À Lussas, le collectif pour le film documentaire de création développe ses coopérations

À Lussas, le collectif pour le film documentaire de création développe ses coopérations
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En Ardèche, le collectif de structures pour le film documentaire d’auteur franchit une nouvelle étape vers plus de mutualisations et de coopérations, en s’installant dans un espace commun. Depuis son arrivée à Lussas il y a une trentaine d’année, le collectif est aujourd’hui reconnu comme un acteur clé du développement culturel et économique local. Au-delà de cette empreinte sur le territoire, le collectif de Lussas est devenu incontournable dans le secteur du film documentaire de création.


Opale organise un atelier ouvert à tous ce samedi 14 juillet, entre 10h30 et 12h30, au Village professionnel du Off d’Avignon, sur le numérique et les nouvelles logiques redistributives et solidaires à partir de l’exemple de la SCIC Tënk – plateforme de diffusion de documentaires  de création sur abonnement. L’invité sera Pierre Matheus, directeur de Tënk.


L’installation sur un territoire rural pour valoriser, diffuser et produire, des films documentaires de « création »

Les passionnés et les professionnels qui participeront cet été à la trentième édition du festival « Les États Généraux du film documentaire », découvriront en marge du festival la nouvelle envergure prise par les projets du collectif de Lussas.

Que de chemin parcouru depuis les premières réunions, dans les années soixante-dix de quelques professionnels du secteur qui se sont réunis autour d’un projet collectif, pour valoriser, diffuser et produire, des films documentaires de « création » !

Parmi eux, Jean-Marie Barbe, féru de film documentaire, réalisateur et producteur lui-même, lançait l’idée de s’installer dans le petit village de Lussas, en Ardèche. L’emploi culturel y est rare : on dénombre très peu de postes en zone rurale, encore moins dans le secteur audiovisuel.

Le déploiement de projets à Lussas par les membres fondateurs du collectif semblait relever de l’utopie : à l’époque c’était à Paris qu’il fallait être, pour qui voulait faire produire et diffuser des films documentaires. La plupart du temps, la production et la diffusion n’étaient possibles que grâce à l’appui d’une chaîne de télévision. Les financements par les chaînes de télévision étaient prépondérants par rapport aux autres sources de financements (institutions, CNC, diffuseurs, etc.). Cela impliquait de créer dans le cadre de formats spécifiques qui soient adaptées au passage sur le petit écran.

Arrivés à Lussas, il a fallu s’organiser, créer des structures support pour soutenir le développement des documentaires d’auteur. L’aventure commença en 1979, avec la création de l’association Ardèche images. Au fil du temps, celle-ci grandit et fait des émules. D’autres associations et entreprises se constituent (voir encadré).

Composition du collectif des acteurs de Lussas

Activités portées par les associations :

  • Ardèche Images (1979) : le festival, le centre de ressources « La Maison du Doc », le centre de formation « L’École documentaire », programme de développement à l’international.
  • Doc Net Films (2002) : édition et distribution de DVD.
  • Histoire(s) de voir (2007) : organisation de projections grand public aux alentours de Lussas.
  • Film-documentaire.fr (2008) : gestion d’un portail internet.
  • Lumière du Monde (2011) : association de producteurs indépendants.
  • Doc Monde (2012) : formations et coproductions à l’international.
  • Village documentaire de Lussas (2012) : pour les projets communs de développement.

Activités portées par les entreprises (SARL) :

  • Ardèche Images Production (1983) ; Adalios (2004) ; Les films de la Caravane (2011) : production de films.
  • Andana Films (2003) : distribution de films.

Activités portées par la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) :

  • Tënk (2017) : plateforme de vidéo à la demande par abonnement (S-VOD).

Un lieu dédié à la formation est mis sur pied. L’École documentaire propose diverses formations à l’écriture, à la réalisation et à la production de films documentaires de création. Un Master 2 « Documentaire de création » a été élaboré en partenariat avec l’université Stendhal de Grenoble.

Les structures qui se sont créées et implantées à Lussas couvrent quasiment l’ensemble des métiers de la filière cinéma documentaire : formation, recherche et création, production, diffusion, préservation et archivage.

En partageant un nouvel espace commun, le collectif entend développer les coopérations et les mutualisations

Depuis cet été, le collectif a pris ses quartiers dans « L’imaginaïre », un vaste bâtiment construit dans le village de Lussas est un espace de 1500 m² répartis sur trois niveaux. Outre les locaux des structures de Lussas, il comporte neuf salles de montage, plusieurs studios pour le montage son, l’étalonnage et le mixage, des bureaux et des salles de formation. Il accueille aussi la « Maison du doc », le « Club du doc » d’Ardèche Images, et la SCIC Tënk.

La Maison du doc est un centre de ressources riche d’une base de données de 41 500 films documentaires, produits en Europe francophone et recensés depuis 25 ans. Elle est devenue pôle associé de la Bibliothèque nationale de France.

