« Fake news » : une loi en toc ?

« Fake news » : une loi en toc ?
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La plus grande réussite de la loi prétendant lutter contre les fake news est probablement d’avoir fait l’unanimité contre elle. Mis à part dans les rangs des parlementaires de la majorité, où l’on vote de manière pour le moins disciplinée, nous n’avons trouvé à peu près personne pour la défendre.

[Humeur libre]


Spécialiste des médias, Matthieu de Guillebon travaille depuis plusieurs années pour l’Argus de la Presse comme chargé de veille média. Journaliste et critique, il collabore depuis plus de deux ans au journal Profession Spectacle, notamment en tant que correspondant pour la région PACA.


Déjà, pourtant, il se murmure que certains députés de LREM commencent à envisager de laisser sortir un petit bout de tête du rang, n’étant pas d’accord avec certaines décisions récentes du président de la République. Mais il y a loin encore jusqu’à la fronde. Soyons tout à fait justes, il se trouve aussi pour défendre cette loi un certain nombre d’organes de presse, soit directement liés à l’État (Franceinfo, France Inter…), soit vivant en partie grâce aux subventions publiques (Libération, par exemple). Aussi, la question que soulève cette loi voulue par Emmanuel Macron est la suivante : y a-t-il une impartialité de l’information ?

Considérant que les médias officiels, soit ceux qui créent l’opinion, ne sont pas, à travers cette nouvelle loi, dans le viseur du président de la République et de la ministre de la culture, nous sommes en droit de nous demander à qui elle profiterait, avant même de savoir s’il serait possible de la mettre en œuvre.

Différents traitements médiatiques

Quiconque a passé un tout petit peu de temps à regarder la télévision, écouter la radio ou lire la presse ces dernières années, sait combien le traitement médiatique a été inégal pour Emmanuel Macron et les autres.

Quiconque a regardé quelquefois la chronique de Cyrille Eldin dans Le Petit Journal de Canal+ a bien conscience qu’Emmanuel Macron fut son meilleur client jusqu’à son accès à l’Élysée. Et quiconque regarde ou écoute les informations régulièrement sait que tous les organes de presse de référence diffusent unanimement les mêmes informations chaque jour et même très souvent dans le même ordre, ayant presque pour seules sources l’AFP et Reuters.

Ce n’est pas tomber dans une quelconque théorie du complot que d’affirmer que les médias français ont largement contribué à l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, notamment en mettant en avant (sinon en créant) les problèmes judiciaires de son principal opposant François Fillon, lequel n’a plus de nouvelles de la justice depuis qu’il a perdu l’élection.

Lutter contre l’influence de certains médias

Aussi peut-on se demander ce que pèsent quelques médias étrangers auxquels il est reproché de diffuser des fake news qui pourraient défaire une élection. Nous n’irons pas jusqu’à évoquer une ironie cynique de la part de celui qui a profité, sinon tiré les rênes, des médias les plus importants, mais nous notons que lesdites fake news n’ont eu à peu près aucun effet sur l’élection d’Emmanuel Macron.

Alors, ne s’agirait-il pas tout simplement d’une campagne de « décrédibilisation » des nouveaux médias Russia Today et Sputnik, car il est tout à fait évident que c’est contre eux que cette loi est dirigée, eux qui sont à l’origine des « MacronLeaks » et que le président de la République avait mis en cause devant Vladimir Poutine ? On peut même présumer que cette campagne suffira et que RT et Sputnik sont désormais assez décrédibilisés pour que l’issue du vote de la loi ne soit plus que secondaire. Depuis des semaines, la plupart des médias français en ont fait leur cible, la plupart des journalistes trouvant indigne que l’on pût être aux ordres d’un pouvoir… Il est vrai que nos grands médias français ne sont soumis à aucun gouvernement, à aucun grand patron.

Dans le fond, le problème desdites fake news n’est donc pas la véracité de l’information mais contre qui elles sont dirigées ou qui elles servent. Quand la chaîne de télévision Franceinfo a fait circuler de fausses informations sur une prétendue prise d’otages en 2016, cela n’a provoqué aucun désir de loi.

Qui décide ?

Alors, qui décidera ce qui est de la fake news et ce qui n’en est pas ? Les élus de la majorité ? Un jury d’internautes ? Des juges qui ne sont pas toujours impartiaux, comme la différence de traitement entre les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy et ceux d’Emmanuel Macron le laisse voir ? Le CSA dont le président est nommé par le président de la République, les autres membres par les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale ?

Où que l’on se tourne, on ne peut manquer de voir la partialité de cette loi et combien il est difficile pour la presse d’être libre de toute influence. Nous ne prétendrons pas que ce soit le cas des nouveaux médias russes, mais nous ne pensons pas que ce soit le cas des principaux médias français. Le véritable problème de la presse aujourd’hui est en réalité celui de l’autocensure. Peut-on évoquer tel sujet, au risque de crisper telle partie de la population, au risque de se mettre tel pouvoir à dos ? Ce sont les vraies questions qui hantent les rédactions. Gageons que les fake news, elles, ne mettront jamais longtemps à montrer leur vrai visage dans un monde totalement connecté où une information est très vite recoupée ou démentie.

Matthieu de GUILLEBON

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