Alex Huot & Dave St-Pierre – « Fléau », une performance qui assume son titre

Alex Huot & Dave St-Pierre – « Fléau », une performance qui assume son titre
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Fléau, premier spectacle programmé au Tarmac jusqu’au 12 octobre, relève à sa manière le défi de montrer le quotidien d’un couple, un quotidien loin du spectaculaire et qui ne cherche pas à le devenir sur le plateau. Alex Huot et Dave St-Pierre nous proposent cette nouvelle performance comme un partage des beautés et des laideurs de leur relation. Parfois amusés, parfois ennuyés, nous devinons les liens qui ont pu se nouer ou se défaire entre eux, et restons de simples observateurs de ce Fléau.

Nous ne le savons pas encore : l’ouverture de la performance est une mise en garde sur la suite qui nous attend. Nous avions déjà remarqué le vélo d’appartement suspendu insolemment sur le plateau ; une femme apparaît alors. Elle est nue et porte un masque impressionnant de corbeau. Elle monte sur le vélo et commence à pédaler à un rythme de plus en plus effréné, tout en parlant tel un coach sportif ou une speedy-Gonzales projetée sur un plateau. Mêlant anglais et français, nous sommes invités à des « keep going », « let’s go for it », « own it », « vous êtes capables », « little more higher », « get intense » ou encore « work baby ». Nous rions, nous sommes détendus, néanmoins après cette ouverture en trombe, il faudra tenir pour rester à cette performance, pour supporter certaines images et tenter d’apprécier les différents tableaux proposés.

La contemplation, ou plutôt le voyeurisme, et l’affirmation des formes proposées jusqu’à épuisement semblent être une ligne tracée, une volonté des deux créateurs de Fléau. Certains tableaux sont métaphoriques, voire oniriques, fantasmes d’une réalité ; d’autres sont clairement provocateurs, dérangeants et peuvent parfois se frotter à la frontière de l’acceptable. Nous voyons ainsi défiler deux hommes, masques de loup, pelage jaune et vert, l’un d’eux probablement atteint d’une maladie illustrée par des boules colorées qu’il s’accroche sur ce pelage ; puis plusieurs scènes de la vie quotidienne, un petit-déjeuner en silence, une séance de jeu avec leur chien, nommé Fléau et présent sur le plateau, des séquences de sexe explicites… Le temps est étiré, les gestes sont simples, sans artifice, ceux – nous l’avons écrit – de leur vie quotidienne. Portés sur ce plateau, ils laissent notre imaginaire se représenter leur relation, et peut-être leur histoire.

Durant toute la performance, la lumière reste inchangée et marque une stabilité parmi les différentes audaces esthétiques se déroulant sur ce plateau. Nous sommes éclairés avec la même intensité que le plateau : nous nous voyons, ils nous voient et nous les voyons. Dans une telle configuration, nous est-il possible de réagir ? D’interagir ? Ou sommes-nous ramenés à notre condition de simple spectateur pris en otage par cette performance ? En étant à la fois intrigués et énervés, nous oscillons entre l’incapacité de partir devant la proposition, de surcroît au vu de tous, et celle d’être réellement embarqués dans leurs actions. Un spectateur tente d’exprimer son point de vue, à savoir son ennui et son envie de le partager avec les artistes ; d’autres spectateurs réagissent aussitôt, l’invectivant à quitter la salle s’il le souhaite. Sur le plateau, la seule réaction vient du chien, Fléau, qui aboie et grogne, signifiant ainsi son mécontentement vis-à-vis de cette intervention. Il ramène de la sorte régulièrement la vie au cœur de cette performance, et semble être le ciment de ce couple traversant différentes épreuves.

Malgré des incompréhensions, un relatif ennui et des scènes frôlant le supportable, nous suivons le fil, nous comprenons les multiples facettes intimes, délicates et tourmentées de leur relation. L’objectif de ce duo créateur est certainement rempli, tant nous recevons de plein fouet ces différents tableaux ; nous ressortons cependant déçus, passablement irrités d’avoir assisté à une telle performance et d’y être pourtant totalement indifférents.

Vincent PAVAGEAU



Spectacle : Fléau
  • Création : 28 septembre 2018 au Montévidéo (Marseille)
  • Durée : 1h30
  • Public : à partir de 16 ans
  • Chorégraphie : Alex Huot et Dave St-Pierre
  • Avec Alex Huot, Alanna Kraaijeveld, Dustin Ariel Segura-Suarez
  • Équipe de création : Angie Cheng, Hubert Leduc-Villeneuve, Guillaume Rémus, Dave St-Pierre
  • Compagnie : Dave St-Pierre Inc

Crédits photographiques : Dave St-Pierre

En téléchargement
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OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Spectacle vu le 9 octobre au Tarmac à Paris.

  • 9-12 octobre 2018 : Tarmac (Paris)
  • 27 octobre 2018 : Usine C (Montréal)

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FLEAU-3-©-Dave-St-Pierre



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