Intermittents, artistes, techniciens… 6 questions sur la réforme des retraites qui se prépare

Intermittents, artistes, techniciens… 6 questions sur la réforme des retraites qui se prépare
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C’est un véritable test pour le gouvernement face à un front commun. De la SNCF aux poids lourds, de la RATP à Air France, en passant par EDF et les hôpitaux publics : les appels à faire grève le 5 décembre contre la réforme des retraites se multiplient. Et les professionnels du spectacle ne font pas exception.

La Cgt-Spectacle et ses syndicats appellent ainsi à rejoindre le mouvement et à prendre part aux manifestations interprofessionnelles. Mais au fait, en quoi consiste cette réforme et que va-t-elle changer ? Alors que rien n’est encore tranché par l’exécutif, on fait le point sur les pistes étudiées.

1. Pourquoi une énième réforme ? 

Elle fait partie des promesses de campagne du candidat Macron, avec ceci de complètement nouveau qu’elle révolutionne complètement notre système actuel, puisqu’elle doit permettre l’instauration d’un régime de retraite universel et la fin des régimes spéciaux. « Je ne modifie pas l’âge de départ à la retraite durant le quinquennat, je ne modifie pas non plus les règles, et pour les retraités, et pour nos concitoyens qui sont à cinq ans du départ à la retraite. Mais progressivement, je mets en place un système beaucoup plus juste et transparent. Pour que chaque euro cotisé donne lieu aux mêmes droits« , avait ainsi expliqué le candidat lors d’une interview sur TF1, le 12 mars 2017.

Mais à ce moment-là, il n’était pas question d’allongement de la durée de cotisation.

Sauf que, selon les dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR), le déficit du système de retraite devrait s’établir entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d’euros en 2025. « Il faut dire aux Français clairement, tranquillement, le faire progressivement, que nous allons travailler plus longtemps […] soit par la durée de cotisation soit par une mesure d’âge« , a expliqué Édouard Philippe sur France Inter le 21 novembre dernier.  Cependant, le Premier ministre ne se dit « pas immédiatement » favorable à la modification de l’âge légal. « L’âge pivot est un élément de solution. »

2. Comment ça s’annonce ?

Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a déjà dévoilé en juillet dernier ses recommandations pour un « système universel » qui doit remplacer les 42 régimes existants. Son rapport était très attendu car il doit servir de base pour le futur projet de loi.

Retraite par points. Ce que propose le rapport, c’est que le dispositif par points proposé par le gouvernement mette un terme à l’ancien calcul qui retient les 25 meilleures années pour les salariés du privé et les six derniers mois pour ceux du public. L’idée, c’est qu’un euro cotisé devra donner les mêmes droits à tous et dix euros cotisés équivaudront à un point. Le taux de cotisation sera de 28,12 % avec une répartition entre l’employeur et le salarié à 60-40 %, comme actuellement

Travailler plus longtemps. Le gouvernement veut également encourager les Français à travailler plus longtemps. L’âge légal de départ sera bien maintenu à 62 ans, mais l’âge qui permettra aux actifs de partir à la retraite avec un équivalent du taux plein sera fixé à 64 ans. Cet « âge d’équilibre » – car il permet un équilibre du système de retraites – évoluera en fonction de l’espérance de vie des Français.

Une pension minimum à 85 % du SMIC. Fin 2016, 38 % des femmes et 22 % des hommes touchaient moins de 1 000 euros brut par mois de pension. Le rapport préconise l’augmentation du minimum de retraite à 85 % du SMIC net (995 euros), contre 81 % pour les salariés dans le système actuel et 75 % pour les agriculteurs. Cette mesure devrait bénéficier aux salariés qui ont travaillé à temps partiel, souvent des femmes. Ceci « bénéficiera notamment aux exploitants agricoles, aux artisans, aux commerçants et aux personnes, souvent des femmes, qui ont durablement travaillé à temps partiel« , a fait valoir Jean-Paul Delevoye.

3. Ok, ça c’est pour tout le monde, mais pour les intermittents, qu’est-ce qu’on leur réserve ?

On l’a vu plus haut, les régimes spéciaux sont dans le viseur du gouvernement. Il en existe deux qui concernent les professionnels du spectacle.

Le régime des personnels de l’Opéra national de Paris. Les personnes concernées par ce régime spécial sont les salariés en CDI (quelle que soit leur profession : artistique, technique, administrative) et le personnel artistique en CDD (dont intermittents). Il faut justifier d’au moins un an de service à l’Opéra de Paris pour bénéficier du régime de retraites, et de quinze ans pour toucher une pension à taux plein. L’âge légal de départ à la retraite diffère bien évidemment fortement selon les professions : 42 ans pour les danseurs, 50 ans pour les artistes du chœur (porté progressivement à 57 ans en 2029), 55 ans pour les professionnels techniques en cas de fatigue exceptionnelle (portés à 57 ans en 2024, puis 62 ans en 2029), 60 ans pour les artistes de l’orchestre, chefs de chant, pianistes accompagnateurs et 62 ans pour les autres personnels. Par comparaison, l’âge légal de départ à la retraite pour les salariés du régime général est aujourd’hui de 62 ans.

Le régime de la Comédie Française. La particularité de ce régime spécial, qui concerne quelques centaines d’assurés, ce sont les possibilités de départ anticipé : à 55 ans pour les personnels techniques et les agents de sécurité. Enfin, il existe une pension minimale : un peu plus de 12 000 euros par an. Les détails sont consultables ici.

Pour tous les autres, qui dit système universel, dit harmonisation. Les professionnels du spectacle, qu’ils soient artistes, techniciens ou auteurs, seront donc tous concernés par les arbitrages du gouvernement.

4. Qu’en est-il de la comptabilisation des périodes de chômage ? 

« Le système actuel octroie des trimestres pour maladie, les périodes de chômage, les enfants. Le prochain donnera des points, ça ne change pas grand-chose« , explique à l’Usine Nouvelle l’économiste Antoine Bozio. C’est lui qui a convaincu, en 2017, Emmanuel Macron d’instaurer un régime universel. « Mais, aujourd’hui, ce que vous percevez durant ces périodes n’est pas pris en compte dans le calcul du revenu de référence. Avec le nouveau système, vous aurez le même nombre de points pour une période de chômage, qu’elle soit en début ou en fin de carrière. »

5. Mais concrètement, ça concerne ceux qui travaillent déjà ou les futures générations ? 

L’idée a été mise sur la table d’instaurer une « clause du grand-père« , réservant la réforme aux nouveaux entrants sur le marché du travail. Si le haut-commissaire s’est dit opposé à cette mesure, il a été sévèrement recadré par le chef de l’État et le Premier ministre. Ces derniers se disent « ouvert à tout« , de manière à pouvoir garder des marges de manœuvre pour négocier après le mouvement du 5 décembre.

6. C’est quoi le programme désormais ? 

La réforme est entrée dans la phase de préparation du projet de loi, avec un nouveau cycle de discussions jusqu’à la fin de l’année. Les Français sont appelés à contribuer sur une plate-forme en ligne, pour la deuxième fois en un an.

Le Premier ministre Édouard Philippe et le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye feront des « annonces » sur la réforme des retraites avant la fin de l’année, a indiqué Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Le gouvernement espère que le texte puisse être examiné au Parlement après les municipales de mars, pour une possible entrée en vigueur en 2025.

Jacques GUILLOUX

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