L’Académie française l’a célébré, le monde l’a oublié… Il sort enfin de l’ombre

L’Académie française l’a célébré, le monde l’a oublié… Il sort enfin de l’ombre
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Grand prix de poésie de l’Académie française, Les pas de Paul de Roux célèbre la fragilité de la vie et le chemin intérieur de l’homme sur la terre. Un jaillissement poétique face à la mélancolie et aux tristesses du monde.

Il a « fait ce qu’il fallait pour se faire oublier » a dit de lui Guy Goffette. Lui, c’est Paul de Roux, poète certes un peu oublié de son vivant mais à qui la collection Poésie/Gallimard a consacré un volume, deux ans avant sa mort survenue en 2016. Les éditions Le Silence qui roule viennent de rééditer son recueil intitulé Les pas, qui parut en 1984 et reçut en 1986 le grand prix de poésie de l’Académie française.

Pourquoi cette attention aux pas ? Parce qu’ils sont la trace et l’empreinte la plus humbles et la plus fragiles de la vie, parce qu’ils manifestent et disent le chemin de l’homme sur la terre. Aussi innombrables que les grains de sable ou les étoiles du ciel, ils sont rythme et respiration et tracent peut-être, dit le poète, « les lignes d’un dessin caché », préparent peut-être « l’architecture délicieuse qui fait trembler les anges ». Tous les pas des hommes tissent ainsi une tapisserie secrète dont le dessin peut-être apparaîtra un jour en entier et à l’endroit à chacun d’entre eux.

Les pas donc, parce qu’ils peuvent mener à ce qui est neuf et beau, quand bien même la marche est seulement intérieure et mène à une visitation plus qu’à une conquête :

« A peine un rayon éclaire nos vies arides
que déjà nous montons l’escalier de la joie 
».

Mais parce qu’ils manifestent l’être et le chemin de l’homme, les pas peuvent être lestés de sa mélancolie et d’un accablement auquel la contemplation de la lumière ne peut rien :

« La tristesse est dans les jambes aussi…
il regarde le jour monter dans les vitres
il regarde la lumière, il ne sent
que ses jambes lourdes – où le mèneront-elles ?
 »

Le fardeau multiforme d’un poids mort altère la marche et grève la lumière. Au réveil, ce sont les traces des mauvais rêves, des « êtres alluvionnaires…aux chevelures…de poupées mortes » qui empêchent de répondre à l’appel du « vivifiant Soleil de Justice ». Une « végétation parasitaire » en barre l’accès et l’empêche d’illuminer toute l’âme.

Ce poids mort, c’est le travail du mal et l’emprise du péché. C’est « Tout le mal que nous nous sommes fait / à nous-mêmes, plus qu’à autrui sans doute », c’est la « neige qui meurt sous les pas / neige qui ne lessivera pas nos péchés ». Le mal, la mort, c’est ce que le poète appelle « la vie recluse… / qui ne voit pas les trois pas de la lumière / la vie recluse en elle-même, qui ne veut plus bouger ».

Paul de Roux a gardé de sa fréquentation du christianisme orthodoxe, grec précisément, la conscience du péché, l’espérance du Salut et l’amour du Christ. Le Christ dont on peut percevoir la figure dans le « passant tout à fait banal » du poème intitulé « Celui-là », et l’action dans l’eau bouillonnante de « La piscine de Bézatha ».

Peut-être vient-il de cette fréquentation le désir du poète d’être façonné plutôt que de faire, de recevoir la vie et sa juste place plutôt que de s’en emparer. Le poète assailli par la mélancolie prend le parti de « rester comme une brique qui attend », qui attend le maçon, celui qui « lui trouvera sa place au sein du mur ».

Il faut en quelque sorte faire l’effort de se laisser faire, prendre le chemin où se laisser conduire, vers et dans une contemplation qui est communion et jaillissement de vie.

Alors nous pouvons découvrir « des écluses en nous doucement ouvertes » et rejoindre le filon secret, « en deçà des idées, en deçà de tout geste », dont le poète nous dit qu’à chaque instant il sauve la terre. Là se trouve en effet le courant de vie qui irrigue le monde, à la fois souffle et rivière.

Être poète, c’est sans doute savoir que ce courant existe et vouloir y participer.

Frédéric DIEU

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Paul de Roux, Les pas, poèmes, Préface de Jacques Réda, Le Silence qui roule, 2022, 90 p.

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