Au Burkina Faso, le festival Les Récréâtrales ouvre grand ses portes aux artistes français

Au Burkina Faso, le festival Les Récréâtrales ouvre grand ses portes aux artistes français
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Devenu un événement phare de l’Afrique de l’Ouest, le festival de théâtre burkinabé Les Récréâtrales est moins connu des professionnels français. Il s’agit pourtant d’un lieu de travail et de rencontres artistiques majeur pour le théâtre francophone, offrant des opportunités précieuses pour les artistes : résidences de travail, soutien à la créativité, visibilité internationale… Un filon que Profession Spectacle a le plaisir de vous faire connaître.

D’après Valérie Baran, directrice de la scène internationale francophone Le Tarmac, ce festival est l’un des «  projets théâtraux actuels les plus intéressants et les plus intelligents menés en Afrique ». Conçu à l’origine pour offrir aux artistes de théâtre africains un espace de recherche, de formation mais également de diffusion en Afrique et en Europe, Les Récréâtrales est aujourd’hui un festival de plus en plus ouvert sur l’international. « Au début, j’étais la seule européenne, et puis j’en ai beaucoup parlé autour de moi. Aujourd’hui, on doit être une cinquantaine de professionnels qui viennent de l’ensemble du monde francophone (Canada, Belgique, Suisse, France, Allemagne…). On est de plus en plus nombreux ! C’est fantastique… », s’enthousiasme Valérie Baran.

Un festival qui veut « sortir de l’ombre »

Au mois de novembre, des appels à projets sont lancés. Des compagnies du monde entier peuvent proposer des projets de création. Pour chaque édition, un thème est proposé. Comme l’explique Étienne Minoungou, créateur du festival qui est aussi acteur et metteur en scène, ce thème n’est pas une contrainte de création, mais simplement « une manière de nommer notre histoire, de désirer quelque chose, de poser un regard sur le monde. Une accroche du monde, en quelque sorte ». Cette année, le thème qui nourrira l’imagination des artistes et du public s’intitule : « Sortir de l’ombre ».

Le festival privilégie l’écriture contemporaine, afin que l’auteur puisse être présent. « Les projets sélectionnés sont de vrais coups de cœur », explique Étienne Minoungou. En février, commence une phase de recherche pour les artistes en résidence (dite « La Quarantaine »). Pendant toute cette période, des ateliers d’écriture, de mise en scène, de scénographie, de jeu d’acteur sont mis en place pour aider à la maturation du projet. Au mois de juin se déroule la seconde session de résidences, dite « Côté cour », destinée à la scénographie. Les répétitions commencent dès la mi-septembre et donnent lieu à la plate-forme festival un mois plus tard ; elle aura lieu cette année du 29 octobre au 6 novembre 2016.

Tout le quartier participe à la vie du festival pour en faire un lieu de fête.

Tout le quartier participe à la vie du festival pour en faire un lieu de fête.

Un vivier autant artistique qu’économique et social

« Ce qui m’importe, c’est non seulement le résultat artistique formidable mais aussi l’impact économique, social et politique absolument colossal de ce festival », précise Valérie Baran. Le projet d’Étienne Minoungou est en effet des plus singuliers.

Implanté dans Gounghin Nord, quartier populaire d’Ouagadougou, l’événement se déroule au sein des cours familiales de Bougsemtenga. Au centre de chacune d’entre elles, artistes et habitants montent des gradins pour plus d’une centaine de personnes et installent des projecteurs au milieu des manguiers. Les maisons ordonnancées tout autour se transforment en loges ou en ateliers de fabrication de costumes. Le festival est aussi l’occasion de donner du travail aux acteurs locaux. « Un vivier économique » pour la population, explique Étienne Minoungou.

Valérie Baran se souvient de son expérience de spectatrice : « Pendant le festival, les mamans sortent les tréteaux, les casseroles, les marmites. On mange la banane plantain, le cochon grillé… C’est très joyeux ! Et puis, ce sont des revenus qui sont très importants pour les familles. Certains grands enfants sont formés aux métiers du spectacle, d’autres sont manutentionnaires, chargés de monter les décors dans les cours des gens… ».

Une participation de toute la communauté

« J’ai toujours pensé que le théâtre était un espace de débat social. Mais comment peut-il devenir et rester un espace de débat social, si vous le centralisez trop, jusqu’à en exclure finalement différentes composantes importantes de la société ? », se demande Étienne Minoungou. Le prix dérisoire du billet d’entrée aux Récréâtrales rend l’accès possible à tous depuis les 12 ans qu’existe la manifestation. Sans parler de l’ouverture d’une académie de théâtre ainsi que d’une académie de scénographes ! Autant de signes d’une vitalité qui ne faiblit pas.

La singularité et la force du festival Les Récréâtrales, c’est d’avoir été pensé par un opérateur de la société civile et non pas un État ou un ministère, possiblement corrompu. Aujourd’hui, à la vue du succès, l’État burkinabé semble s’intéresser au festival. Avec le changement de gouvernement, les choses pourraient s’ouvrir encore davantage.

Pauline MURRIS

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