Le mécénat et la culture : ce qu’il faut savoir avec la réforme de Franck Riester

Le mécénat et la culture : ce qu’il faut savoir avec la réforme de Franck Riester
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Votée il y a quinze ans, la loi Aillagon apparaissait comme un renouveau du mécénat en France. De nouvelles mesures ont récemment été mises en place en janvier par Franck Riester, ministre de la culture. Mécénat… Le mot peut faire rêver pour la création, il ouvre des possibilités, promet un avenir meilleur. Mais qu’en est-il vraiment ? À qui profite réellement ce système : l’État, la culture ou la fiscalité ? Cinq questions pour tout comprendre.

Pour rappel, la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon, visait à développer plus largement le mécénat, à réformer la reconnaissance d’utilité publique, condition pour bénéficier de certains avantages, et à harmoniser les dispositifs applicables aux dons. Fortement liées aux avantages fiscaux, les nouvelles mesures se sont concentrées sur la visibilité des bénéficiaires, afin que les entreprises ou particuliers affichent clairement la destination de leurs dons. Quel constat depuis la réforme de 2003 ?

La loi Aillagon a-t-elle vraiment permis de développer le mécénat ?

Depuis sa mise en application, le nombre de dons déclarés a été multiplié par quatre et le nombre d’entreprises mécènes par douze. Les fondations et associations ont essaimé, à la faveur du développement de projets culturels et artistiques, mais aussi de leur démocratisation par l’organisation de plusieurs événements gratuits à destination du public.

Est-ce une manière pour l’État de se désengager ?

Si le mécénat peut paraître un moyen pour l’État d’alléger son budget alloué à la culture, c’est aussi, indirectement, une aide de l’État dont il s’agit. En effet, les dons effectués par les entreprises ou les particuliers étant défiscalisés, ils sont en fait une part de l’impôt qui se trouve redirigée vers la culture, dont se prive l’État.

Le mécénat a également permis un engagement personnel des citoyens et des entreprises, plus direct et plus local, dans une perspective d’investissement dans les territoires. Une fondation créée en 2009, « Passions Alsace », s’est même concentrée sur un circuit court du don, pour favoriser les associations locales.

Les mécènes font aussi figure d’accompagnement dans les projets, en apportant leur expertise et une visibilité de financement. En ce sens, le mécénat permet à l’État de déléguer son rôle de soutien à la culture, à la faveur de partenariats public-privé devenus nécessaires aux relations territoriales. D’autant plus que son développement s’accompagne de la création de « pôles mécénat » dans les régions, pour aider les entreprises et les associations à y avoir recours.

Quelle place pour le financement participatif ?

Dans le cadre du bilan sur le mécénat établi par le ministère de la culture, la question du financement participatif est apparue comme un nouveau levier pour les projets culturels. En marge du mécénat, mais dans le même esprit, le financement participatif permet davantage de compléter le financement des professionnels que de véhiculer une culture indépendante. En effet, les projets soutenus sont majoritairement les mêmes que ceux qu’aurait pu financer l’industrie classique.

Autre point intéressant à observer : une économie parallèle dans le milieu de la culture aurait pu faire émerger une plus grande diversité de projets, passant outre les diktats imposés par le milieu professionnel, mais il n’en est rien. Ceux qui donnent sur les plateformes soutiennent généralement des projets dont ils sont familiers ou dont ils apprécient la qualité, c’est-à-dire sensiblement les mêmes que la majorité des projets culturels.

La seule différence, et donc la valeur-ajoutée du financement participatif, est qu’il permet de faire émerger des projets soutenus ensuite par les professionnels : il joue ainsi le rôle de détecteur de talent.

Le mécénat est-il la fin de la liberté artistique ?

Le mécénat équivaut-il à une limitation de la création artistique ? Cela dépend sans doute des domaines concernés. En ce qui concerne le patrimoine à préserver, qui doit beaucoup au mécénat, la question ne se pose pas vraiment. Mais pour les arts, comme nous le voyons à travers le financement participatif, cela est loin d’être aussi simple.

Les projets qui arrivent à être financés sont pour la plupart sans prise de risque ni grande innovation. Une tendance qui se retrouve dans le mécénat plus traditionnel. Mais ce reproche pourrait tout aussi bien être adressé à différentes institutions publiques telles que le CNC – et même aux producteurs – dans le domaine du cinéma, bien spécifique de l’esprit français.

Qu’apportent les nouvelles mesures de Franck Riester en 2019 ?

Les nouvelles mesures « phares » du ministre de la culture apportent surtout des garde-fous au système fiscal de la loi Aillagon, en insistant sur l’obligation de déclarer clairement la destination des financements. Franck Riester souhaite éviter les déviances de niches fiscales et indirectement de détournement de fonds sensés être alloués à une association ou une fondation.

Un autre point concerne l’accès plus ouvert des TPE et PME au mécénat. En effet, le plafond étant limité à 0,5 % du chiffre d’affaires par entreprise, les TPE et PME ne pouvaient participer au financement culturel que de manière limitée. Une franchise de 10 000 euros a ainsi remplacé la limite du pourcentage de contribution.

Louise ALMÉRAS



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1 commentaire

  1. Effectivement, le nouveau ministre ne s’intéresse qu’aux enjeux fiscaux… On ne l’a toujours pas entendu sur les questions artistiques, de politique culturelle, etc. Ou alors, c’était tellement discret… Concernant le mécénat et ce que l’on nomme « le risque » artistique, il n’y a aucun effet, en effet. Le patrimoine d’ailleurs, vient en premier. Il faudrait revenir sur la question du « risque », et rappeler, comme je l’ai fait ailleurs, que lors de la première période des politiques publiques, les subventions avaient pour but (en grande partie, et inégalement, bien entendu) de donner les moyens d’une « certaine indépendance » aux artistes et aux programmateurs par rapport aux exigences politiques, de communication et économiques. Je résumerai en disant que, du coup, le mot risque était vécu positivement (on était là, « payé » pour en prendre, d’une certaine manière). Depuis les années 90, le mot a pris un sens inverse : on n’est pas là pour prendre des risques. La raison en est, pour partie, une sorte d’inversion de la fonction de la subvention, c’est à dire de la politique publique. C’est schématique mais la logique générale est réelle.

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