Sebastiao Salgado : « Aujourd’hui, nous avons des images, pas de photos »

Sebastiao Salgado : « Aujourd’hui, nous avons des images, pas de photos »
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« Je ne crois pas que la photo vivra encore plus de vingt ou trente ans, on va passer à autre chose ». Une déclaration surprenante quand on sait qu’elle vient de la bouche d’un des plus grands photographes actuels : Sebastião Salgado. Au moment de recevoir le prix Personnalité de la chambre de commerce franco-brésilienne de Rio de Janeiro, l’artiste brésilien arrive en boitant, s’appuyant sur des béquilles, après s’être fracturé le ménisque lors d’une expédition en Amazonie.

A 72 ans, il se sent aussi déconnecté des nouvelles technologies que les tribus indigènes qu’il immortalise depuis trois ans.

« Je ne sais même pas allumer un ordinateur », exagère avec un sourire le photographe, qui continue à utiliser des négatifs et des planches-contact même s’il avoue s’être aussi mis au numérique. « J’ai dû m’adapter un peu, comme les dinosaures avant de mourir », s’amuse Sebastião Salgado.

La photo face au numérique et à l’automatique

Par contre, pas question de publier ses clichés sur Instagram ou autres réseaux sociaux. « Je n’aime pas ça. Je sais que ça plaît aux jeunes, mais moi, je n’y arrive pas », avoue-t-il. Le Brésilien reconnait jeter un œil de temps en temps au portable de ses neveux et se dit horrifié par les applications qui servent à « exhiber toute ta vie, pour que tout le monde la voie ».

« Bon, il y a parfois des photos intéressantes, mais pour faire de la photo, il faut avoir un bon appareil, avec un objectif adapté, et réunir toute un série de conditions favorables, la bonne lumière… Cela ne peut être un processus automatisé du téléphone« , déplore-t-il.

La matérialité indispensable de la photo

L’auteur d’ouvrages de référence comme La Main de l’homme (1993), Autres Amériques (1999), Exodes (2000) ou Genesis (2013), tient au support papier. « La photo, c’est bientôt fini, parce que ce qu’on voit sur les portables, ce n’est pas de la photo. La photographie doit se matérialiser, il faut l’imprimer, la voir, la toucher, comme avant quand les parents faisaient les albums de photos de leurs enfants », argumente Sebastião Salgado, dont le nom signifie « salé », en portugais.

« Nous sommes entrés dans un processus d’élimination de la photographie. Aujourd’hui, nous avons des images, pas de photos », insiste cet autodidacte qui a fait des études d’économie avant de se lancer dans la carrière artistique.

La fin de la photo ?

Avant que se réalise sa prophétie funeste d’une disparition de la photo « dans vingt ou trente ans », Sebastião Salgado met tout son talent au service d’une nouvelle obsession : la recherche des racines de son pays à travers les communautés indigènes d’Amazonie pour que les jeunes s’en imprègnent à travers des expositions dans des écoles et universités. « Le Brésil est un des seuls pays au monde qui peut encore être en contact avec sa préhistoire », s’émeut l’artiste.

Toujours à cheval entre Paris, où il a élu domicile, et le Brésil, il est loin de la retraite. Ni son âge ni ses problèmes de ménisque ne semblent entraver son projet amazonien. « Après ça, je ne sais pas ce que je vais faire », avoue le photographe, avant d’ajouter, dans un sourire : « du moment que l’autre genou tient le coup… ».

Source : AFP
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