleur Pellerin : elle s’y fait notamment remarquer pour ses talents d’oratrice, en remportant le prix de la French Debating Association, qui oppose l’ENA à L’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE).

Diplômée de l’Institut d’Études politiques de Paris et de l’ENA, elle travaille comme administrateur civil, puis à la direction générale des médias, qui dépend du ministère de la Culture. En 2006, elle entre au Conseil national du cinéma pour devenir, l’année suivante, directrice financière et juridique de l’institution, puis, en février 2011, la directrice générale déléguée. Elle prend alors particulièrement en charge les secteurs de l’audiovisuel et du numérique.

En 2013, lors d’une rencontre avec des auteurs de la SACD, Audrey Azoulay exprime ainsi le rôle des commissions du CNC, suite à une interpellation concernant la faible capacité de la France à produire des séries innovantes et de qualité : « Le CNC n’a pas une esthétique d’État, conçue par des fonctionnaires. On s’en remet à des professionnels. Notre responsabilité est de nommer des membres suffisamment variés et de les renouveler. »

Entre 2011 et 2014, Audrey Azoulay est créditée de très nombreuses réussites :

  • numérisation de toutes les salles de cinéma de France,
  • restauration des grands films du passé et réalisation de la plateforme Cinécult,
  • réforme des soutiens aux producteurs et aux distributeurs,
  • nouvelle politique de la musique dans l’image,
  • renforcement des programmes d’éducation artistique,
  • création du Jour le plus Court (fête du film court lancée en 2011),
  • création du Fonds Cinéma du Monde,
  • signature d’accords internationaux avec l’Arménie, la Bulgarie, la Colombie, la Croatie, l’Italie, le Kenya, la Pologne, l’Ukraine…,
  • création du Fonds d’avance remboursable à l’export,
  • réforme des modalités de l’avance sur recettes,
  • renouvellement des conventions régionales,
  • réforme des aides aux séries TV et réforme des aides aux documentaires,
  • refonte du Fonds à l’Innovation audiovisuelle,
  • création des aides aux programmes du web (WebCosip),
  • réforme des crédits d’impôt au cinéma, à l’audiovisuel et au jeu vidéo,
  • sauvetage et consolidation des industries techniques et mission prospective

Sans oublier les éditions successives du Festival de Cannes, avec les Palmes d’Or attribuées à des films français, l’organisation des Assises pour la Diversité du Cinéma et de la Conférence internationale de Cannes pour l’Exception Culturelle, notamment décisive pour obtenir l’exclusion de la culture du projet de Traité de libre-échange transatlantique, la consolidation du réseau des CNC européens, les EFADs (où la France joue un vrai leadership), le partage de l’expertise française sur tous les continents de Buenos Aires à Oulan Bator…

Une ascension sur toile de fond diplomatique

Réputée proche de Julie Gayet, la jeune franco-marocaine fait partie de l’équipe accompagnant François Hollande au Mexique en avril 2014. Le chef de l’État lui propose d’intégrer cinq mois plus tard son équipe : la n°2 du CNC n’hésite pas et endosse, le 1er septembre, la responsabilité de conseillère sur les dossiers culturels, à la place de David Kessler, aujourd’hui responsable de la filiale cinéma de Orange. La presse a souvent évoqué le coup de foudre… Faute de preuve irréfutable, il est difficile d’en juger.

Ce qui est plus certain, c’est que l’ascension de la jeune femme concorde, à cette époque, avec une intensification des relations diplomatiques entre la France et le Maroc. Le président de la République française avait en effet rencontré André Azoulay un an auparavant, en avril 2013, lorsque ce dernier l’invita au sein de la Fondation Anna Lindh, dont il est le président depuis mars 2008 ; le même André Azoulay venait en effet de recevoir la médaille de la paix de la ville de Marseille, alors capitale européenne de la culture.

Par ailleurs, cette promotion d’Audrey Azoulay intervient trois mois à peine après la clôture du premier forum franco-marocain, animé en partie par l’ENA et par l’Association Marocaine des Anciens Élèves de l’ENA de France, en présence de diverses personnalités françaises et marocaines, dont… André Azoulay. Difficile de penser à un hasard.

De la discrétion active au ministère publique

Audrey Azoulay'Dès lors, l’ascension est fulgurante, au point qu’elle fait la Une de L’Obs en février 2015 et intègre le groupe des six conseillers constituant « la jeune garde du président ». Si la Une lui fait honneur, l’article ne dit rien sur elle. C’est qu’Audrey Azoulay, à l’image de cette photographie de groupe où elle est placée à l’extrémité, est à la fois présente et discrète.

Elle n’en est pas moins active, évitant les médias et, par conséquent, les scandales, comme cette fois où elle soutint le film contesté d’Alexandre Arcady, 24 jours, récompensé par le CRIF. Outre la projection privée qu’elle organise pour François Hollande, certains l’accusent d’avoir forcé France Télévisions à acheter et diffuser le film, refusé jusqu’alors.

Cette discrétion est probablement sa plus grande force, à l’heure de reprendre le Ministère de la Culture, à 43 ans. Si sa connaissance ne fait aucun doute sur les dossiers liés au monde du cinéma, reste pour elle à faire siens ceux liés au monde du spectacle vivant : augmentation des théâtres en crise dans toute la France, remise en cause du régime des intermittents, diminution de la production indépendante, copinages à répétition, dérégulation du marché de l’audiovisuel et du cinéma… autant de sujets douloureux qui restent en travers de la gorge de beaucoup de professionnels du monde du spectacle.

Redisons-le pour finir : le mot « ministère » vient du terme latin ministerium qui signifie « service ».

Profession Spectacle souhaite la bienvenue à Audrey Azoulay, ainsi que de beaux mois au service du monde du spectacle, de l’art et de la culture.

Michel LE GRETHANC

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5 commentaires

  1. De la Cour des comptes, Audrey Azoulay a la rectitude mais pas la raideur. Sa droiture l’impose, son sourire la fait aimer là où elle passe.

  2. @ Myriam : L’un et l’autre ne sont pas incompatibles, comme le dit finement l’article. C’est probablement exagéré de dire qu’il ne s’agit que d’une décision diplomatique, mais cela ne veut pas dire qu’il n’en a jamais été question. Nous ne le saurons jamais. Il n’y a rien de suspicieux à le penser, sauf à penser également qu’une nomination diplomatique est un mal. Ce qui serait absurde. Toute nomination a sa part de diplomatie. En ce sens, je trouve que Monsieur Le Grethanc garde une juste mesure.

    C’est vrai qu’elle renouvelle un peu la classe politique et qu’elle semble compétente pour tout ce qui concerne le cinéma. Reste à voir si elle saura comprendre les milieux du spectacle vivant… Je lui souhaite bien du courage, nous ne sommes pas simples à gérer !

  3. Dire que sa nomination doit à la Diplomatie paraît court surtout au regard de son parcours sur les sujets culturels.
    Qui conteste aujourd hui qu elle a été nommée pour sa connaissance du monde culturel et son entre gent?

    Quand la France cessera la suspicion des lors qu un nouveau venu émerge? Faut il que seuls les dinosaures soient légitimes ?

    A elle de jouer.

  4. Avec un père comme le sien, la rencontre ne pouvait être fortuite…

  5. Étonnant de voir que tous les médias sans exception ont omis de préciser cette coïncidence entre diplomatie et nomination. Merci pour votre travail d’investigation qui nous permet d’y voir plus clair…

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