La longue descente aux enfers du génial Montgomery Clift

La longue descente aux enfers du génial Montgomery Clift
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L’acteur américain Edward Montgomery Clift mourait il y a 50 ans, à seulement 45 ans. Sa belle gueule et son impressionnante cinématographie en seulement 20 ans de carrière en font une des figures marquantes du 7e art américain : Une place au soleil avec sa grande amie Elizabeth Taylor, La loi du silence d’Alfred Hitchcock, Station Terminus de Vittorio de Sica,  Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz ou Les Désaxés de John Huston.

Montgomery Clift naît en 1920 à Omaha, au Nebraska. Il passe une enfance luxueuse mais étouffante, avec sa mère, en Europe, avant de revenir à New York et de faire ses débuts, à l’âge de 15 ans, à Broadway. En à peine dix ans, il se construit une réputation de grand comédien, si bien qu’il devient l’un des premiers membres de l’Actors Studio, en 1947, aux côtés de Marlon Brando, Julie Harris et Elia Kazan.

En 1948, il joue aux côtés de John Wayne dans La rivière rouge ainsi que dans les Anges marqués de Fred Zinnemann : le succès est aussitôt au rendez-vous. Trois ans plus tard, il se retrouve pour la première fois face à Elizabeth Taylor dans Une place au soleil de George Stevens : une amitié indéfectible naît sur le tournage, au point qu’on les surnommera par la suite « le plus beau couple d’Hollywood ».

Sa sensibilité à fleur de peau le conduise à un perfectionnisme émotionnel qui n’a jamais eu d’équivalent avant lui. La finesse et la précision de son jeu ainsi que son regard chargé d’intensité interrogent ses contemporains : « Ne semble-t-il pas inventer sans cesse une nouvelle façon de jouer, tout en sensibilité et en non-dit ? Mais quels démons le poussent autant vers la destruction ? », se demande alors l’actrice britannique Deborah Kerr, avec qui Montgomery Clift partage l’affiche en 1952 dans Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann.

L’acteur américain souffre en réalité de plusieurs addictions, aux analgésiques – à l’origine destinés à soigner allergies et coliques – et à l’alcool.

La même année (1953), Montgomery Clift est appelé par Alfred Hitchcock pour un rôle bien différent : celui d’un prêtre, le père Michael Logan, à qui est confié un meurtre sous le secret de confession et qui se retrouve lui-même peu à peu accusé du crime. Véritable chemin de croix pour un homme qui se retrouve placé au ban de la société, tenté de clamer son innocence au risque de trahir son sacerdoce et le sacrement de confession.

L’intrigue est subtile, l’interprétation que donne Montgomery Clift du prêtre catholique – malgré le peu d’indications du réalisateur -, sublime.

En 1956, alors qu’il sort d’une soirée chez Elizabeth Taylor et Michael Wilding, Montgomery Clift percute violemment un pylône avec sa voiture : ce grave accident le défigure à vie, malgré des heures de chirurgie plastique. Il faut attendre deux ans avant que l’acteur ne puisse tourner à nouveau, plus diminué que jamais.

Il partage l’affiche avec Marlon Brando dans Le Bal des maudits avant de retrouver Elizabeth Taylor, qui l’exige comme partenaire, dans Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz. Pour ce dernier film, inspiré de la pièce de Tennessee Williams, il interprète avec talent le jeune docteur Cukrowicz confronté à l’apparente folie de la jeune Catherine (Elizabeth Taylor), à la demande de sa richissime tante (Katharine Hepburn).

En 1961, Montgomery Clift tourne deux films importants dans sa rapide carrière : Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer, qui lui vaut une nomination à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, et Les Désaxés de John Huston, film célèbre pour la suite tragique que connurent les trois acteurs principaux : il s’agit en effet du dernier film achevé de Clark Gable, qui mourut d’un infarctus peu après, et de Marilyn Monroe, qui ne put jamais achever son film suivant, Something’s Got to Give de George Cukor. Cette même Marilyn Monroe dit de Montgomery Clift durant le tournage : « Il est la seule personne que je connais qui soit encore dans un pire état que je ne le suis ».

Si la fin de Montgomery Clift approche à son insu, il ne meurt cependant pas dans les mois qui suivent Les Désaxés. John Huston, impressionné par le jeu du comédien, fait de nouveau appel à lui pour interpréter Sigmund Freud dans son nouveau film. Mais le tournage vire au cauchemar, Montgomery Clift souffrant de thyroïde, puis d’une cataracte. Le réalisateur et le comédien s’opposent plus d’une fois sur le plateau, provoquant des scissions au sein de l’équipe.

John Huston confie néanmoins des années plus tard : « En fin de compte, je pense que son interprétation était remarquable. Freud était lui-même un homme qui reconnaissait sa névrose. […] J’avais au moins un acteur également torturé. Ce fut l’expérience la plus difficile que j’ai eue avec un acteur. »

Les différentes addictions ainsi que ses problèmes de santé achèvent de le détruire personnellement et professionnellement. Il accepte néanmoins la proposition d’Elisabeth Taylor, qui est prête à renoncer à son salaire pour lui assurer le rôle, de jouer une nouvelle fois avec dans Reflets dans un œil d’or. Il n’en a pas le temps et sera remplacé par Marlon Brando : affaibli par des années de maladie, il meurt d’un infarctus, seul chez lui à New York, le 23 juillet 1966.

« C’était mon ami le plus cher, je l’aimais tendrement. Il m’est difficile de vous faire un tableau fidèle de ses qualités… en tant qu’ami et en tant que comédien… Je peux simplement dire qu’aux États-Unis, c’était l’acteur le plus sensible et le plus intelligent avec lequel j’ai jamais travaillé. » (Elizabeth Taylor, à sa mort)

 

L’acteur et professeur de théâtre Robert Lewis dit de la carrière de Montgomery Clift qu’elle fut « le plus long suicide dans l’histoire d’Hollywood ». Si sa vie fut bien une longue descente aux enfers, ce jugement est très exagéré lorsque l’on regarde la cinématographie de l’acteur. Il n’aura certes tourné que 18 films, mais plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui reconnus comme de véritables chefs-d’œuvre, en grande partie en raison de son interprétation magistrale.

Son jeu nuancé en a fait un cas d’école pour les générations d’acteurs suivantes. François Truffaut le voulut notamment dans son film Fahrenheit 451 tandis que James Dean revendiqua l’influence de Montgomery Clift, de 11 ans son aîné, dans sa propre manière de jouer.

Vanessa LUDIER

Source partielle : David Gritten dans The Telegraph.



 

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2 commentaires

  1. En effet…L’article ne fait aucune allusion à l’homosexualité de cet acteur de génie- dont j’étais amoureuse quand j’étais gamine- et qu’il a vécue durant une période peu encline à la tolérance. Une grande partie de ses tourments trouve sans doute son origine dans la difficulté d’évoluer dans une société hostile à une sexualité « hors normes » Un magnifique acteur disparu bien trop tôt

  2. C’est très bien tous ces commentaires sur son talent et sa carrière, mais si on ne parle pas de son homosexualité, on ne peut pas comprendre les tourments de Montgomery Clift et sa fameuse descende aux Enfers mentionnée dans le titre de l’article.

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