Réforme des entrepreneurs de spectacles vivants : ce qu’il faut savoir (retenir)

Réforme des entrepreneurs de spectacles vivants : ce qu’il faut savoir (retenir)
Publicité

La réforme des entrepreneurs de spectacles vivants, qui entre en vigueur ce 1er octobre 2019, modifie en profondeur le régime de la licence, en passant de l’autorisation préalable à la déclaration préalable. Que faut-il savoir et retenir de ce bouleversement ? Explications détaillées avec notre juriste, Frédéric Dieu.

L’ordonnance n° 2019-700 du 3 juillet 2019 relative aux entrepreneurs de spectacles vivants vient modifier profondément les conditions d’exercice de cette activité, en procédant à deux substitutions majeures : substitution d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation préalable ; substitution d’un régime de sanctions administratives à un régime de sanctions pénales.

Il est attendu du nouveau dispositif une plus grande rapidité de traitement des demandes, une plus grande efficacité dans la répression des manquements commis par les entrepreneurs et un renforcement des exigences de sécurité pesant sur eux. L’on verra, à l’usage, s’il tient toutes ces promesses.

Ce nouveau dispositif entrera en vigueur le 1er octobre 2019. Le décret d’application de l’ordonnance, auquel est subordonnée cette entrée en vigueur, devrait être adopté dans quelques jours. Nous en rendrons compte dans ces colonnes.

Justification et critiques du régime initial

Un dispositif fondé sur l’autorisation préalable

Le dispositif de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants, issu de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles et depuis intégré dans le code du travail, était jusqu’à présent fondé sur un régime d’autorisation préalable d’exercer la profession.

Ce régime contraignant pour les entrepreneurs était justifié par ses objectifs : assurer la protection des salariés et des publics ainsi que le respect de la propriété intellectuelle des auteurs, ce dans le cadre d’une production de spectacles caractérisée, en France, par la présomption de salariat de l’artiste, le contrat à durée déterminée d’usage dans ce secteur et le régime dit des intermittents du spectacle.

Le dispositif de la licence permet à l’administration de vérifier le champ d’activité de l’entreprise au titre du régime d’assurance chômage : celle-ci doit être titulaire de cette licence pour pouvoir recourir à des techniciens et ouvriers du spectacle relevant de l’annexe huit du régime de l’assurance chômage. La licence conditionne ainsi l’accès au régime dit des techniciens intermittents du spectacle : sa détention par l’employeur est, théoriquement, vérifiée par Pôle emploi.

Le contrôle a priori de l’exercice de l’activité, qu’impliquait le régime d’autorisation préalable, permettait de vérifier initialement et régulièrement les compétences du demandeur : initialement lors de la première délivrance de la licence ; régulièrement, plus précisément tous les trois ans, à l’occasion de chaque renouvellement de la licence. Chaque fois, l’administration contrôlait que l’entrepreneur de spectacles vivants s’acquittait correctement des obligations qui sont les siennes en matière de droit social, de droit du travail et de droit de la propriété intellectuelle.

Critiques du précédent régime

Ce contrôle régulier était une bonne chose. Malgré cela, le régime de l’autorisation préalable était la cible de critiques récurrentes, tant de la part de l’administration que des entreprises. Étaient en particulier dénoncés :

– la lourdeur et la lenteur de la procédure de délivrance, l’autorisation n’étant accordée qu’à l’issue d’un délai moyen de quatre mois et selon des conditions et modalités très variables selon les régions, après avis de commissions consultatives régionales dont l’intervention, sans grande valeur ajoutée, ne faisait qu’allonger la procédure ;

– la charge administrative croissante pesant sur les forces de sécurité intérieure dans le cadre des instructions administratives à diligenter ;

– l’inefficacité de la lutte contre le travail dissimulé ;

– un régime de contrôles et de sanctions pénales inefficace, la quasi-absence d’échanges d’informations entre administrations pendant la période de validité de la licence limitant considérablement les possibilités de retrait de licence et permettant à de nombreux entrepreneurs d’exercer impunément leur activité sans licence. Les sanctions pénales étaient donc rarissimes.

Nouveau régime : de l’autorisation préalable à la déclaration préalable 

Le nouveau régime qui entrera en vigueur le 1er octobre 2019 reprend à son compte l’une des principales propositions du rapport établi par l’inspection générale des affaires culturelles et l’inspection générale des affaires sociales en septembre 2016.

Extension du régime

Un mot d’abord sur l’extension du régime.

Il existe trois types de licences, selon que le demandeur est exploitant de lieux de spectacles, producteur ou diffuseur (D. 7122-1 du code du travail). La licence, personnelle et incessible, est délivrée pour une durée (pour l’instant) de trois ans à une personne physique ou morale, pour la direction d’une entreprise déterminée. La licence doit être détenue tant par les entrepreneurs de spectacles vivants dont c’est là l’activité principale que par ceux dont c’est une activité occasionnelle, dès lors que ceux-ci réalisent plus de six représentations par an. Vingt-huit mille entreprises environ sont concernées, dont vingt-six mille établies en France : parmi ces dernières, vingt mille en font leur activité principale, six mille leur activité accessoire.

Les autres entreprises (environ deux mille entreprises) sont établies à l’étranger, en général dans l’espace européen (cent cinquante seulement sont établies hors d’Europe).

Cinq caractéristiques de ce nouveau régime

On peut énoncer cinq caractéristiques de ce nouveau régime, qui sont les suivantes :

1/ Simplification du régime juridique de l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants : la principale simplification consiste à passer d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif.  L’entreprise doit seulement faire une déclaration auprès de l’administration : à défaut d’opposition de cette dernière dans un délai donné, l’autorisation est acquise. Le récépissé de déclaration vaut licence (L. 7122-3). Il n’y a donc plus à proprement parler de délivrance d’une licence.

La durée de validité de la licence (plus exactement du récépissé valant licence) pourrait passer de trois à cinq ans. Devrait également être simplifiée la composition du dossier exigé pour la déclaration, ainsi que son instruction avec notamment la suppression des commissions consultatives régionales. Pourrait et devrait car ces modifications n’entreront en vigueur que lorsqu’aura été rédigé et publié le décret en Conseil d’État auquel renvoie l’ordonnance du 3 juillet 2019. Ce décret essentiel devrait être adopté dans les prochains jours : son intervention est en effet indispensable à l’entrée en vigueur du nouveau dispositif dès le 1er octobre 2019.

2/ Répression de l’exercice illégal de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants par un régime de sanctions administratives en lieu et place de l’ancien régime de sanctions pénales qui n’était guère appliqué du fait de sa lourdeur et de son caractère disproportionné.

Le nouveau régime de sanctions administratives est un régime gradué qui comprend, selon un ordre croissant de sanction :

– la mise en demeure de faire cesser l’infraction ;
– le prononcé d’une amende pouvant aller jusqu’à mille cinq cents euros pour une personne physique ou sept mille cinq cents euros pour une personne morale, cette amende pouvant être assortie d’une astreinte journalière ;
– enfin, la fermeture d’un établissement pour une durée d’un an maximum (le projet initial prévoyait une fermeture sans limitation de durée) contre cinq ans maximum auparavant (L. 7122-16). Cette sanction de fermeture est probablement inspirée de la sanction prévue par les dispositions de l’article L. 422-1 du code du cinéma et de l’image animée qui prévoient la fermeture pour un an maximum de salles de cinéma en cas de méconnaissance de ses obligations par l’exploitant.

3/ Possibilité désormais conférée aux personnes morales d’obtenir une licence.

