19 octobre 1814 : Schubert tisse mais ne brode pas

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Schubert commence et termine d’un seul trait l’un de ses plus célèbres lieder : Marguerite au rouet. Une œuvre inquiétante dans le désespoir qu’il dépeint et qui devient très rapidement un chef-d’œuvre absolu, après sa création il y a 207 ans aujourd’hui. La preuve avec cet enregistrement de Jessye Norman…

Voici deux cent sept ans tout juste, Franz Schubert commence et termine d’un seul trait et d’un seul jet la partition d’un nouveau lied, devenu l’un de ses plus célèbres : Gretchen am Spinnrade, « Marguerite au rouet ». C’est la première fois que le jeune compositeur (il a alors dix-sept ans) adapte Goethe, qu’il connaît pourtant assez bien. Le thème de la jeune femme pure et innocente est décidément très présent chez lui en cet automne 1814, puisqu’il a achevé à peine trois jours auparavant un autre lied important, La jeune étrangère, d’après Schiller cette fois.

Mais il y a un monde entre les deux : là où ce dernier est lumineux, la Marguerite au rouet, avec son rythme entêtant au piano qui figure de façon saisissante le mouvement du rouet, est inquiétante dans le désespoir qu’il dépeint. Et pour preuve que l’état d’esprit de Schubert n’est pas le même, c’est qu’il corrige le texte de Goethe en lui ajoutant un vers de conclusion, qui dit ceci : « Mon repos s’en est allé, mon cœur est lourd. » Cet ajout reprend le 1er vers, déjà cité deux autres fois dans le lied (c’en est le refrain, de fait), comme pour boucler la boucle (au rouet, ce n’est pas absurde), et pour bien appuyer sur ce point précis.

Ce chef-d’œuvre absolu parvient, malgré sa brièveté, à créer tout un monde en transfigurant le texte de Goethe, dont l’histoire ne dit pas s’il en a eu connaissance – c’est peu probable. Voyez ce cri, « Ach, sein kuss ! » (« Ah, son baiser ! »), point d’orgue du tourment de la pauvre Marguerite. Plusieurs musicologues, sans doute très schubertiens (et comment le leur reprocher ?!), voient dans cette Marguerite au rouet le véritable acte de naissance du lied allemand. Je ne m’avancerai pas dans ces considérations pour lesquelles je ne suis évidemment pas compétent, mais je dois reconnaître que ce lied-là est l’un des plus beaux que Schubert ait créé.

Et pour le servir, qui mieux qu’une grande spécialiste de la mélodie germanique comme Jessye Norman, bien sûr ! Reprenons-en encore un peu, le temps de quelques tours de rouet, ici effectués par Geoffrey Parsons.

Cédric MANUEL



Un jour… une œuvre musicale !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »



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