“La Passion de l’obéissance” : la soumission jusqu’à l’extrême

“La Passion de l’obéissance” : la soumission jusqu’à l’extrême
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La pièce de Lydie Parisse pose la question terrible de l’effacement de soi dans la soumission à une autorité (familiale, religieuse) jusqu’à l’atrocité, le meurtre, le terrorisme, avec toute la souffrance qu’une telle conduite peut générer…

Avec La Passion de l’obéissance, Lydie Parisse puise son inspiration dans une actualité brûlante, celle des attentats et du fanatisme. Mais ne nous y trompons pas, cette pièce n’est pas à proprement parler une pièce sur le terrorisme islamiste. C’est une pièce, comme l’indique le titre – particulièrement inspirant – sur la « passion de l’obéissance », c’est-à-dire sur l’effacement de soi dans la soumission à une autorité (familiale, religieuse), l’énergie qu’une telle soumission peut procurer à l’individu qui s’y abandonne, mais aussi la souffrance et le désastre qu’elle peut générer.

L’autrice ne défend aucune thèse sur le sujet, il ne s’agit pas de condamner ou de rejeter tel ou tel comportement violent, d’opposer telle conception à une autre. Il n’y a ici aucun dogmatisme, aucun désir d’enseigner, mais plutôt l’énergie d’entrer en résistance, contre les discours préfabriqués, laïcs ou religieux.

Lydie Parisse s’intéresse à la scène traumatique et à ses enjeux intimes, elle analyse l’impensable. Le phénomène de violence collective est abordé depuis le cœur de l’être, là où naissent la souffrance et la peur. Les choix dramaturgiques minimalistes, le plateau dépouillé – une banquette à mi-profondeur, deux micros sur pied à l’avant-scène, un écran – le parti-pris du non-jeu, mettent en valeur la voix et le corps des comédiennes, les failles et les fragilités des personnages qu’elles incarnent.

Lydie Parisse situe son propos dans le contexte d’un événement collectif d’une extrême violence et en suit l’onde de choc, en explore les répercussions dans le huis-clos familial. Cet événement est celui d’un attentat dans lequel a péri Odette sous les balles d’un jeune terroriste, dont elle s’aperçoit au moment même où il lui tire dessus qu’il est son propre fils. Mais il est aussi l’événement traumatique de l’inceste qu’Odette a vécu dans son enfance. Comment survivre au trauma, comment éviter qu’il ne se propage aux générations suivantes ? Comment se reconstruire après les blessures infligées à la chair ? Comment travailler sur soi pour ne pas sombrer dans le néant et dans la haine, « la haine souterraine, silencieuse, attendant son heure pour nous dévorer », comme l’écrivait Lagarce. Il faut résister pour continuer à vivre et renaître, peut-être.

On retrouve dans cette pièce les motifs dont Lydie Parisse tisse ses autres textes : le village, l’entrelacement des temporalités et des générations (comme dans Les Devenants), la parole des femmes portant un discours de dissidence, le processus de remémoration, la famille, une parole post mortem (comme dans L’Opposante), les traces de l’enfance. C’est la même matrice romanesque qui se poursuit d’une pièce à l’autre : le même espace, la même géographie, les mêmes personnages. Et la langue de Lydie fait naître les images, elle nous fait « entrer dans le paysage », nous bouleverse et nous transmet sa vitalité malgré la noirceur du propos, comme dans l’époustouflant monologue de Pétunia. La pièce affirme la pertinence de cette « voie négative » à laquelle Lydie Parisse est si attachée dans ses travaux de chercheuse, comme dans son écriture dramatique : la catastrophe et la mort permettent de rejoindre la vie et de découvrir ce qui nous relie.

Florence THÉROND

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Florence Thérond est professeure de littérature comparée à l’université de Montpellier 3

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La Passion de l’obéissance
Texte et mise en scène : Lydie Parisse
Avec Audrey Joussain et Julie Pichavant (et la voix de Grégoire Seners)
Musique : Columbus duo



Crédits photographiques : Sabine Chalaguier



 

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