Quel avenir pour les festivals en Bretagne ?

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La Bretagne est la région la plus festive de France. C’est dire si la crise sanitaire a un impact cruel ! Mais les festivals continuent de se battre, de s’adapter, de réfléchir à leur avenir. La preuve avec les Vieilles Charrues et le festival de Cornouaille.

D’après une étude du Conseil culturel de Bretagne, le poids économique de la culture est particulièrement important en Bretagne. Par exemple, cette région est la plus festive avec un festival pour 20 000 à 25 000 habitants. Alors, comment les festivals bretons s’adaptent-ils dans un contexte sanitaire compliqué ?

Rencontre avec deux directeurs de festivals, Jérôme Tréhorel, directeur du renommé festival des Vieilles Charrues de Carhaix, et Igor Gardes, directeur d’un des plus anciens festivals d’Europe, le festival de Cornouaille.

Un été silencieux

Les festivals sont un véritable phénomène de société en France, de sorte que leur annulation – l’été dernier – a eu de graves conséquences. Premièrement, au niveau économique. Les Vieilles Charrues, par exemple, ont subi 1,7 millions d’euros de perte l’année dernière. Ensuite, au niveau culturel. Pour la première fois depuis longtemps, la France a connu un été silencieux. Comme l’indique son directeur, le festival de Cornouailles a un réel poids historique. « Nous n’avions pas vécu de pandémies mais nous avons connu une guerre mondiale, des crises pétrolières, mai 68… Malgré tous ces événements, nous avons toujours joué. Par conséquent, quand la pandémie est arrivée, on ne pouvait pas ne pas être là. »

Il était donc important de maintenir la diversité culturelle et d’éviter la faillite, voire le rachat de ces festivals. C’est pourquoi ces deux directeurs ont décidé de maintenir leur programmation 2021 en proposant une version innovante.

La créativité au cœur du spectacle vivant

« Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! » disait Baudelaire à propos du sonnet. La contrainte peut être en effet une source de créativité, particulièrement dans le secteur du spectacle vivant. En effet, la rencontre d’êtres vivants avec d’autres engendre intrinsèquement des imprévus. La crise sécuritaire, avec les attentats, la crise sanitaire, avec la COVID-19, et la crise économique qui en découlera en sont la preuve.

La créativité est donc primordiale dans ce secteur. C’est pourquoi le festival de Cornouaille a proposé cet hiver un cyber festival qui a concentré 300 000 connections dans 64 pays différents ! Par ailleurs, pour l’édition 2021, l’objectif est de continuer à dynamiser la ville de Quimper d’une manière nouvelle. L’organisation de concerts se fera dans des salles de spectacles, avec un public restreint. Le festival proposera également une « Collection automne-hiver », avec des concerts organisés en fin d’année afin de toucher un public plus local.

Quant aux Vieilles Charrues, l’idée est de proposer dix soirées différentes avec une jauge à 5 000 personnes. Évidemment, c’est une année de transition et nous sommes loin des 270 000 festivaliers de 2019. Mais le maintien du festival semblait important afin de donner une perspective concrète aux équipes mais aussi à tous ceux qui font les Vieilles Charrues : artistes, bénévoles, prestataires, fournisseurs, intermittents et mécènes.

Des mesures en faveur des festivals

Malgré un manque de visibilité, le milieu des festivals s’est tout d’abord senti chanceux d’avoir finalement eu, en février dernier, un cadre donné. En effet, Roselyne Bachelot a annoncé la possibilité d’effectuer des concerts avec une jauge maximale de 5 000 personnes, assises. Cadre contraignant, certes, mais qui permettait d’avoir une vision sur le moyen terme. Plus récemment, la ministre de la Culture a autorisé les festivals debout avec « 4m2 par festivalier » à partir du 1er juillet, décision qui n’est pas sans susciter des débats au sein de la profession.

Le chômage partiel, les fonds de solidarité et les subventions maintenues pour les festivals qui en bénéficient aident également ceux-ci à surmonter la vague. De plus, de nombreuses réunions de syndicats et de collectifs de festivals leur permettent de mieux se projeter.

Enfin, à la suite de la création des premiers états généraux des festivals, les 2 et 3 octobre dernier à Avignon, « le gouvernement souhaite inscrire les festivals dans une vraie politique culturelle avec des accompagnements financiers, confirme Jérôme Tréhorel. Cette aide démontre une certaine prise de conscience de l’importance des festivals. Maintenant, à nous de continuer la pédagogie, d’expliquer l’intérêt de la diversité des projets qui font la richesse de notre pays d’exception culturelle. »

L’impact de la crise encore méconnu

Les Vieilles Charrues, ce sont 7 158 bénévoles qui apportent leur soutien à travers plus de 132 associations culturelles, caritatives ou sportives. Cet investissement bénévole a donc d’importantes conséquences socio-culturelles sur le territoire. Ce type d’événement permet à un public hétérogène de travailler ensemble dans une direction commune sur un projet qui les transcende. Le risque d’une démobilisation de ces derniers est à prendre réellement au sérieux.

Une des inquiétudes du directeur du festival de Cornouaille est par ailleurs la perte de la pratique artistique. En effet, un grand nombre de bagadoù (célèbres formations musicales bretonnes) sont amateurs et cela fait plus d’un an qu’ils sont dans l’impossibilité de se réunir afin de s’entraîner. Alors, quel impact cette période aura-t-elle sur cet écosystème ? Igor Gardes craint en effet une réelle difficulté de faire vivre la culture bretonne dans les années qui viennent. C’est en ce sens qu’il a déjà alerté députés, cabinet du préfet de Bretagne ainsi que le président de région.

Enfin, la question du modèle économique se pose. Comment pérenniser un système qui a montré ses failles durant la crise ? Il existe certaines pistes, comme établir des fonds de solidarité privés, tels que le financement participatif ou le micro-don. Les habitudes de consommation peuvent aussi changer. Par exemple, le public est aujourd’hui en quête de gratuité et n’anticipe plus autant qu’avant. Autant de données qui sont susceptibles de changer avec les années et qu’il faudra adapter à un modèle enclin à évoluer constamment.

Augustin GUILLET DE LA BROSSE

 



Photographie :
Les Ramoneurs de menhirs, au festival de Cornouailles 2018 (© Forban Photographie)



 

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