VIDÉO. Laetitia Lafforgue : « Les arts de la rue sont puissamment politiques ! »

VIDÉO. Laetitia Lafforgue : « Les arts de la rue sont puissamment politiques ! »
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Comédienne à ktha compagnie, comédienne et codirectrice artistique de la compagnie Les Goulus, Laetitia Lafforgue a été présidente de la Fédération nationale des arts de la rue entre 2013 et 2016. Très engagée au service des artistes, elle assure aujourd’hui le rôle de porte-parole de l’UFISC, Union fédérale d’intervention des structures culturelles.

Arts, droits culturels, engagement politique, économie sociale et solidaire… ses préoccupations rejoignent celles de Profession Spectacle, et de son Lab en cours de création.

Entretien.

Aux origines de la fédération nationale des arts de la rue

« Cette fédération s’est créée en 1997, notamment sur le besoin de reconnaissance d’une pratique qui était en train de se développer, qui est partie des territoires, des villes et des communes qui nous ont suivis dès le départ. Cela a mis un peu plus de temps à arriver aux hautes sphères de l’État, mais disons qu’aujourd’hui, 20 ans plus tard, c’est une pratique largement reconnue, qui compte plusieurs centaines de festivals, pour ne pas dire milliers, et de très nombreuses compagnies. »

« Cette organisation n’a pas son pareil dans le monde, puisque les arts de la rue sont extrêmement constitués en France, très structurés. La Fédération ne s’est pas uniquement constituée sur des questions d’enjeu d’un secteur de professionnels, mais aussi pour défendre une vision de la société. »

« La fédération est née des acteurs, de directeurs artistiques de festivals, de compagnies, d’artistes. Mais notre fédération rassemble également des collectivités, des spectateurs… Nous essayons de fédérer largement, au-delà des seuls professionnels. »

« Ce qui nous habite le plus, c’est la défense des valeurs : la liberté de circuler et de s’exprimer dans l’espace public, l’égalité des territoires, puisque nous sommes par définition mobiles et nomades, et la fraternité, bien sûr, le lien social, d’aller sur la place publique avec un propos artistique et créer du lien, faire que les idées circulent… »

Spécificité des arts de la rue

« On ne dit pas qu’il y a une discipline « arts de la rue » ; ça n’existe pas. En revanche, il y a du théâtre, de la danse, du cirque, de la création sonore, de la musique, des plasticiens, aussi bien académiques que des street artists… »

« Il y a beaucoup de compagnies et d’artistes, et même des programmateurs, qui font des allers-retours. Nous ne sommes pas spécialisés, même si je pense qu’aujourd’hui il faut aller beaucoup plus loin. On fonctionne quand même en silo. On est associé au service du théâtre dans la plupart des DRAC. »

« Il y a la question de la sécurité, mais pas uniquement. Il y a quarante ans, quand nos pionniers ont commencé, pour schématiser un peu, les demandes d’autorisation n’étaient pas du tout les mêmes : les réglementations se sont extrêmement alourdies. Nous sommes dans des couches administratives qui nous demandent d’avoir des compétences très développées en la matière, pour accueillir le public, pour la réalisation de prouesses techniques… »

Engagement politique

« Les discussions que nous menons sont fondamentalement politiques, parce que ce que nous faisons est puissamment politique : prendre la parole dans l’espace public, avoir un propos esthétisé, artistique, et s’adresser à ses concitoyens sous le soleil de midi, c’est profondément politique. On ne fait que ça, de la politique ! »

« Le pire aujourd’hui, c’est la perte du sens politique, et finalement, la peur de certains élus à défendre certaines propositions. Il y en a aussi de très courageux. Notre rapport à la démocratie est tellement fort que c’est ça qui est plus intéressant, plus complexe, pas simple. »

Droits culturels

« Nous sommes membre fondateur de l’UFISC. Nous ne nous sommes appropriés la question des droits culturels que récemment, il y a deux ou trois ans. Nous les avons vus venir avec beaucoup de scepticisme, mais très rapidement, nous nous sommes rendus compte qu’ils correspondaient complètement à la vision libre et solidaire, qu’on défendait et à nos pratiques. »

« Les droits culturels ont été un révélateur, une autre façon de regarder ce que nous faisions déjà, c’est-à-dire être travaillés par des questions diverses, pouvoir les exprimer et y associer des territoires. »

« Les droits culturels font partie des droits fondamentaux. On a des valeurs qu’on décline avec nos pratiques et que défend la fédération. Dedans, forcément, il y a les droits culturels, mais il y a aussi la dignité de la personne, et toutes les choses que ça implique derrière : la liberté de s’exprimer, de choisir ses pratiques, son identité… »

« On était dans une conception descendante de la culture. Nous, nous ne parlons pas du tout de ça. Il y a eu la décentralisation, c’est bien, c’est une époque. Aujourd’hui, on est ailleurs, autre part. Il n’y a guère que les politiques publiques pour ne pas s’en rendre compte, puisque les gens sont déjà autre part. Dans leurs pratiques culturelles, ils ont intégré beaucoup de choses ! La diversité des musiques, par exemple : personne aujourd’hui n’est que « rock » ; la plupart des gens écoutent plein de choses. »

Économie sociale et solidaire

« Le moteur n’est pas la croissance économique, mais le côté organique de la structure entre les individus, c’est-à-dire un projet de société dans lequel c’est le projet, le développement des personnes, leur émancipation, leur bien-être, qui sont premier. Quand on applique ce principe, découle nécessairement une économie sociale et solidaire. »

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER



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Photographie de Une – Dessin de Bansky



 

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