AAFA – Les acteurs français en quête de reconnaissance

AAFA – Les acteurs français en quête de reconnaissance
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Les Actrices acteurs de France associés (AAFA) ont fêté en septembre dernier leur cinquième anniversaire. Forte d’une croissance ininterrompue et d’une stabilité toujours plus assurée, l’association se lance dans une aventure nouvelle : les États généraux de l’acteur, les 1er et 2 février prochains à Paris, entre les 31 janvier et 2 février à Toulouse, Nantes, Lille, Lyon et Marseille.

Le 7 septembre 2014, lors d’une rencontre du groupe 25 Images, association rassemblant des réalisateurs de films de fiction diffusés en exclusivité à la télévision, les acteurs font le constat que toutes les corporations ont leur instance de dialogue, à l’exception de la leur.

Une curieuse absence de représentativité

« Nous étions alors quelques mois après la réélection du président de France Télévisions, se souvient l’acteur Matheo Capelli. Le groupe avait eu l’intelligence de faire venir les corporations pour les interroger sur l’avenir des chaînes : les chefs opérateurs, la Guilde des scénaristes, le groupe 25 Images… Mais personne pour représenter les comédiens ! Ils ne savaient pas à qui s’adresser. »

Il n’en faut pas davantage pour qu’une quinzaine de personnes, dont Olivier Sitruk et Michel Scotto di Carlo, créent les Actrices acteurs de France associés (AAFA). L’association, qui revendique aujourd’hui plus de cinq cents membres, recouvre tout ce qui relève de l’artiste-interprète : voix, théâtre, cinéma, mime, cirque, radio, télévision…  « Il est important qu’une association rassemble toutes ces dimensions, poursuit Matheo Capelli, car il existe déjà des groupes plus spécialisés, comme l’association des voix-off pour les doublages. Nous voulions vraiment créer une association qui regroupe l’ensemble des artistes-interprètes. »

La comédienne Cécile Camp confirme cette vision unificatrice. Si les procédés de création ou de financements varient d’un art à l’autre, « la réalité pour un comédien est sensiblement la même. C’est pourquoi nous voulions une association professionnelle qui soit représentative du métier, nous permettant d’interroger notre place dans la société. »

Confiance en soi et désir professionnel

Autre constat : la solitude de l’acteur. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, nous sommes très seuls, explique l’actrice Estelle Simon. L’AAFA souhaite donc créer du lien entre nous. Beaucoup de comédiens sont en souffrance… L’AAFA veut leur permettre de retrouver non seulement une confiance en eux, mais également de l’envie pour leur métier. Il ne faut pas seulement susciter l’envie chez l’autre, mais développer notre désir propre. »

Une douzaine de commissions ont progressivement été mises en place, afin de favoriser les temps de rencontre et de travail en commun : “Agents & Castings”, “Jeunes et après”, “Parité – Égalité”, “Tunnel de la comédienne de 50 ans”, “Actoteures”, commission présente notamment au festival d’Avignon avec les Écrivains associés du théâtre (E.A.T.) ou encore “Lab’s”.

Autre commission : ‘‘Festivals & Images’’, dont font partie Céline Camp, Matheo Capelli et Estelle Simon. « Nous intervenons beaucoup lors de festivals, pour que la place de l’acteur soit toujours plus reconnue, insiste Céline Camp. S’il n’y a pas d’acteur, il n’y a aucun film. »

De l’humain avant toute chose

L’AAFA multiplie les temps de rencontre informels. La commission “Lab’s” permet ainsi aux acteurs de l’association de rencontrer un metteur en scène, un directeur de casting, un agent, un scénariste, etc., pendant quatre heures. « Cette rencontre est gratuite… c’est important, cette mission de gratuité dans notre métier, souligne Céline Camp. Ce que nous voulons, c’est ouvrir des espaces de travail, des échanges et des collaborations artistiquesPersonne n’a toutes les réponses. Il faut de la rencontre, de l’humain, de l’accompagnement… »

Cela passe notamment par la désacralisation des rôles, notamment ceux du « méchant directeur de casting » ou de « l’agent désinvolte ». « Dès la création de l’AAFA, nous avons organisé des rencontres entre des comédiens, des agents et des directeurs de casting, appuie Estelle Simon. Ce ne fut pas simple au départ, parce que les directeurs de casting sont extrêmement sollicités : il y a 40 000 comédiens aujourd’hui, pour bien moins de rôles. Ces rencontres et soirées informelles sont l’occasion de tisser des liens plus sereins, car il ne faut jamais oublier que notre métier, c’est certes du talent et du travail, mais avant tout de l’humain. »

C’est pourquoi l’association se défend d’être un syndicat, porteur de revendications précises. « Tout est ouvert dans notre association, confirme Céline Camp. Chacun peut faire des propositions, lancer des commissions. Nous voulons faire frémir les choses, en allant interroger et titiller les réalités existantes… » Sont davantage en jeu la revalorisation du métier, sa représentativité dans les instances officielles et le renforcement d’une appartenance à une corporation.

Réflexion sur la professionnalisation : une carte pro et des États généraux

Cette représentativité, bien qu’encore timide, commence néanmoins à payer, puisque Estelle Simon énonce de premières rencontres avec les chaînes ou encore le ministère de la Culture.

Quant à la revalorisation du métier, elle pourrait passer par une affirmation claire de sa professionnalisation, en distinguant plus nettement ce qui relève du métier et ce qui appartient aux pratiques amateurs. « Il y a de nombreuses associations de comédiens amateurs qui sont très bien, précise aussitôt Estelle Simon. Mais si l’on veut être pris au sérieux par les institutions, il faut être clair et précis sur ce que nous défendons. »

Une piste que l’AAFA explore est celle de la mise en place d’une carte professionnelle. « Mais c’est compliqué, admet Cécile Camp. Quels seraient en effet les critères pour définir un acteur comme professionnel ? Ces cartes existent déjà à l’étranger, mais pas en France. Voilà une belle réflexion à mener. » Matheo Capelli voit plus loin : « On pourrait imaginer à l’avenir, si cette carte existait, qu’un projet ne pourrait recevoir de subventions sans inclure un certain nombre de comédiens engagés à l’AAFA, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis avec le Syndicat Actor Guild (SAG-AFTRA). »

Les États généraux de l’acteur, qui auront lieu dans toute la France les 2 et 3 février 2020, participent de cette dynamique. Leur enjeu est notamment de repenser le métier, avec non seulement des acteurs, mais aussi des professionnels de toutes les disciplines possibles : sociologues, psychologues, politiques…

L’objectif à terme est de fédérer les acteurs et actrices aux quatre coins du pays, et non seulement à Paris. Pour rencontrer l’AAFA, voire y adhérer (par cooptation uniquement), il existe deux moyens : le biais numérique, avec le site internet et Facebook, et le conseil d’administration ouvert qui a lieu chaque premier lundi du mois dans le IXe arrondissement parisien… en attendant que des rencontres dans d’autres villes voient le jour.

Ce n’est qu’à ces conditions que l’AAFA remplira pleinement ses objectifs de revalorisation, de représentation et de réseau solidaire.

Pierre GELIN-MONASTIER

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Photographie de Une – De gauche à droite : Estelle Simon, Matheo Capelli et Cécile Camp
Crédits : Pierre Gelin-Monastier



 

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