4/ Renforcement des contrôles, tant en ce qui concerne le respect des règles relatives à la sécurité des lieux de spectacle qu’en ce qui concerne le respect des dispositions relatives au droit du travail, au droit de la protection sociale et au droit de la propriété littéraire et artistique. L’ordonnance prévoit ainsi expressément la possibilité de faire cesser l’activité en cas de méconnaissance des obligations de sécurité des lieux de spectacle.

5/ Assouplissement de l’exercice de l’activité par des entreprises non établies en France (c’est-à-dire ayant leur siège à l’étranger).

Dans le cas où l’entreprise exerçant une activité en France est établie dans un autre pays de l’Union européenne (UE) ou dans un pays partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), une simple information de l’autorité administrative française suffit. Ces entreprises, contrairement aux entreprises établies en France, n’ont donc pas à faire de déclaration (L. 7122-6). L’idée, classique dans le droit de l’UE mais peu réaliste, est que les régimes applicables ailleurs en Europe doivent être reconnus de plein droit en ce qu’ils offrent les mêmes garanties. Cela est assez fictif puisque n’existe pas, dans les autres États membres, l’équivalent du régime français de la licence (L. 7122-6).

En revanche, l’entreprise établie dans un pays tiers (ni membre de l’UE ni partie à l’accord sur l’EEE) qui souhaite exercer une activité en France devra préalablement avoir conclu un contrat avec un entrepreneur détenteur d’un récépissé de déclaration (L. 7122-7).

.

Précisons pour terminer que l’entrepreneur personne physique qui a la nationalité d’un « État européen » (cette notion étant plus large que celle d’État-membre de l’UE ou partie à l’EEE) peut s’établir en France pour exercer l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants à condition de tenir un « titre d’effet équivalent » délivré dans un de ces États « dans des conditions comparables » (L. 7122-5).

Frédéric DIEU

.



 

Publicité

4 commentaires

  1. Bonjour Monsieur Dieu! J’ai une question a vous poser : je fais face à un problème depuis hier. Apres avoir eu 4 licences d’entrepreneur de spectacle (tous les 3 ans) , je viens de faire une demande pour renouveler ma licence . Malheureusement, on m’annonce que je n’ai plus de droit d’être producteur car je ne suis pas salarié (gerant majoritaire sarl non salarié et artiste). Le nouveau decret du 27 septembre 2019 indique qu’il faut salarier l’artiste afin de le protéger. Je suis mon propre patron donc je ne peux pas etre plus protégé que par moi même ….Savez vous comment dois je faire pour contester cette décision ? Dans le cas echeant, quel serait la solution?
    Un grand merci !!! Bonne journée
    OG

  2. Je dois faire la demande de renouvellement pour une compagnie de théâtre professionnelle qui a déjà les licence 2 et 3 qui ont expiré il y a 2 semaines. Quelle est la nouvelle procédure du coup?

  3. Bonjour,

    Je pense que l’article 6 de l’ordonnance du 3 juillet 2019 répond à votre question.

    Il prévoit : « Les demandes de licence et de renouvellement de licence, déposées avant la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance [donc avant le 1er octobre 2019, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue par son article 7], demeurent régies par les dispositions du code du travail relatives à la licence d’entrepreneur de spectacles vivants dans leur rédaction antérieure au présent texte. »

    Conséquence : ce qu’on peut appeler « l’ancien régime » (le régime d’autorisation préalable) s’applique non seulement pour les licences délivrées avant le 1er octobre 2019 mais même pour les demandes de licence déposées avant cette date.

    Le changement déclaratif ne s’applique qu’aux demandes de licence déposées à compter du 1er octobre 2019. Toutes les licences délivrées ou demandées avant cette date relèvent de l’ancien régime et sont valables pour une durée de trois ans.

    FD

  4. Bonjour
    Pour les licences qui ont été octroyées en juin 2019 donc l’année de la nouvelle loi mais avant la nouvelle loi, le changement déclaratif entre quand même en vigueur en octobre 2019 ou après leur 3 ans habituels ?

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *