« La forme de l’eau » : Guillermo del Toro entre fantaisie, satire et fantastique

« La forme de l’eau » : Guillermo del Toro entre fantaisie, satire et fantastique
Publicité

La résistance de la singularité face aux forces de l’uniformisation est l’un des fils rouges de l’œuvre de Guillermo del Toro. Il n’y déroge pas avec ce nouveau cru, qui nous conte l’histoire d’amour unissant une femme de ménage muette, Elisa (Sally Hawkins), et un humanoïde amphibie que s’arrachent les puissances américaines et soviétiques en pleine guerre froide.

.

Une fantaisie fantastique et satirique

Pour mettre en couleurs le cheminement de l’exclusion à la reconnaissance de ces deux marginaux, le réalisateur mexicain choisit très symboliquement comme dominante la couleur que les comédiens ont longtemps tenu à distance des plateaux de théâtre, et les cinéastes des affiches de films, par superstition puis par convention.

Ainsi, à défaut d’avoir « la forme de l’eau », sa fantaisie en a néanmoins le ton : le vert aqueux est omniprésent, mis en valeur par la photographie de Dan Lautsen, léchée à faire pâlir de jalousie Darius Khondji, le brillant chef op de Minuit à Paris, The lost city of Z ou encore du Fabuleux destin d’Amélie Poulain.

L’esthétique chromatique n’est d’ailleurs pas la seule à faire penser à l’univers de Jean-Pierre Jeunet. Dans une Baltimore d’après-guerre hyper stylisée, Guillermo del Toro déroule en effet son intrigue à la confluence du satirique et du fantastique, et parsème son film des cocasseries les plus diverses, n’hésitant pas à recourir à toute la palette des formes d’humour, de la plus prétendument noble à la plus triviale.

Insolite, vintage et nostalgie

Là où certains formalistes maniaques signent des œuvres d’une magnificence à couper le souffle, mais d’une pauvreté émotionnelle presque proportionnellement suffocante (Denis Villeneuve, au hasard), Guillermo del Toro tire lui aussi au cordeau ses décors et ses cadres, mais désamorce tout esprit de sérieux en y logeant systématiquement un détail insolite ou un objet vintage, clin d’œil aux nostalgiques de tous poils.

L’environnement de son héroïne est une caverne d’Ali Baba (sise sur un cinéma, s’il-vous-plaît), et elle-même respire le romantisme suranné. Là où, dans le monde d’Amélie Poulain, la principale affaire était de voir sans être vu, dans celui d’Elisa, il s’agit de communiquer sans être entendu. Quelle thématique plus « parlante » pour un amoureux du pur langage visuel ?

Extraits de films, personnage de peintre rendu obsolète par l’essor de la photographie… Guillermo del Toro utilise de nombreuses mises en abyme pour évoquer sa nostalgie de l’âge d’or du cinéma, une époque où l’émotion prévalait encore.

Florine LEBRIS

 



Guillermo del Toro, La Forme de l’eau, France, 2017, 119mn

  • Sortie française : 21 février 2018
  • Titre original : The Shape of Water
  • Genre : film fantastique
  • Classification : tous publics
  • Avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Doug Jones, Michael Stuhlbarg, Octavia Spencer, Richard Jenkins, Lauren Lee Smith, John Kapelos, David Hewlett, Nick Searcy.
  • Scénario : Guillermo del Toro et Vanessa Taylor
  • Musique : Alexandre Desplat
  • Directeur de la photographie : Dan Lautsen
  • Distribution : Twentieth Century Fox

En savoir plus avec notre partenaire Chacun cherche son film : La Forme de l’eau

"La Forme de l'eau", film de Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins



Découvrir toutes nos critiques de films



Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *