Danse – Héla Fattoumi & Éric Lamoureux poussent un cri d’humanité furieusement rythmé

Danse – Héla Fattoumi & Éric Lamoureux poussent un cri d’humanité furieusement rythmé
Publicité

Akzak, la nouvelle création du duo de chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, réussit à faire vibrer tous les corps et les cœurs autant au plateau que sur les sièges. Par leur singularité et leur joie, les danseurs et danseuses accompagnés par le génie du compositeur musical, Xavier Desandre Navarre, se transforment en orchestre vivant, il n’y a plus qu’à suivre le rythme !

Après une interruption au moment du confinement, les répétitions de la nouvelle création de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, Akzak, ont repris en septembre pour enfin offrir une belle première lors du festival Les Zébrures d’Automne à Limoges. Les douze danseurs et danseuses, majoritairement issus du continent africain – Burkina Faso, Tunisie et Maroc –, ont des parcours et formations extrêmement variés. Chaque corps raconte l’histoire de ses singularités, ensemble ils font bloc, ils sont une force de cohésion, vive et criante d’espoir. Accompagnés par le génie du compositeur et interprète musical, Xavier Desandre Navarre, ils se transforment en orchestre vivant, utilisant toutes les parties de leur corps pour créer des sons et des rythmes galvanisants et magiques.

Unicité et unisson

Du fait de leurs pratiques corporelles, parfois autodidactes, leurs formations, leurs origines, leurs parcours, tous les danseurs et danseuses réunis sur le plateau sont le reflet de danses plurielles autant classiques que contemporaines, urbaines et européennes qu’africaines. La chorégraphie laisse un large espace à cette diversité, notamment lors de l’ouverture où chaque danseur se lance dans un solo qui pourrait faire figure d’une présentation par le mouvement. Dès lors, un parcours de chacun à travers la pièce s’établit, qu’ils soient ensemble, en duo ou en petits groupes : chaque corps apparaît singulier, entrant dans le mouvement avec sa propre matière et ses propres gestes. Cela n’enlève en rien les moments de chorégraphies communes, bien au contraire. L’essence, la puissance de cette pièce apparaît, brute : à travers la particularité des corps et de leur histoire, l’énergie et l’écoute qu’ils dégagent ensemble trouvent des résonances presque politiques, ou comment faire humanité à travers les différences.

Les liens entre les danseurs sont aussi matérialisés par des tubes multicolores, semblables à des témoins de relais. Ils se le transmettent, s’autorisent à danser avec et parfois semblent pouvoir danser seulement s’ils l’ont en main. La danse devient un jeu entre eux, comme dans les batailles de danse se déroulant dans les rues ou dans les lieux festifs. À d’autres moments, ces témoins sont de réels liens entre eux ; les tenant par les extrémités, ils créent des images de mêlées de corps et de formes étranges se mouvant dans l’espace.

Une rythmique virtuose et endiablée

Le rythme est clairement au cœur de cette création : d’une part, le rythme des corps dansants, qui dès le début cherchent ensemble et reproduisent des rythmes de pas sur le sol ou de mains sur le corps ; d’autre part, le rythme de la musique créée en direct par le percussionniste Xavier Desandre Navarre, à la virtuosité remarquable. Il développe une identité musicale particulière par l’éclectisme des sons et des rythmes qu’il convoque. Jouant avec un sac en plastique ou encore avec un tube en plastique, il explore avec intuition des boucles et nappes audacieuses, fascinantes et souvent furieusement entraînantes.

Ce mélange des corps et des rythmes trouve sa quintessence dans un final explosif, lorsque la musique créée vient uniquement des fameux témoins percutés sur les corps des danseurs, eux-mêmes entrant alors dans une danse. La précision et la joie de ces treize personnes au plateau sont telles que le rendu est tout simplement magistral, et la salle en redemande.

Faire trace

En filigrane se dessine dans Akzak une tentative autour de la trace. Le sol est recouvert de grains ocres. Chaque passage, chaque corps crée alors une marque. Si ce travail a déjà été réalisé dans de nombreuses créations, il ne semble cependant pas y avoir ici un désir d’esthétique particulière, de créer absolument des formes visuelles, mais plutôt de faire apparaître ce qui découle du mouvement, la trace qui survient de fait par la danse.

Il serait presque possible d’oublier ce sol, comme c’est le cas de temps à autre, si un danseur ne réalisait pas parfois une percée à travers ces grains, qui fend l’espace avec le contraste du tapis noir mat de danse. Cette cassure nette est tout de suite effacée, comme une marque trop forte ou peut-être une séparation indésirable.

Akzak vient du terme turc qui signifie « à contretemps » dans la musique ottomane. À le prendre au sens propre comme au figuré, les chorégraphes et leurs danseurs puisent dans une réinvention permanente qui tente de s’ajuster, de s’unir tout en prenant conscience des traces qui restent faites d’histoires communes et particulières ; toute la force de cette création tient probablement dans une recherche d’utopie lucide.

Vincent PAVAGEAU

 



Spectacle : Akzak

Création : 25 septembre 2020 – Les Zébrures d’Automne, Limoges
Durée : 1h10
Public : à partir de 10 ans

Chorégraphie : Héla Fattoumi et Éric Lamoureux
Composition et interprétation musicale : Xavier Desandre Navarre
Danseurs et danseuses : Sarath Amarasingam, Meriem Bouajaja, Juliette Bouissou, Mohamed Chniti, Chourouk El Mahati, Adama Gnissi, Moad Haddadi, Synda Jebali, Mohamed Lamqayssi, Mohammed Fouad, Fatou Traoré, Angéla Vanoni
Collaborateur artistique : Stéphane Pauvret
Assistante : Johanna Mandonnet
Création lumières : Jimmy Boury
Costumes : Gwendoline Bouget
Assistante costumes : Bérénice Fischer
Direction technique : Thierry Meyer
Régie lumière : Jimmy Boury
Régie son : Brendan Guerdat

Crédits photographiques : Laurent Philippe

Où voir le spectacle ?

Spectacle vu le 25 septembre au festival les Zébrures d’Automne à Limoges.

2 octobre 2020 : théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine
8 octobre 2020 : DSN, scène nationale de Dieppe
13 octobre 2020 : Tangram, scène nationale Evreux-Louviers
16 et 17 octobre 2020 : Tropiques Atrium, scène nationale de Fort-de-France, Martinique
28 octobre 2020 : Théâtre Falaki, D-CAF, Le Caire (Égypte)
Octobre 2020 : Bibliothèque d’Alexandrie, (Égypte)
8 et 9 novembre 2020 : Nebia, Bienne, Suisse
12 et 13 novembre 2020 : Granit, scène nationale de Belfort
17 novembre 2020 : Scènes du Jura, scène nationale de Dole-Lons-le-Saunier
4 décembre 2020 : théâtre Mohamed V, Rabat (Maroc)
8 décembre 2020 : Studio des Arts Vivants, Casablanca (Maroc)
11 ou 12 décembre 2020 : Dialogues de corps, Ouagadougou (Burkina Faso)
15 décembre 2020 : Institut français de Bobo Dioulasso (Burkina Faso)
29 et 30 janvier 2021 : Halle aux Grains, scène nationale de Blois
4 février 2021 : Le Théâtre, scène nationale de Mâcon
10, 11, 12 février 2021 : MAC de Créteil, scène nationale
16 et 17 février 2021 : Maison de la Culture de Bourges, scène nationale
12 mars 2021 : Espace des Arts, scène nationale de Chalon-sur-Saône
Entre le 25 et le 27 mars 2021 : Biennale de la danse en Afrique, Marrakech, Maroc
1er avril 2021 : théâtre Debussy, Maisons-Alfort / Biennale de danse du Val-de-Marne
3 avril 2021 : théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France / Biennale de danse du Val-de-Marne
6 avril 2021 : scène nationale Châteauvallon-Liberté
9 avril 2021 : Artdanse, Dancing – CDCN de Dijon
Juin 2021 : Journées chorégraphiques de Carthage (Tunisie)



 

Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *