Les théâtres nationaux épinglés par la Cour des comptes : le rapport décrypté en 4 chiffres

Les théâtres nationaux épinglés par la Cour des comptes : le rapport décrypté en 4 chiffres
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Tout le monde passe sous les fourches Caudines de la Cour des comptes. Les sages scrutent, épluchent, détaillent, calculent… avant de pondre leur inévitable rapport. Cette fois, ce sont les finances des fleurons de la création théâtrale française qui sont passés au crible : les quatre théâtres nationaux (Comédie-Française, Odéon, La Colline à Paris et le Théâtre national de Strasbourg). Et comme souvent, le bilan n’est pas élogieux : trop grande dépendance vis à vis des aides de l’État, manque de coordination et d’implication du ministère de la Culture… Bref, peut mieux faire !

Plutôt que de se lancer dans un inventaire rébarbatif de sentences bien éloignées de toutes considérations artistiques, Profession Spectacle préfère mettre en avant quatre chiffres – Cour des Comptes oblige ! – pour comprendre les incohérences pointées par les Sages.

53,8…

… En millions d’euros, c’est ce qu’ont coûté à l’État les quatre scènes en 2013. Vous me direz que ça ne parle pas forcément, des millions balancés comme cela. Mais à 8 millions d’euros près, c’est ce que coûtent à l’État les 39 centres dramatiques nationaux décentralisés de l’Hexagone (61,8M €), financés presque à égalité d’une somme équivalente par les collectivités territoriales, note Télérama. Pourquoi une telle différence ? Notamment parce que les théâtres nationaux emploient bien plus de personnel et que ce sont pour la majorité des équivalents temps plein (717). Il faut ajouter à cela que les productions sont plus ambitieuses et que les salles accueillent des spectacles toute la semaine, comme c’est le cas pour la Comédie-Française.

22…

… Comme le nombre de fois – en moyenne – qu’est joué un spectacle dans les théâtres nationaux. Avec 68 spectacles par an, la programmation des quatre théâtres est considérée comme très riche ; sa diffusion est en revanche limitée. Les Sages notent donc logiquement que « les recettes de billetterie et les éventuels apports de coproduction ne permettent jamais de couvrir les dépenses ». Résultat : le taux d’autofinancement d’un spectacle varie, mais il est globalement insuffisant (56% en moyenne à l’Odéon, 29% seulement au Théâtre de Strasbourg).

1ère…

… Comme la classe dans laquelle voyagent les techniciens de la Comédie-Française lorsqu’ils partent en tournée. C’est ce que prévoit en effet la convention collective. Mais la Cour recommande de renégocier pour permettre une meilleure diffusion des spectacles. Sur l’ensemble des 4 théâtres, le personnel technique pèse plus lourd (39 % des effectifs et 32 % des dépenses de personnel en 2014) que la rémunération des artistes (16 % en 2014). On imagine alors facilement que les théâtres de province réfléchissent à deux fois avant d’accueillir un de ces spectacles. Pour la Comédie-Française, les tournées ne représentent que 20% des spectateurs entre 2006 et 2014. « Alors que les tournées devraient être au cœur de l’activité des théâtres nationaux, note le rapport, elles sont très insuffisantes au regard de l’excellence et du rayonnement des créations qui sont attendus de ces établissements. »

190 000…

… Comme la somme en euros qu’a coûtée la passation de pouvoir entre Olivier Py et Luc Bondy, à la tête du théâtre de l’Odéon en 2012. D’autres passages de relais ont entraîné des frais importants : 96 000 euros entre Alain Françon et Stéphane Braunschweig au Théâtre national de la Colline en 2010, 126 900 euros entre Julie Brochen et Stanislas Nordey au Théâtre national de Strasbourg en 2008… Comment expliquer de telles sommes ? Ces changements de direction s’accompagnent souvent de l’embauche d’un, voire de plusieurs proches collaborateurs (en général, directeur de la programmation et/ou conseiller artistique), selon les Sages. Des personnes à chaque fois sous contrat à durée indéterminée, puisque les directeurs (ou l’administrateur à la Comédie-Française) sont nommés par décret du Président de la République pour un mandat de cinq ans, renouvelable par période de trois ans. Résultat : chaque changement d’équipe conduit à des protocoles transactionnels coûteux.

En outre, la passation de pouvoir peut s’accompagner de frais supplémentaires engendrés par le renouvellement des outils de communication, comme les changements de logo, de charte graphique, etc., ainsi que cela s’est produit à la Comédie-Française en 2015.

Enfin, à l’issue de leur mandat, il est de tradition que les directeurs sortants qui disposent d’une compagnie bénéficient automatiquement du conventionnement de celle-ci. Pour les deux derniers administrateurs de la Comédie-Française, cela représente tout de même 900 000 € et de 600 000 € échelonnés sur trois ans.

Jacques GUILLOUX

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