RIP. Roberta Peters, la vedette surprise du Metropolitan Opera, est morte (1930-2017)

RIP. Roberta Peters, la vedette surprise du Metropolitan Opera, est morte (1930-2017)
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Née le 4 mai 1930 dans le Bronx, Roberta Peters commence des études de chant à l’âge de 13 ans. À 19 ans, elle est présentée au directeur général du Metropolitan Opera, Rudolf Bing, sur les conseils du ténor Jan Peerce. L’audition est un succès : elle doit commencer six mois plus tard. Mais la soprano Nadine Connor tombe malade ; il faut la remplacer au pied levé. Le soir même, Roberta Peters fait ses débuts devant une presse et un public enthousiastes…

Roberta Peters est l’enfant unique de Sol, un vendeur de chaussure et de Ruth, modiste. C’est précisément cette dernière qui remarque sa voix exceptionnelle, capable – alors que Roberta est encore très jeune – d’imiter de célèbres chanteurs. Ruth Peters pousse alors sa fille à travailler sa voix, sans toutefois lui offrir de formation. À 12 ans, elle est entendue par Jan Peerce ; impressionné, le ténor pense avoir affaire à une jeune chanteuse confirmée. Il n’en est rien. Il la recommande aussitôt à William Herman, professeur de Patrice Munsel.

Éducation 300 % musicale

Herman offre alors à Roberta une scolarité, demandant à ses parents de payer ce qu’ils pouvaient assurer et promettant de couvrir le reste des frais. Le reste ? Cela inclut des accompagnateurs pour la former, des cours de ballet, des leçons de français, d’italien et d’allemand, et l’apprentissage du mouvement – avec Joseph Pilates. Par ailleurs, William Herman emmène la jeune Roberta dans les musées, à des opéras et des concerts, lui offrant même un accès illimité à sa bibliothèque de partitions et d’enregistrements. Elle dépense ainsi des heures, fascinée, écoutant la coloratura de ses prédécesseurs.

Herman décide de retirer Roberta, alors âgée de 13 ans, du système éducatif traditionnel. C’est pourquoi, bien qu’elle ait accumulé quantité de diplômes, Roberta Peters n’a jamais reçu l’équivalent américain du baccalauréat. À 14 ans, elle peut lire Dante ; à 20 ans, elle connaît près d’une vingtaine de rôles d’opéra, sans avoir mis une seule fois le pied sur une scène.

En novembre 1949, Jan Peerce conduit l’impresario Sol Hurok au studio de William Herman, afin qu’il entende Roberta Peters  chanter des extraits de Lucia de Gaetano Donizetti et de I Puritani (« Les Puritains ») de Vincenzo Bellini. Sol Hurok l’écoute par deux fois et signe avec elle.

Surprise au Met’ !

En janvier 1950, le chef d’orchestre du Metropolitan Opera, Max Rudolf, lui demande de chanter des extraits de Rigoletto de Giuseppe Verdi. La semaine suivante, elle chante à quatre reprises le second aria de la Reine de la Nuit devant Rudolf Bing, alors directeur général du Met. Pourquoi quatre fois ? Parce que quatre chefs d’orchestre entrent successivement pour l’écouter, ce qu’elle apprendra plus tard. Un contrat est signé le 20 juillet 1950 : à 20 ans, Roberta Peters est « apprentie chanteuse » pour 20 semaines. Son grand début est prévu pour le 12 janvier de l’année suivante, avec La Flûte enchantée.

Mais le 17 novembre 1950, la soprano Nadine Connor, qui devait chanter – le soir même ! – le rôle de Zerlina dans Don Giovanni, tombe malade. Six heures avant le début de la représentation, alors qu’elle n’est encore jamais montée sur la scène d’un opéra, Roberta Peters arrive en métro et fait son surprenant début. L’anecdote fait le tour de New York, relayée par les médias qui en sont friands : elle gagne les cœurs de la presse et du public en une soirée.

Roberta Peters sur tous les fronts

C’est le début d’une longue histoire d’amour entre elle et le Met, au grand bonheur de son ami et mentor William Herman qui continue de lui donner ses leçons jusqu’en 1963, deux avant la mort de ce dernier. Si elle pense un temps enseigner, elle y renonce finalement, estimant que ce n’est pas de son ressort.

L’émergence de Roberta Peters coïncide à peu près avec l’explosion de la télévision : sa voix magnifique retentit en diverses émissions importantes telles que le Ed Sullivan ShowThe Voice of Firestone ou encore The Bell Telephone Hour. En 1975, elle apparaît dans un drame télévisé, Medical Center, interprétant une vedette d’opéra malade, en phase terminale, ou encore dans des publicités pour Maxwell Housewife et American Express.

Une « assurance effrontée » !

Alors qu’elle interprète la belle Rosina, pupille de Bartolo, dans Le Barbier de Séville de Gioachino Rossini, le New York Times écrit : « La soprano était merveilleuse sur tous les plans. Paraissant aussi délicate qu’une figurine de Dresde, elle joua avec grâce, vivacité et talent. Et elle chanta avec des tons rafraîchissants, mélodieux, négociant les délicats passages de la coloratura avec précision et un vrai plaisir… Telle était son assurance effrontée qu’elle réussit à détourner quelques scènes. »

 

La concurrence est rude, avec l’arrivée de chanteuses exceptionnelles telles que Maria Callas et Joan Sutherland sur les scènes de l’opéra ; ces dernières redéfinissent même ce qu’est la coloratura, voire certains rôles tels que celui de Lucia. Mais le public est fidèle et Roberta Peters reste une chanteuse ovationnée. La soprano se produit dans diverses villes des États-Unis, en Russie, en Israël et en Europe : Italie, Autriche, Angleterre…

Le 23 janvier 1964, elle crée notamment le rôle de Kitty pour la première aux États-Unis de L’ultimo selvaggio (« Le Dernier sauvage »), opéra en trois actes de Gian Carlo Menotti. La critique encense unanimement les interprétations, notamment celle de Roberta Peters, mais vilipende l’ouvrage.

Histoires d’amour…

Roberta Peters se marie avec le baryton Robert Merrill, mais divorce très rapidement : « Je crois que je suis tombée amoureuse de sa voix, pas de lui », confie-t-elle alors. Elle se remarie avec Bertram Fields en 1955, avec qui elle a deux enfants, Bruce et Paul, et quatre petits-enfants ; Bertram Fields meurt en 2010, après 55 ans de mariage.

Quant à son autre histoire d’amour, elle se conclut par une ultime performance – 35 ans plus tard – sur la mythique scène du Met : elle interprète Gilda (Rigoletto) une dernière fois à New York le 12 avril 1985 – performance qu’elle renouvellera à Boston, le 25 avril de la même année.

Elle reçoit la Médaille Nationale des Arts en 1998. Atteinte de la maladie de Parkinson, elle meurt ce mercredi 18 janvier 2017.

 

Brice Wattez

(Correspondant Amérique du Nord)



Lire : hommage d’Ira Siff dans Opera News (en anglais).

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