Nicolas de Villiers : « Nous sommes les héritiers d’un patrimoine commun, qui s’appelle la civilisation »

Nicolas de Villiers : « Nous sommes les héritiers d’un patrimoine commun, qui s’appelle la civilisation »
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Quelques semaines après son 40e anniversaire, le Puy du Fou a fêté symboliquement, le 14 juillet, la 1000e représentation de la Cinéscénie. Interprétée depuis sa création devant plus de 12 millions de spectateurs par 3 800 bénévoles sur la plus grande scène du monde (23 hectares), le spectacle nocturne du Puy du Fou retrace 700 ans d’histoire, du Moyen-Âge à la Seconde Guerre mondiale. Explications avec Nicolas de Villiers, actuel président du Puy du Fou.

Quand avez-vous repris à votre père les rênes du Puy du Fou ?

J’ai pris la tête du Puy du Fou en 2004. Nous avons la chance d’être une petite communauté humaine qui porte cette œuvre avec beaucoup de passion. Mon père, Philippe de Villiers qui a créé le parc en 1978, est toujours très impliqué dans l’écriture des scénarii et, d’une manière générale, dans la stratégie que nous partageons pour l’avenir.

Sur quels critères choisissez-vous les nouveaux spectacles ?   

Avec mon père et Laurent Albert, qui est le directeur général du parc aujourd’hui, nous nous rencontrons régulièrement pour des réunions sans ordre du jour. Nous discutons et divaguons sur les thèmes qui n’ont pas encore été abordés au Puy du Fou, et ceux que nous avons pu croiser par le biais d’une lecture, d’un film, d’un reportage ou d’une rencontre. À partir de là, nous réfléchissons à la manière dont le thème pourrait donner lieu à un scénario. C’est un processus qui démarre de la feuille blanche et qui se structure progressivement pour donner naissance à un spectacle. Dans les faits, nous nous posons toujours les mêmes questions. Quel est le message que nous voulons transmettre, à travers la vie de quel personnage ? Qu’est-ce qui va nous permettre de créer au bout du compte une émotion ? S’il n’y a pas d’émotion, nous déchirons purement et simplement la page que nous avons rédigée, pour mieux la reprendre par la suite.

La veine historique et locale est-elle votre marque de fabrique ?  

Pour que soyons entendus et crédibles, pour provoquer une émotion, il faut être authentique. Pour être authentique, il faut enraciner les histoires que nous racontons, non seulement dans l’histoire de France, mais aussi et en particulier dans notre histoire locale. Chaque spectacle est en réalité une strophe d’un grand poème dans lequel les légendes et l’histoire de France se mêlent étroitement.

Nicolas de Villiers (crédits : David Raynal)

Est-ce cette admiration pour la grande Histoire des civilisations qui vous permet désormais de décliner le concept, bientôt en Espagne, et peut-être à l’avenir en Chine ?

Absolument. Depuis plusieurs années, nous sommes sollicités par de nombreux pays, mais nous sélectionnons les projets de manière à n’en avoir qu’un seul à la fois. Nous avons par exemple, aux Pays-Bas (parc Efteling), un spectacle qui est aujourd’hui interprété par nos artistes, jusqu’à six fois par jour. Nous proposons également un spectacle intitulé « Kynren » au nord-est de l’Angleterre (Auckland Castle), que nous avons créé l’année dernière. Nous sommes en train de concevoir un spectacle en Espagne (Tolède), qui donnera lieu à un parc en 2020. À chaque fois, nous retrouvons dans l’évocation épique de ces grandes civilisations les grandes préoccupations de l’humanité : l’amour, la souffrance, la mort, l’espérance. C’est ce qui vibre en définitive en chacun de nous, quelle que soit notre culture.

Quels sont les spectacles qui vous tiennent le plus à cœur ?

La Cinéscénie est bien sûr, pour moi, le spectacle fondateur du Puy du Fou. Il est né il y a 40 ans de la volonté de mon père et a cette singularité d’être porté depuis sa création par des bénévoles. La Cinéscénie raconte l’histoire parfois douloureuse, mais présentée toujours de façon poétique, de la Vendée. En 1793, ce département qui n’existait administrativement que depuis quatre ans a connu un drame absolument épouvantable. Plus de 300 000 personnes ont été décimées par les colonnes infernales du Comité de salut public parce qu’elles se sont rebellées contre quelques-uns des principes de la Révolution française. Le Puy du Fou a été finalement une sorte de requiem pour ces morts-là : il a rendu justice aux Vendéens. C’est aussi un spectacle qui a un souffle très particulier, avec 3 800 bénévoles dont 2 400 acteurs sur scène. En 40 ans, la Cinéscénie est devenue enfin une incroyable superproduction de 90 minutes. Loin des classiques « sons & lumières », elle a inventé un nouveau mode d’expression artistique inspiré du cinéma, du péplum, de l’opéra et de la comédie musicale. En moins d’un demi-siècle, elle est devenue la référence mondiale, accumulant les récompenses en Europe et aux États-Unis.

Quel est le poids économique du Puy du Fou ?

Le Puy du Fou est aujourd’hui le deuxième parc à thème de France, derrière Eurodisney, avec plus de 2 220 000 visiteurs en 2016. En 10 ans, le nombre de visiteurs a progressé de 184 %, tandis que son chiffre d’affaires a plus que triplé. Chaque année, le parc génère 277 millions d’euros de retombées économiques (+40 % en 3 ans) et engendre 4 700 emplois directs et indirects. Chaque euro dépensé par le Puy du Fou entraîne 3,5 euros de retombées économiques.

Pouvez-vous nous parler de vos nouveaux investissements ?

Ces dernières années, la Cinéscénie est entrée dans une nouvelle ère grâce à des innovations majeures : huit nouvelles scènes en cinq ans, de nouveaux effets spéciaux, une nouvelle scénographie des lumières, des projections vidéo 3D, de nouveaux décors. Nous faisons aussi appel à une toute nouvelle génération de drones de spectacles, les Neopters, conçus spécialement pour la Cinéscénie. Avec un investissement inégalé de plus de 30 millions d’euros, 2017 est d’ores et déjà une année record qui préfigure les 200 millions d’euros que le parc a prévu d’engager d’ici à 2025.

Réussissez-vous toujours à privilégier les savoir-faire et les talents locaux ?

Depuis sa création, le Puy du Fou a investi plus de 450 millions d’euros, qui ont bénéficié à 80 % à des entreprises locales. Lorsque nous n’avons pas le savoir-faire sous la main, nous l’inventons en détournant parfois l’activité des industriels locaux de leur vocation initiale pour les amener sur le terrain du spectacle. L’entreprise doit alors inventer de A à Z une méthodologie avec nous, ce qui n’est pas forcément le cas de celles qui travaillent dans le secteur des loisirs et qui ont naturellement tendance à adapter ce qu’elles ont déjà organisé avec d’autres. Pour éviter cela, nous préférons toujours partir de la feuille blanche, y compris sur le plan technologique.

Quel est le rôle de votre Académie ?

Nous finançons effectivement deux structures Puy du Fou Académie (une école primaire « art & études ») et l’Académie Junior (un centre de formation artistique), dont le rôle est de former chaque année plus de 600 jeunes aux arts et techniques du spectacle. Nous proposons 29 savoir-faire différents dans 29 académies, soit sur le temps scolaire, soit sur le temps extra-scolaire, le samedi, le dimanche et le mercredi. Tous les ans, une promotion de jeunes de 18 à 20 ans rejoint les équipes de la Cinéscénie ou du Grand Parc. L’école nous permet de faire un solide pari sur l’avenir. C’est une manière de transmettre des savoir-faire et des connaissances, mais aussi un état d’esprit et une culture.

Vous avez été primé à plusieurs reprises aux États-Unis, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Les prix nous ont principalement confortés dans notre stratégie créative. Ces récompenses veulent dire que les professionnels des métiers du spectacle du monde entier, et au premier rang desquels ceux des États-Unis, saluent notre modèle audacieux et novateur : il n’existe nulle part ailleurs jusqu’à devenir, au fil du temps, une véritable référence. C’est en cela que ces Awards remportés en Amérique ont une importance pour nous. Ils ne changent pas le regard que nous avons sur nous-mêmes, mais modifient le regard que les autres, notamment les médias, ont sur le Puy du Fou.

Dans 40 ans, comment imaginez-vous le Puy du Fou ?

Je crois que les spectacles du Puy du Fou vont énormément se diversifier et grandir, afin que nos visiteurs puissent passer trois ou quatre jours dans le parc sans jamais voir la même chose. Notre académie va certainement se développer pour accueillir des milliers d’élèves. Nous allons aussi créer plusieurs Puy du Fou à l’international, non seulement en Europe, mais également en Asie et peut-être même ailleurs dans le monde. Il y a 40 ans, qui aurait pu dire que nous allions créer une école, une agence de voyages et de développement à l’international, une fondation et une maison d’édition ? Dans 40 ans, nous pratiquerons certainement des métiers qui n’existent pas encore aujourd’hui. Finalement, il n’y a pas de limite. Tout est possible pour ceux qui ont des rêves et qui n’ont pas peur de les réaliser.

Propos recueillis par David RAYNAL

Informations pratiques

Saison 2017 : jusqu’au 24 septembre 2017

Informations et réservations : par téléphone au 0 820 09 10 10 (0,12 €/mn à partir d’un poste fixe) ou sur le site internet du Puy du Fou.

Nicolas de Villiers (crédits : David Raynal)

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1 commentaire

  1. Il manque selon moi, une série de questions sur le rapport entre l’économie du festival et « l’emploi » de bénévoles….
    Il manque aussi, sur le fond, un questionnement sur les valeurs portées par ce festival: la conception de « l’histoire », la conception de « la civilisation », etc….
    Sans tout cela, il n’y a pas de possibilité d’approche critique. Hagiographie?

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