Michel Hazanavicius : « Le Redoutable n’est pas un film sur Godard »

Michel Hazanavicius : « Le Redoutable n’est pas un film sur Godard »
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Entouré par ses comédiens Louis Garrel, Stacy Martin et – sa compagne – Bérénice Bejo, ainsi que de sa partenaire en production Florence Gastaud, le cinéaste français Michel Hazanavicius a décrypté pour la presse internationale Le Redoutable qu’il a dévoilé en compétition au 70e festival de Cannes, un film sur un Jean-Luc Godard en crise passé au prisme de son couple. Entretien.

Il semble qu’au départ, Anne Wiazemsky ne voulait pas vous donner les droits  de son roman Un an après, que vous avez adapté pour Le Redoutable. Que s’est-il passé exactement ?

Quand je suis tombé sur le livre un peu par hasard et que j’ai entrevu la possibilité d’en faire un film, j’ai pris contact avec elle et je lui ai téléphoné. Mais elle ne pensait pas qu’un film était faisable et la conversation allait en rester là quand je lui ai dit : « Il est quand même hyper marrant votre livre, c’est hilarant ». – « Je le pense aussi, a-t-elle répondu, mais vous êtes le premier à trouver ça drôle ». Ensuite nous nous sommes parlés et elle a décidé de me faire confiance. Et elle m’a aussi dit : « J’aime bien l’idée que vous veniez d’un autre planète ».

Le film a deux voix, celle de l’homme et celle de la femme ; c’est à la fois une histoire d’amour et la survie d’une artiste en situation de crise idéologique. Quel pour vous le personnage principal ?

La question s’est posée dès l’écriture. Le film est raconté par Anne, donc c’est elle le personnage principal, mais en même temps, elle a 20 ans, elle est dans l’observation et l’amour, et le film raconte l’érosion de cet amour. Mais cet homme prend tellement de place qu’il devient le personnage principal. Elle est le point fixe, alors que lui dérive, et le film raconte comment il s’éloigne de son point fixe. Le film traite de l’émancipation d’une jeune fille, mais comme il s’agit d’un couple, cela entre en résonance avec cet artiste qui va sacrifier ses idoles, puis ses amis, puis son couple, et enfin lui-même.  Le scénario est construit sur ce double mouvement. Mais de manière générale, je pense que le véritable Jean-Luc Godard est le protagoniste et l’antagoniste de lui-même. C’est ce qui crée de l’empathie car il n’est pas méchant, il n’est pas destructeur pour les autres, mais pour lui-même.

Comment avez-vous réussi à mettre en scène les spectaculaires manifestations des événements de Mai 68 ? Avec des effets spéciaux ?

Avec Florence Gastaud, nous avons décidé de sanctuariser une grosse partie du budget pour représenter Mai 1968. Il y a un petit peu d’effets spéciaux car nous n’avions pas 100 000 figurants, mais nous en avions vraiment beaucoup. Je tenais aussi à tourner dans les vraies rues de Paris où se sont déroulées ces manifestations. Car comme le film opère beaucoup par décalage, dérision et distanciation, je voulais un premier degré très solide pour les aspects politiques et idéologiques du film.

Le Redoutable est-il à la fois une satire et un hommage ?

Oui, un peu. Il y a le côté détournement et le film rend hommage au cinéma des années 60 de Godard, dans sa forme et dans les thèmes abordés. En même temps, c’est distancié et ironique, mais Godard faisait lui aussi cela dans ses films de l’époque. Il n’a jamais cherché à être sympathique et il aurait été absurde d’en faire un personnage consensuel. Donc c’est un mélange d’hommage respectueux et d’irrévérence. Dès l’écriture, Godard a commencé à me fatiguer un peu comme je pense d’ailleurs qu’il se fatiguait lui-même car il prenait beaucoup de place. J’ai donc mis ce Godard encombrant de côté et j’ai décidé de m’intéresser à Jean-Luc et de réinventer mon Jean-Luc qui est drôle et humain. C’est Louis Garrel qui faisait plus attention au mythe et qui était très soucieux que ce qu’allait en penser les gens qui aiment Godard, alors que je voulais tirer le personnage un peu plus vers le clown. Cela a fait l’objet de négociations sur le plateau.

Quid du style du film ? Souhaitiez-vous recréer les codes visuels de Godard ?

L’idée n’était pas de copier-coller, mais de s’en inspirer, de jouer avec beaucoup de citations, de collages, tout en essayant de toujours rentrer dans une narration et de raconter une histoire d’amour. En tant que spectateur, j’aime surtout les films de la décennie enchantée de Godard dans les années 60, mais en tant que réalisateur, je suis admiratif de la manière dont il a ensuite inventé sa propre vie, son propre trajet, au mépris de ce que les gens pensent de lui. Par contre, Le Redoutable n’est pas un film sur Godard, ce n’est pas une thèse universitaire. C’est un réalisateur très important, mais aussi une icône pop et un homme. L’icône pop me permettait l’imagerie, le point d’attache avec le spectateur, mais c’était l’homme qui m’intéressait avec sa distance et ses forces contraires. L’un des enjeux du film était de faire d’une tragédie une comédie dans la lignée des comédies italiennes.

Propos recueillis par Fabien LEMERCIER

Source partenaire : Cineuropa

Photo de Une : Michel Hazanavicius (© G. Pimentel / Getty Images / Festival de Cannes)

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