Artiste génial et musicien raté, le neveu de Rameau fête ses 300 ans !

Artiste génial et musicien raté, le neveu de Rameau fête ses 300 ans !
Publicité

Le musicien et compositeur Jean-François Rameau, parfois confondu avec son oncle, le (plus) célèbre compositeur et théoricien Jean-Philippe Rameau, est né le 30 janvier 1716 à Dijon, il y a trois cents ans. Artiste génial et musicien raté, il a directement inspiré Denis Diderot pour son dialogue satirique à deux voix, entre LUI (Rameau le neveu) et MOI (Diderot lui-même) : Le Neveu de Rameau, écrit du vivant du musicien, Le Neveu de Rameau, écrit du vivant du musicien, mais laissé inédit par Diderot et publié longtemps après sa mort (1784), en allemand d’abord par Goethe, en 1805, en français à partir de 1823, mais en 1891 seulement d’après le manuscrit autographe.

Retour sur cette vie mouvementée, marquée par la provocation et l’échec.

D’aucuns disent que Diderot a voulu en réalité régler ses comptes avec Jean-Philippe Rameau, sans vouloir s’en prendre à lui directement, en raison de ses critiques portées contre les articles de l’Encyclopédie portant sur la musique, écrits par un certain Jean-Jacques Rousseau : nous sommes alors au plus fort de la querelle des Bouffons. Le philosophe présente Jean-François Rameau, dans Le Neveu de Rameau, comme un « original »  vaguement caractériel, un être « composé de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison« .

Une vie mouvementée

RameauIl ne fut longtemps connu qu’à travers ce prisme déformant de Diderot. On en sait dorénavant davantage sur Jean-François Rameau, grâce aux remarquables travaux d’André Magnan, publiés il y a une vingtaine d’années1. Né à Dijon, maltraité par son père, il passe deux années comme soldat dans le régiment de Poitou avant de gagner le séminaire, où il ne reste qu’un an. Fasciné par son oncle, qu’il respecte et craint, il gagne Lyon puis Paris, autour de 1745. Doté d’un caractère tumultueux, il est arrêté pour désordres et injures à l’Opéra. Libéré, il reçoit enfin, en 1753, le soutien d’un richissime mécène en la personne du conseiller d’État Bertin de Blagny, banquier des fonds privés du roi, membre de l’Académie royale des inscriptions et belles lettres.

Dans la querelle des Bouffons, il prend parti pour la France contre la musique italienne, mais avec moins de virulence que son oncle ou que ne le laisse supposer Diderot. Il compose néanmoins un vaudeville Sur les Philosophes du Siècle en 1753, six couplets antiphilosophiques écrits en collaboration avec Bertin de Blagny, son protecteur, et l’écrivain Charles Palissot de Montenoy, adversaire personnel de Diderot : ce vaudeville fut chanté en intermède à la Comédie Française.

En 1757, il se marie et a un enfant, mais tous deux meurent rapidement. La même année, Jean-François Rameau compose les Nouvelles pièces de clavecin, en partie réécrites en symphonies pour le concert spirituel du roi en 1758 et 1760, partitions aujourd’hui perdues mais qui eurent un certain succès en leur temps, selon les chroniques conservées de l’époque.

Un échec consommé

En 1764, l’oncle grandiose meurt. Jean-François Rameau compose et publie deux ans plus tard La Raméide, poème héroï-comique en cinq chants, dans lequel il n’hésite pas à se comparer à son oncle, à la faveur d’une demande de soutien matériel. Entre-temps il a perdu son mécène et protecteur, il vit d’expédients. L’oncle est magnifié, ainsi que la monarchie qui l’a soutenu, mais surtout les talents rares du neveu, malgré les conditions qui lui furent contraires.

« Mes chants ont parcouru ces Temples de miracles,
A plus d’une reprise ont fait acte aux Spectacles.
Tout ce que j’entendis me parût être beau,
Jusqu’à me prendre alors moi-même pour Rameau.
Mais pure illusion ! Sur les pas de leur Pères,
Voit-on de race en race, également prospères,
Les ayeux, les germains, les enfans, les neveux,
En partage avoir eû mêmes faveurs des Cieux ?
[…]
Dans le rang des Talens, si le Ciel n’est propice,
Le mérite est sans force & dépend du caprice.
Avant Rameau peut-être on auroit pu me voir
Paroître avec éclat dans le rang du savoir.
Tout dépend ici bas du temps, des circonstances,
Sur lui pouvois-je enfin avoir les préférences ?
Dans mon obscurité depuis trente ans assis,
Crûment je le dirai, je ne sais où j’en suis.
Quand cet oncle vivoit, embelissoit la terre,
Je sçûs bien tout ensemble admirer & me taire. »

En 1769, sur « réquisition de sa sœur », Jean-François Rameau est enfermé au couvent des Bons-Fils d’Armentières, établissement qui reçoit des malades physiques, des déséquilibrés psychologiques et des pécheurs moraux ; le motif de cet enfermement ne nous est pas connu. Tout indique qu’il avait alors sombré dans la dépendance et la marginalité.

Homme à la vie mouvementée et marquée par l’échec et la velléité, jusqu’à son oubli toujours prégnant de nos jours, Jean-François Rameau meurt le 7 février 1777 à Armentières, ville du nord célèbre pour avoir vu mourir une autre personnalité… fictive : la diabolique Milady de Winter dans Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

Michel Le Grethanc

Jean-François Rameau, Rameau le Neveu, Textes et documents, édités par A. Magnan, CNRS éditions, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1993, 228 p.

Publicité

1 commentaire

  1. Étonnant parcours que celui de Jean-François Rameau.
    C’est fou qu’il ait été complètement oublié si longtemps ! On trouve rien sur lui sur internet
    Merci de nous l’avoir fait connaître.

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *