Les artistes visuels réclament des droits d’auteur sur les reventes

Les artistes visuels réclament des droits d’auteur sur les reventes
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L’anecdote peut prêter à sourire, si de nombreux artistes ne connaissaient pas une précarisation réelle : lorsque l’artiste inuite canadienne Kenojuak Ashevak a vendu sa célèbre estampe « The Enchanted Owl » en 1960, elle a empoché 24 dollars, mais quand son œuvre s’est revendue aux enchères en 2001 pour près de 59 000 dollars, elle n’a rien touché.

[avec AFP]

À l’instar de nombreux pays, le Canada ne reconnaît pas un droit des artistes visuels sur la revente, contrairement aux musiciens, écrivains et cinéastes qui touchent des royalties à chaque fois que leurs œuvres sont vendues, utilisées ou téléchargées. Comme Ashevak, qui est décédée en 2013, ces artistes n’empochent plus rien, même si la valeur de leur travail explose.

L’Afrique à la pointe des droits contre les grands marchés mondiaux ?

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a débattu cette semaine sur une proposition du Sénégal et du Congo-Brazzaville en faveur d’un accord garantissant un droit à la vente partout dans le monde.

Plus de 80 pays reconnaissent ce droit, en accordant aux artistes visuels entre 1 et 5 pour cent des reventes, avec un maximum plafonné à environ 15.000 dollars (13 800 euros). Mais il n’est pas reconnu sur les plus grands marchés d’art du monde, à savoir les États-Unis, la Chine et le Japon notamment.

« En tant qu’artistes, nous faisons croître la valeur de nos œuvres en continuant à créer et en développant notre réputation, a expliqué à l’AFP l’artiste canadien Grant McConnell. D’autres en profitent, alors pourquoi pas nous ? »

Il se souvient d’avoir vendu une de ses peintures en 1988 pour environ 5.500 dollars canadiens et d’avoir appris qu’elle avait été rachetée en 2014 quatre fois plus cher par une collection publique.

Un pourcentage marginal et injuste pour les artistes visuels

Le chef de l’OMPI Francis Gurry estime qu’il serait simplement équitable pour les artistes de profiter du boom du marché de l’art mondial, dont les ventes ont atteint en 2015 plus de 63 milliards de dollars : « Cela devrait vraiment être évident pour tout le monde ».

Selon la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (CISAC), seuls 2 pour cent des royalties récoltées dans le monde pour les créateurs vont aux artistes visuels. « Comparez avec les 87 pour cent qui vont aux musiciens, compositeurs et paroliers, et vous comprendrez l’énorme différence », souligne Gadi Oron, qui dirige la CISAC.

Ce seront bien sûr toujours les artistes les plus connus qui bénéficieront de cette manne, reconnaît M. McConnell, mais pour un artiste ordinaire, ce revenu marginal peut être très important.

Droit à la revente pour avoir une vie correcte

« Au Canada, un artiste gagne en moyenne 18.000 dollars canadiens à l’année, et donc un chèque de 50 dollars dans sa boîte aux lettres peut paraître dérisoire pour beaucoup dans le monde de l’art, mais pour les artistes qui travaillent, c’est notre gagne-pain », a relevé M. McConnell.

Le peintre français Hervé Di Rosa approuve : « Il faut quand même que les artistes vivent correctement pour pouvoir produire ». Comme la France, à l’instar des autres pays de l’Union européenne, reconnaît le droit à la revente, Hervé Di Rosa a révélé qu’au cours des trois dernières décennies, il avait reçu des petits versements une douzaine de fois pour une seule de ses peintures qui a été vendue et revendue.

Le droit à la revente permet aussi aux artistes de retracer le parcours de leurs œuvres et de lutter contre les copies. Certains pays, et en particulier les maisons de vente aux enchères, sont opposés à l’instauration de ce droit, de crainte qu’il ait un impact négatif sur le marché.

Mais M. Gurry a rappelé que rien de tel ne s’est produit après que la Grande-Bretagne a finalement cédé aux pressions de l’UE et accordé ce droit en 2006. « Sotheby’s et Christie’s n’ont pas fait faillite dans la nuit. Elles sont toujours là et se portent très bien », a-t-il rappelé. M. Gurry espère qu’un accord international pourra être trouvé d’ici trois ans.

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