« Le Pornographe » de Shohei Imamura : critique sociale d’une société sans boussole

« Le Pornographe » de Shohei Imamura : critique sociale d’une société sans boussole
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Dans le Japon des années soixante, en plein décollage économique, Monsieur Ogata (Shoichi Ozawa) tourne des films pornographiques qu’il revend sous le manteau. Il vit avec Haru (Sumiko Sakamoto), une veuve convaincue que son mari décédé s’est réincarné dans une carpe qu’elle a installée dans un immense aquarium au milieu de son salon.

Haru a deux enfants : une fille Keiko (Keiko Sagawa), dont Ogata est secrètement amoureux et un fils, Kochi (Masaomi Kondo), qui file du mauvais coton.

Le Pornographe était inédit en France. C’est une œuvre de jeunesse de Shohei Imamura, qui n’était pas encore le réalisateur japonais révéré, titulaire de deux Palmes d’or : La Ballade de Narayama (1983) et L’Anguille (1997).

Il s’agit d’une adaptation d’un roman de Akiyuki Nosaka publié trois ans plus tôt seulement, qui avait suscité le scandale. Scandale en raison de son héros, un être sans scrupule exerçant une profession en marge de la loi, vivant de la lubricité des acheteurs de ses films. Mais scandale aussi par le portrait en creux que Nosaka fait du Japon des années soixante, qui a profité de l’occupation américaine et de la guerre de Corée pour s’enrichir au risque d’y perdre son âme.

C’est cette seconde dimension que creuse Imamura. À la différence du roman, Ogata y est décrit comme un brave bougre, exerçant un métier comme un autre, sincèrement amoureux de Haru et combattant l’attirance qu’il nourrit pour sa belle-fille. Imamura est volontiers rousseauiste : son héros n’est pas corrompu ; c’est la société qui l’est, dont le film dénonce non sans humour les dérives qu’encourage l’aisance matérielle retrouvée après les années de privation de la guerre.

Le réalisateur reste très pudique, ne montre aucune nudité – à supposer que la morale et la censure de l’époque le lui eurent permis. Sa caméra filme à distance, à travers une fenêtre, un aquarium, pour maintenir une pudeur par rapport à ses personnages. Son cinéma, qui décrit les bas-fonds d’Osaka, reste très naturaliste.

Le titre du film, sa jaquette racoleuse prêtent à confusion. Le Pornographe n’est pas un film érotique qui raconte la vie d’un érotomane. Comme son sous-titre, “Introduction à l’anthropologie”, le laisse entendre, il s’agit plutôt d’un film aux limites du documentaire, dans la veine de L’Histoire du Japon d’après-guerre racontée par une hôtesse de bar (1970), qu’il faut prendre pour ce qu’il est : une critique sociale non dépourvue d’humour d’une société en quête de boussole.

Tony PARODI

 



Shohei Imamura, Le Pornographe, Japon, 2018, 128mn (noir et blanc)

  • Sortie : 14 novembre 2018
  • Genre : drame
  • Titre original : Jinruigaku nyumon : Erogotshi yori
  • Classification : tous publics
  • Avec : Shoichi Ozawa, Sumiko Sakamoto, Keiko Sagawa, Masaomi Kondo, Ganjiro Nakamura, Chôchô Miyako, Haruo Tanaka, Shinichi Nakano
  • Scénario : Koji Numata et Shohei Imamura d’après le roman d’Akiyuki Nosaka
  • Distribution : Mary X distribution

En savoir plus sur le film avec CCSF : Le Pornographe

Shohei Imamura, Le Pornographe, Japon



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