Les quatre saisons de William Shaskespeare (23 avril 1616 – 23 avril 2016)

Les quatre saisons de William Shaskespeare (23 avril 1616 – 23 avril 2016)
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La date exacte de sa naissance n’est pas connue avec certitude, celle de sa mort varie selon les calendriers… Le mystère entoure l’existence entière de William Shakespeare dont nous fêtons, cette année (aujourd’hui ?), le 400e anniversaire de sa disparition. 400 ans et une actualité jamais démentie, des traductions sans cesse renouvelées à la réapparition au répertoire de la Comédie-Française de Roméo et Juliette, dans une mise en scène contrastée d’Éric Ruf, après 62 ans d’absence. Le comédien et metteur en scène Pascal Arbeille, fin connaisseur du dramaturge anglais, lui rend un bel hommage.

In Memoriam avril 1564 – 23 avril 1616 – 23 avril 2016

« Le théâtre change tout le temps,
tandis que les textes de Shakespeare ne changent pas ;
ce qui est en mouvement c’est la relation entre les deux. »
Peter Brook, Avec Shakespeare

Parce que certains auteurs paraissent plus essentiels, parce qu’ils nourrissent l’imaginaire collectif théâtral depuis des siècles et que le mouvement qu’ils impriment en nous, acteurs ou spectateurs, semble éternel… choisir Shakespeare, c’est prendre le pari d’une aventure majeure, renouvelée et inattendue à chaque instant du travail. Que ce soit devant la table d’écriture ou face à l’espace théâtral, où les acteurs œuvrent pour incarner le verbe, la pensée et les non-dits de l’auteur, les surprises s’amoncellent jour après jour. Alors, on se sent comme investi d’un devoir pour servir et accompagner son œuvre et la livrer, transparente, aux spectateurs d’aujourd’hui. Éphémère, unique et essentielle rencontre vers laquelle tendent tous nos espoirs et tout notre labeur.

Par-delà le temps

Choisir de mettre en scène une pièce de Shakespeare aujourd’hui, comme hier, pose inévitablement la question du temps de l’auteur et du temps de l’interprète. Mon travail d’acteur, mon rôle de metteur en scène, m’offrent d’autres accès aux mots que ceux que je connais comme lecteur. Le mot « lu » ou le mot « dit » n’ouvre pas les mêmes voies vers les territoires de l’imaginaire, dans l’intimité de celui qui le reçoit. Et c’est bien là notre devoir d’interprète – traducteur, adaptateur, metteur en scène, acteur – de façonner notre ouvrage afin de réduire, agrandir, voire annuler l’espace-temps qui nous sépare de cet auteur et permettre aux spectateurs de vibrer, l’instant de la représentation, dans leur espace intime. Ainsi, chaque jour, dans l’atelier de recherche, la salle des répétitions, l’espace de la création, prendre patience. Faire de son allié le temps et prenant appui sur le silence profond des âmes, laisser advenir le verbe shakespearien dans toute sa nudité, sa crudité, comme une évidence. Danser un vide en nous, comme une absence, un creux qui permettrait à l’esprit de l’auteur de se révéler, qu’il soit Ariel ou Caliban… qu’importe ?

Le voyage élémentaire

Pascal Arbeille

Pascal Arbeille

Je ne sais si Shakespeare était un « être initié », mais l’œuvre qu’il laisse nous interroge sur notre propre rapport à « l’invisible ». Quelle pièce n’est pas traversée par les énergies de la nature ? Des plus bruissantes et pétillantes comédies jusqu’aux tragédies les plus froides et les plus sombres, se confronter à cette écriture, c’est entreprendre un voyage élémentaire. Traverser des territoires et des paysages au rythme des quatre saisons et des profonds bouleversements qu’elles essaiment… (Je ne sais si jamais un chercheur proposa une telle classification des 37 pièces, ne reposant pas nécessairement sur la chronologie des œuvres couramment admise, comme nous la livre Giuseppe Tomasi di Lampedusa.) Ainsi, proposer aux acteurs d’approcher l’écriture, libérés de toute envie de sens. À l’image du travail avec le masque neutre (cf. l’initiation proposée par Jacques Lecoq). De jour en jour, se nettoyer, s’épurer, s’évidencer… afin de délier, dénouer, libérer ses propres énergies pour rejoindre l’indicible mouvement qui mena la plume de l’auteur. Et là faire tant de « belles découvertes » ! Non par une explication de texte, mais par l’acteur ancré dans sa profonde pulsion de vie. Découvrir les secousses telluriques qui traversent Macbeth, Othello, Lear… les délicieux frétillements printaniers qui animent le peuple de Bohème lorsque Le conte d’hiver est au sommet du tragique (l’éternel et indispensable combat d’Eros et Thanatos)… ou bien les douces et calmes envolées automnales qui bercent la forêt d’Ardenne de Comme il vous plaira… Voilà, non la fin, mais bien le début du voyage qui se propose à nous pour livrer Shakespeare en toute liberté.

Une pluie de cendres

Depuis mon île atlantique, où les frissons d’avril réveillent nos corps assoupis, je rêve d’une petite chapelle, posée sur une falaise, en bord de mer. Là, tel Prospero, nous convoquerions toutes les grandes figures shakespeariennes et nous jouerions avec elles jusqu’au plus profond de la nuit. Juste un rêve. D’une île à l’autre…

Pascal ARBEILLE

Avril 2016

Pascal Arbeille a interprété Thésée dans Le songe d’une nuit d’été. Il a signé les textes français de La nuit des rois et Le conte d’hiver aux éditions Syllepse et mis en scène La nuit des rois, Peines d’amour perdues, Comme il vous plaira et Le conte d’hiver. Installé sur l’île de Noirmoutier, il œuvre pour le spectacle vivant avec L’instant avant l’aube.

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