17 décembre 1916 – 100 ans de la création de « Jean de la Fontaine » de Sacha Guitry

17 décembre 1916 – 100 ans de la création de « Jean de la Fontaine » de Sacha Guitry
Publicité

Le 17 décembre 1916 était créée la pièce Jean de la Fontaine de Sacha Guitry, au Théâtre des Bouffes-Parisiens. Cette pièce, au ton à la fois grave et léger, évoque, en quatre actes, la vie et l’oeuvre du fabuliste. Le rôle de Jean de La Fontaine est interprété par Sacha Guitry lui-même, ceux de Mme de La Fontaine et de Mlle Certain dite « le Rossignol », par Charlotte Lysès et Yvonne Printemps. Cette dernière, plus connue pour son chant, obtient ici son premier rôle au théâtre.

Charlotte Lysès est, à la ville, l’épouse – la première – de Sacha Guitry ; Yvonne Printemps est depuis peu la maîtresse de ce dernier.

Solidement documentée, la pièce de Sacha Guitry s’accorde néanmoins quelques libertés avec la chronologie, preuve que le dramaturge sait distiller la fiction au sein d’un fait historique. Née en 1662, Mlle ne pouvait évidemment pas avoir 19 ans en 1672 ; or c’est précisément cette année là que Mme de La Sablière invite La Fontaine à venir résider auprès d’elle. Né en 1621, La Fontaine avait par ailleurs ailleurs 51 ans, et non en 44 comme il est dit dans la pièce.

Pour les besoins de sa pièce, Sacha Guitry a ainsi choisi de convoquer quelques-unes des femmes importantes dans la vie de La Fontaine. Qu’importe que ce soit vrai, puisque c’est vraisemblable – dimension sacrée d’une tradition théâtrale. Il souligne ainsi comment une femme peut se comporter et évoluer au fil d’une vie.

Extrait 1 – Acte II

Le Rossignol – A quel âge est-on vieux ?

Jean de La Fontaine – Hum… comment te dire… Ah ! Ma foi, l’on est vieux la première fois…

Le Rossignol – La première fois qu’on aime ?

Jean de La Fontaine – Ah ! Non. La première fois qu’on cesse d’aimer. Cela m’est arrivé de bien bonne heure, hélas !

Le Rossignol – Et l’on ne rajeunit pas la seconde fois qu’on aime ?

Jean de La Fontaine – Malheureusement, non. Cela serait trop beau.

Le Rossignol – On ne rajeunit jamais ?

Jean de La Fontaine – Si… la seconde fois qu’on est aimé.

Le Rossignol – A quoi voit-on qu’on est aimé ?

Jean de La Fontaine – Aux yeux de celle qu’on aime.


Extrait 2 – Acte III

Jean de La Fontaine – … je vous trouvais jolie, gracieuse et très fine… je vous ai désirée…

Mme de La Fontaine – Mes parents s’en sont aperçus…

Jean de la Fontaine – … avant même que j’aie eu le temps de vous le dire…

Mme de La Fontaine – On a eu peur d’un malheur…

Jean de La Fontaine – … et l’on nous a mariés hâtivement. Et un beau soir vous étiez chez moi, dans mon lit… victime résignée, craintive et sans défense… dont je n’avais pas eu le loisir et l’agrément de faire la conquête !… On vous donnait à moi… vous étiez ma femme, vous portiez mon nom… un contrat nous liait pour toute la vie… et nos parents se réjouissaient en se disant : « Nous avons évité un malheur ! »… Et ce crime-là se commet tous les jours !

Extrait 3 – Acte III

Mme de La Fontaine – Mais vous détestez donc les femmes ?

Jean de La Fontaine – Moi, détester les femmes ? Ah ! Grands Dieux, non !… Car une femme, une vraie femme, c’est adorable, c’est charmant !…

Mme de La Fontaine – Qu’appelez-vous une vraie femme ?

Jean de La Fontaine – Une femme qui aime et qui est aimée !

Mme de La Fontaine – Alors, pour vous, les autres ne comptent pas ?

Jean de La Fontaine – Si… elles comptent le linge…

Mme de La Fontaine – Et les mères ?

Jean de La Fontaine – Mais nous ne parlons pas des mères, en ce moment, nous parlons des femmes !

Mme de La Fontaine – Eh ! Bien, et les vieilles femmes ?

Jean de La Fontaine – Ah ! Celles-là, je les consulte et je cause avec elles volontiers. Car j’aime infiniment celles qui ont su vieillir.

Mme de La Fontaine – Bon… celles-là, vous les aimez « infiniment ». Mais pour que vous les aimiez… simplement… comment faut-il qu’elles soient ?

Jean de La Fontaine – Il faut qu’elles soient très jolies !

Mme de La Fontaine – Qu’appelez-vous une femme très jolie ?

Jean de La Fontaine – Toutes celles d’abord qui sont très jolies… et puis celles qui me trouvent encore bien !



N’ayant pu trouver de (bonnes) représentations de Jean de la Fontaine, nous vous proposons des extraits de Deburau de Sacha Guitry, mis en scène par Jacques Rosny, interprété par l’infatigable Robert Hirsch, au théâtre Edouard VII. Interviews de Robert Hirsch et Jacques Rosny.

Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *