Le cinéma portugais restaure avec fierté sa mémoire féminine occultée

Le cinéma portugais restaure avec fierté sa mémoire féminine occultée
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Rares sont les réalisatrices célébrées au même titre que les hommes dans le milieu du cinéma. Si certaines actrices ont fait l’objet d’un véritable engouement de leur vivant – pour leur jeu, leur beauté, leur charisme à l’image… -, force est de constater que les femmes n’ont pas souvent été reconnues dans leur rôle de meneuse, de « cheffe » de file. Le cinéma lusitanien n’y fait pas exception : qui a entendu parler de Bárbara Virgįnia ?

Plus personne, aujourd’hui, y compris au Portugal, ne connaît cette figure majeure : elle ne figure qu’occasionnellement dans les filmographies du pays, ou sous forme d’anecdotes de deux lignes dans les anthologies.

Née le 15 novembre 1923, Bárbara Virgínia – Maria de Lurdes Dias Costa de son vrai nom – est la première femme portugaise à avoir réalisé un long-métrage de fiction, le seul de sa carrière : Três Dias Sem Deus (« Trois jours sans Dieu »). C’était en 1940, quelques années après le début de la dictature salazariste. À 22 ans seulement, elle présente son film lors de la toute première édition du festival de Cannes, en 1946. Três Dias Sem Deus a malheureusement été en grande partie détruit lors d’un incendie au Musée du cinéma portugais : il n’en reste que 22 minutes, sans le son.

La journaliste et curatrice Luisa Sequeira a fait de Bárbara Virgínia l’objet d’un récent documentaire, dont le titre même porte la trace de cet oubli multidécennal : Who Is Bárbara Virgínia? L’enjeu n’est rien moins que de restaurer un pan entier de l’histoire cinématographique lusitanienne – sa part féminine. Le film a été présenté lors du dernier festival Porto/Post/Doc, qui a lieu entre le 27 novembre et le 3 décembre dernier.

Conservatisme et reconnaissance

Lors d’un projet sur les femmes dans le cinéma lusitanien, Luisa Sequeira découvre l’histoire de Bárbara Virgínia : une femme qui se bat longuement pour être derrière la caméra, et qui n’aura au final réalisé qu’un long et qu’un court-métrage, A Aldeia dos Rapazes, au point de partir vivre au Brésil, où elle vit pendant plus de 50 ans, et de se reconvertir dans la radio. Elle meurt à Rio de Janeiro le 8 mars 2015, à l’âge de 91 ans.

La thèse de Luisa Sequeira est basique : la carrière de la réalisatrice a été brisée en raison du conservatisme d’une société très patriarcale, alors même que Três Dias Sem Deus fut encensé par une partie de la critique… masculine. Construit à partir d’images d’archives, d’interviews radiophoniques et de témoignages, le documentaire adopte une forme intime, la réalisatrice se mettant en scène dans sa quête de découvrir « qui est Bárbara Virgínia ».

Un prix Bárbara Virgínia a été créé par l’Académie du cinéma portugais en 2015, pour récompenser les femmes qui contribuent à la renommée du 7e art lusitanien, au Portugal et dans le monde : il a été décerné aux actrices Leonor Silveira (2016) et Laura Soveral (2017).

Vanessa LUDIER

 



 

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