Le Club du doc est une vidéothèque coopérative permanente, qui réunit des professionnels du cinéma, de l’audiovisuel et des chercheurs. Les membres visionnent les films qui les intéressent parmi 17 000 films reçus depuis 1993 pour Les États généraux du film documentaire.

Tënk, récente plateforme de vidéo à la demande par abonnement, est une structure unique en France, dédiée à la diffusion de documentaires d’auteur. Grâce aux outils et supports des espaces de travail de l’imaginaïre, la SCIC pourra désormais faire de la production.

Avant leur installation dans ce bâtiment, les membres du collectif étaient dispersés dans le village. Le partage d’espaces communs concrétise la volonté de renforcer les coopérations existantes, de faciliter les mutualisations (de matériel, de compétences) et le développement de projets autour du documentaire d’auteur.

La reconnaissance du collectif comme un acteur du développement culturel et économique

Toutes ces années de réflexion et de projets, pour répondre aux besoins des acteurs de la filière, ont amené le collectif à prendre une place prépondérante dans le développement culturel et économique local.

À mesure que les associations et entreprises se sont créées, les collectivités locales (région Rhône-Alpes, département de l’Ardèche, commune de Lussas, communauté de communes de Berg et Coiron) s’y sont intéressées et ont apporté leur aide à plusieurs projets.

L’intérêt des partenaires institutionnels sera conforté par une étude (2014) sur l’impact économique des activités impulsées depuis le village. Les retombées économiques représentent près de 4,5 millions d’euros par an sur le pays de l’Ardèche Méridionale :

– impacts directs : les activités représentent 2,8 millions d’euros de budget et 38 emplois dans le village ;

– impacts indirects : les séjours (festivaliers, étudiants, formateurs, professionnels) génèrent près de 400 000 € de dépenses ;

– impacts induits : plus d’un million d’euros sur l’Ardèche méridionale, ainsi que retombées pour l’activité de techniciens audiovisuels et d’entreprises prestataires (informatique, imprimerie…) au niveau régional.

En 2015, le foisonnement de projets et d’activités avait abouti à la création de 40 emplois. Au total, le montant cumulé des budgets des associations et des entreprises avoisinait les 3 millions d’euros.

Quand coopérer et mutualiser devient une nécessité et une évidence

Malgré la constitution de structures diverses, ayant chacune ses propres objectifs et équipes, le portage collectif de moyens et de projets a toujours été souhaité par les équipes présentes à Lussas.

Ainsi, « l’association Village documentaire de Lussas » a été fondée en 2012 pour fédérer, accompagner, porter des projets communs de développement.

La croissance des structures (associations et entreprises) a généré des opportunités mais aussi des besoins nouveaux en termes de gestion des ressources humaines.

Les équipes des associations les plus récentes (en moyenne deux à trois salariés) sollicitaient régulièrement les membres expérimentés du collectif sur des questions de transfert de compétences, de savoir-faire ou de mise en commun de moyens. La nécessité de coopérer, de mutualiser des compétences et des ressources, devenait une évidence.

De plus, la plupart des associations de Lussas s’appuyant sur des postes créés avec des aides à l’emploi, la recherche de moyens pour pérenniser les postes était indispensable pour faire vivre les projets.

Ainsi, les membres des structures du village se sont souvent questionnés sur le mode de portage du collectif : coopérative d’activité et d’emplois (CAE), société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) ou groupement d’employeur (GE) ? Aucune de ces pistes ne sera finalement retenue, car jugée insuffisamment adaptée aux besoins, trop prématurée ou trop complexe à mettre en place dans le contexte de Lussas.

Au fil des années, il s’est avéré que la mise en œuvre d’une coopération inter-structures nécessitait de créer un poste de coordination du Village documentaire, et de mettre sur pieds une gouvernance adaptée aux réalités du collectif d’associations et d’entreprises.

Bien que plusieurs associations avaient déjà commencé à mettre en commun des moyens au sein du pôle documentaire (partage de locaux, mise à disposition de personnel, emplois partagés), les membres du collectif ont participé à des temps de réflexion conduits par une consultante spécialisée en ressources humaines, dans le cadre du Dispositif local d’accompagnement des associations (DLA). Leurs buts : renforcer les mutualisations de compétences, stabiliser des fonctions support telles que l’administration et la comptabilité, développer des fonctions de communication externe, de gestion et d’entretien du matériel.

Ces réflexions ont confirmé que le collectif était prêt à déployer de nouvelles modalités de partenariats tout en pointant notamment le besoin de partager un nouvel espace commun. C’est désormais chose faite.

Trente années d’actions, de réflexions et de structurations, ont abouti à l’existence d’un lieu culturel unique en France, singulier dans le paysage de l’ESS et incontournable pour qui s’intéresse au film documentaire.

Aline PEYRÈGNE (Opale)



Photographie de Une – Vue générale de Lussas (crédits : Gilles Perréal / Wikipédia)



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