« Le Jeu de l’amour et du hasard », du classique aux couleurs sixties

« Le Jeu de l’amour et du hasard », du classique aux couleurs sixties
Publicité

La pièce de Marivaux Le Jeu de l’amour et du hasard est l’un des classiques les plus joués à la Comédie-Française, et l’on comprend pourquoi quand on la découvre ou la redécouvre. L’écriture belle et percutante est une valeur sûre, la garantie d’un très bon moment. Et quand les comédiens allient plaisir et talent et que la mise en scène de Salomé Villiers se teinte d’une modernité rétro, le plaisir s’aiguise.

L’audace scénique, saupoudrée ici et là, pimente l’ensemble d’une saveur nouvelle, plus croustillante. Cette version remasteurisée sixties est une création de la compagnie La boîte à lettres, qui avait déjà monté cette pièce en 2013. Les fondateurs de cette compagnie (Salomé Villiers, François Nambot et Bertrand Mounier), également comédiens, ont été bien inspirés d’avoir repris le chemin des planches le 12 avril dernier dans le joli théâtre Michel. Les amoureux de Marivaux et des belles lettres y trouveront de l’originalité à l’original.

L’histoire est simple et tortueuse à la fois. La jeune et belle Sylvia (Salomé Villiers) est catastrophée. Son père Orgon (Philippe Perrussel) cherche à la marier. Dorante (François Nambot), le fils de son vieil ami, est l’heureux élu. Enfin, heureux… C’est vite dit. Il n’est pas plus enthousiaste de s’unir pour la vie avec une inconnue que Sylvia de se voir attribuer un mari sans juger la qualité de sa personne. Aussi, les deux jeunes gens imaginent le même stratagème sans le savoir : se faire passer pour leur domestique respectif, le temps de découvrir le caractère du promis et de la promise. Et cela, sous l’œil complice et joueur de M. Orgon le père de la jeune fille et de Mario le frère facétieux. Sylvia revêt donc le tablier de sa servante Lisette (Raphaëlle Lemann) et Dorante endosse les corvées de son valet, Arlequin (Étienne Launay).

L’imbroglio se met en place, crée des situations cocasses, Sylvia croyant Dorante d’un rang inférieur alors que l’amour les enflamme au point d’en oublier les conventions sociales. L’amour peut-il se jouer des conventions ? Assurément, mais jusqu’à un certain point puisque, finalement, une fois tombés les masques, chacun reprend son rôle et l’amour son rang. Derrière le romantisme de deux amours qui se sont retrouvées malgré les travestis, il est fait une légère estafilade au hasard qui, en cas d’espèce, n’existerait pas, du moins n’en aurait que l’illusion.

À sa création, en 1730, la comédie s’est signalée par son thème avant-gardiste. Presque trois siècles plus tard, le sujet du droit des femmes à être maître de leur destin a conservé toute sa modernité, même si le droit de se marier librement est aujourd’hui intégré dans nos mœurs… Cette modernité intemporelle est également due aux réparties ciselées et enlevées proclamées par des acteurs au plus haut de leur forme.

Un grand coup de chapeau aux comédiens ! Leur énergie est communicative et joyeuse. Salomé Villiers, vue dernièrement dans l’étonnant « L’Aigle à deux têtes », campe une Sylvia moderne et volontaire. Son tendre Dorante joue les amoureux transis avec conviction. En père Orgon, Philippe Perrussel jubile dans les vêtements acidulés de son personnage, et son fils joué par Bertrand Mounier balance entre la farce et la taquinerie avec une gaie démesure. Quant au couple de domestiques qui se forme durant la pièce, il est tendre et truculent, se composent des manières abruptes qui jurent avec leur censée bonne éducation. Un décalage drôlissime !

Tout au long de la pièce, l’intérêt du spectateur ne faiblit pas, il s’accentue, s’intensifie, s’ouvre aux rires et à la tendresse, et cette tension reste suspendue au dénouement que l’on sait ou devine. Le retournement de situation final est d’autant meilleur que les rebondissements s’entrecroisent jusqu’à l’inextricable. Les scènes se succèdent prestement, donnant un sentiment d’accélération.

Les couleurs vives des costumes et du décor éclaboussent les yeux et ravissent les souvenirs yé-yé des années sixties. Ce retour en arrière est facilité par l’insertion dans la pièce de clips vidéos de musique rock et pop de ces années 60, des airs incarnant la liberté débridée ! Un classique joliment colorisé qui s’offre avec générosité et bonne humeur. N’hésitez plus, le 6 mai prochain, le rideau se refermera sur une espièglerie intense et réussie !

Nathalie GENDREAU



DISTRIBUTION

Mise en scène : Salomé Villiers

Texte : Marivaux

Avec :

  • Étienne Launay : Arlequin
  • Raphaëlle Lemann : Lisette
  • Bertrand Mounier ou Pierre Helie : Mario
  • François Nambot : Dorante
  • Philippe Perrussel : M. Orgon
  • Salomé Villiers : Silvia

Assistante mise en scène : Lisa de Rooster

Vidéo : Léo Parmentier



DOSSIER TECHNIQUE

Informations techniques

  • Durée : 1h30
  • Public : non renseigné.
  • Compagnie : La Boîte aux Lettres.
  • Production : La Boîte Aux Lettres et NTL Prod.
  • Contact : 09 54 10 89 30 et laboiteauxlettres123@gmail.com


OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Tournée :

  • Du 5 avril au 6 mai : Théâtre Michel.



Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *