22 janvier 1859 : hommage à Schumann… mais le(a)quel(le) ?

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Instant classique – 22 janvier 1859… 162 ans jour pour jour. Est-ce une rêverie douloureuse, suspendue, sur le destin tragique de Robert Schumann ? Est-ce un chant plaintif qui exprime un amour impossible pour Clara Schumann. Qu’importe ! Brahms signe pour ses mentors un concerto long et complexe, avec un mouvement sublime en son centre, qui s’impose comme un pilier du répertoire.

Douloureuse, suspendue, cette musique semble s’interroger sur le destin tragique du mentor de Brahms. Mais d’aucuns y voient aussi une forme de chant plaintif pour un amour impossible. Et qu’importe finalement, c’est un mouvement sublime.

Johannes Brahms a tout juste vingt ans lorsqu’il rencontre Robert et Clara Schumann. Le jeune homme n’est pas encore le gros patriarche barbu dont on connaît bien l’image. Les photos de lui à cet âge montrent plutôt un visage imberbe d’une grande beauté, des cheveux mi-long et des yeux d’acier. Il vénère le compositeur de plus de vingt ans son aîné qui, peu après, sombrera dans les ténèbres intérieures. C’est d’ailleurs Schumann qui lui conseille, en 1854, de s’atteler à une symphonie, alors que Brahms est un pianiste très doué et qu’il ne s’y connaît guère en orchestration.

Il commence donc à travailler pour deux pianos. La tentative dramatique de suicide de Robert Schumann, puis son naufrage intime le stressent terriblement. Il n’avance pas. Il demande conseil à son grand ami Julius Otto Grimm, compositeur et chef d’orchestre mais aussi directeur de la société chorale de Göttingen. Peu à peu, la présence du piano s’impose et Brahms renonce à une marche funèbre, qui venait constituer l’un des mouvements de cette symphonie avortée. Il en réutilisera le matériau pour son Requiem allemand. Après de nombreux mois de labeur et d’échanges de conseils avec ses amis, Brahms parle de son œuvre avec un autre de ses proches, le violoniste Joseph Joachim, qui l’encourage, le soutient, le conseille et finalement le concerto prend sa forme définitive en 1858.

Et puis, il y a Clara. Clara Schumann, amie intime de Brahms et pianiste de renommée internationale depuis de très longues années. Les relations entre elle et Brahms ont fait l’objet de bien des interprétations. Il est communément admis que Brahms l’aimait d’un amour profond et quelque peu torturé, mais toujours très respectueux, tandis qu’elle déclarera : « Je l’aime comme un fils. » Quoi qu’il en soit réellement, la vérité la plus établie est qu’il considérait l’avis de la pianiste comme essentiel. Clara l’encourage vivement, lorsque Brahms lui fait parvenir les partitions successives de ses mouvements. Elle admire la « grandeur de la conception » et la « tendresse des mélodies ».

Le concerto est finalement créé à Hanovre, voici tout juste cent soixante-deux ans aujourd’hui. Ce n’est pas Clara mais Brahms lui-même, vingt-cinq ans, qui est au piano. C’est son ami Joseph Joachim qui dirige. Le public reçoit l’œuvre, longue et complexe, très froidement. Il faudra beaucoup de temps pour que ce concerto s’impose comme un pilier du répertoire. Et Brahms ne composera sa première symphonie que près de vingt ans plus tard.

Ce concerto est fort connu, mais surtout pour ses deux mouvements extrêmes, l’imposant “Maestoso” initial et surtout le rondo entraînant qui clôt la partition. Mais c’est l’adagio central, moins célèbre, que j’ai choisi, cette rêverie hors du temps en tête duquel Brahms a écrit « Benedictus qui venit in nomine Domini ». On y voit généralement un hommage à Schumann, qu’il appelait « Mein Herr Domine ». Douloureuse, suspendue, cette musique semble s’interroger sur le destin tragique du mentor de Brahms. Mais d’aucuns y voient aussi une forme de chant plaintif pour un amour impossible. Et qu’importe finalement, c’est un mouvement sublime.

Le voici d’ailleurs magnifiquement interprété par l’un des très grands spécialistes de Brahms, Emil Gilels. Écoutez aussi l’écrin sensationnel que lui offre l’orchestre philharmonique de Berlin, dirigé par un chef trop peu considéré et dont on ne se rappelle que pour ses (géniaux) Bruckner, Eugen Jochum.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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