Théâtre et réalité virtuelle, un mariage contre-nature ?

Théâtre et réalité virtuelle, un mariage contre-nature ?
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Si la réalité virtuelle envahit progressivement les champs du jeu vidéo et du cinéma, force est de constater qu’elle est moins sollicitée par le spectacle vivant. Pourquoi ? Parce que le théâtre dispose déjà d’une profondeur naturelle de champ ; parce que cela pose également quelques questions importantes, telles que l’espace physique et le corps. Profession Spectacle s’est intéressé à cette problématique actuelle.

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Si l’utilisation et le développement de la réalité virtuelle semble aller de soi quand il s’agit du jeu vidéo ou du cinéma, c’est parce que ces deux genres tentent constamment, depuis quelques années, de dépasser la barrière de l’écran afin d’offrir une profondeur immersive – d’où le succès de la 3D les années précédentes. Il semble néanmoins légitime de douter de l’intérêt de ces technologies dès lors qu’on les applique à un genre qui précède les arts de l’écran et qui bénéficie naturellement de cette profondeur de champ. C’est particulièrement le cas du théâtre.

Vers un théâtre à la maison ?

Non pas que le théâtre soit un sanctuaire où les technologies n’ont pas leurs places : l’utilisation de plus en plus fréquente et expérimentale de celles-ci sur les planches ne fait que se confirmer ces dernières années. Et porte autant de fruits que d’espoirs pour l’avenir. Le progrès le plus significatif est celui qu’offre la réalité augmentée pour passer la barrière des langues. Ainsi, lors d’une représentation en langue étrangère, nul besoin de se tordre le cou en regardant comme un yo-yo le prompteur et la scène. Des lunettes augmentées, développées par plusieurs firmes, permettent désormais de fixer les sous-titres dans notre langue sur le haut de notre champ de vision, tout en écoutant la mélodie originelle de la langue de Shakespeare ou Goethe.

Si cette technologie a su trouver sa pertinence dans le développement du théâtre, pourquoi n’en irait-il pas de même de la réalité virtuelle ? Après tout, l’idée de pouvoir assister à une pièce de théâtre chez soi peut séduire. Si vous n’habitez pas à proximité d’un théâtre, comme c’est le cas de beaucoup de ruraux ou de personnes résidant dans des villes de taille moyenne, la réalité virtuelle semble une solution bien plus intéressante que la captation classique pour l’écran (très souvent décevante). C’est ce que défend David Fontain, de la maison de production californienne Departement of Badassery, quand il affirme que « la réalité virtuelle peut éventuellement résoudre le problème d’échelle que le théâtre a toujours eu ». Mais cela signifie aussi la fin du monopole du théâtre comme lieu de représentation, comme l’explique Luckey Palmer, fondateur d’Oculus Rift, un des plus gros producteurs de casques aujourd’hui : « Les gens utiliseront leur propre casque de réalité virtuelle personnel ».

Les limites actuelles de la réalité virtuelle

Il est une autre acceptation du « spectacle dans un fauteuil », défendu par Alfred de Musset, qui risque de nuire aux salles de théâtre : étant donné les difficultés financières que rencontrent certains acteurs du monde du théâtre de nos jours, une telle concurrence ne devrait pas être la bienvenue…

Pour le moment, les tentatives de captation des pièces en réalité virtuelle sont cependant limitées aux grosses productions, par exemple le secteur très spécifique des comédies musicales londoniennes. Dans ces cas spécifiques, elles permettent aux touristes de venir voir leur spectacle au sein du théâtre, en dehors des horaires de représentation.

En revanche, le secteur du théâtre « classique » semble peu s’intéresser à la réalité virtuelle, si ce n’est en tant qu’expérience ponctuelle lors d’une représentation ; le matériel reste toutefois trop coûteux aujourd’hui pour rentabiliser une telle innovation.

Tentatives récentes et questionnements constants

C’est pourquoi les pionniers en matière de théâtre et réalité virtuelle défendent des expériences immersives d’un nouveau type. C’est le cas par exemple de Don’t be Evil, développé par David Fontain, qui mise sur la solitude du spectateur pour faciliter l’effroi. Ou encore de Virtually Dead, projet anglo-saxon débarqué à Paris en avril 2016, qui fit vivre à un millier de personnes une expérience d’« apocalypse zombie » ; une quarantaine d’acteurs répartis sur un parcours interagissaient directement avec le spectateur équipé de son casque.

Le casque implique la suppression de l’espace originel, et donc généralement la fin de la salle de théâtre. Mais l’immersion gagnée par la réalité virtuelle perd un atout essentiel du théâtre : la présence du corps des acteurs et du public. On ne voit d’ailleurs pas ce qu’une pièce de Molière gagnerait à être vu au travers d’un casque. Cette technologie s’adresse ainsi aux projets théâtraux qui s’ouvrent particulièrement aux questions d’immersion et aux expérimentations trans-médias.

Camille DALMAS

David Fontain – Don’t be Evil

Teaser de Virtually Dead

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