Christian Charpenet : “Le magicien est un intermédiaire entre le spectateur et l’impossible”

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La magie est un art professionnel en plein bouleversement, porté par des institutions nationales et des clubs au fort rayonnement local. Exemple avec le Cercle magique nivernais qui est, avec l’Escargot magique à Dijon, l’un des deux seuls clubs de magie présents en Bourgogne-Franche-Comté, affilié à la Fédération française des artistes prestidigitateurs (FFAP).

Créé en 1997 par les magiciens Claude Gilson et Benoît Rosemont, le Cercle est aujourd’hui présidé par le Neversois Christian Charpenet, qui pratique la magie depuis quarante ans. Quels sont les projets portés par cette association et comment évolue cet art ?

La création d’une école de magie

L’association crée l’Atelier du Cercle magique en 2018, un cycle de formation ouvert aux jeunes de Nevers et de la région qui souhaitent devenir magiciens professionnels. « L’école est ouverte aux apprentis dès onze ans, explique Christian Charpenet. Le programme dure trois ans, afin d’apprendre les bases et de connaître les classiques et l’histoire de la magie. »

Le paradoxe pour ce petit club qui compte une douzaine d’adultes et sept jeunes inscrits, c’est de pouvoir s’ouvrir au public et d’attirer des apprentis magiciens, sans pour autant dévoiler les secrets de l’art magique. « Ce n’est pas comme une inscription à un club de foot, on n’a pas pour vocation d’accueillir tous les curieux qui veulent en connaître les trucs, confirme Christian Charpenet. Il nous faut des passionnés pour protéger l’activité. » Un minimum de connaissances est d’ailleurs requis pour réussir le concours d’entrée à la FFAP, auquel la formation de l’Atelier prépare.

Des arts annexes à l’art de la magie

Christian Charpenet (crédits : Morgane Macé / Profession Spectacle)

Christian Charpenet (crédits : Morgane Macé / Profession Spectacle)

Florent Daron, magicien professionnel, enseigne au sein de cette formation et intervient également lors d’ateliers pour les enfants avec l’association Magie à l’hôpital. Il a récemment obtenu le BIAM (brevet d’initiateur aux arts magiques), diplôme créé il y a un an par la Fédération, qui habilite à enseigner la magie aux enfants et aux adultes.

« La première session a eu lieu en janvier 2020, indique Florent Daron. C’est notamment par le biais du BIAM que l’art de la magie pourra être reconnu en tant que tel par le ministère de la Culture. » Plusieurs membres de la FFAP – Alban William, Serge Ordin, Pathy Bad et Pierre lbanèse – ont récemment été reçus au ministère pour présenter le brevet, en vue de le faire reconnaître et aboutir, à terme, à la reconnaissance du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Christian Charpenet confirme que cette reconnaissance est en cours. « Les magiciens ont un problème : ils sont classés dans les arts du cirque, sans être reconnus de manière autonome, nuance-t-il. La Fédération y travaille, pour qu’elle soit détachée du cirque et du théâtre, même si c’est un art théâtral avant tout. Il y a par exemple les ombres chinoises, la lumière noire ou encore l’ombromanie… On appelle ça les arts annexes, mais on aimerait que la magie et ces derniers soient reconnus de manière distincte. »

Les spectacles du Cercle

Les ateliers ont lieu à l’espace socioculturel de l’ESGO, qui appartient à la ville de Nevers et dont la capacité d’accueil est d’environ deux cent cinquante personnes. « On peut s’y réunir gratuitement et, en échange, on fait un spectacle pour eux, précise Christian Charpenet. Ça permet aux enfants et aux adultes du quartier de venir voir de la magie. » Et d’ajouter, amusé : « J’ai l’habitude de dire que la magie est réservée aux enfants et ce, quel que soit leur âge ! »

Le Cercle magique nivernais propose ainsi ses spectacles, auxquels les enfants participent, à différentes structures du territoire. « J’essaie de vendre des spectacles, qui coûtent entre 600 et 800 euros, dans les communes aux alentours, précise son président. Si la commune nous prête sa salle des fêtes, le spectacle ne coûte rien et nous gardons les recettes de la billetterie. »

L’année 2020 fut catastrophique pour les magiciens, comme pour tout le spectre du spectacle vivant, et tout particulièrement lors des fêtes de Noël, période pendant laquelle les spectacles de magie sont le plus demandés.

Des liens de plus en plus renforcés

Mais le Cercle magique nivernais reste à l’œuvre et multiplie les liens avec les différentes instances de la magie. Le club prévoit par exemple de faire venir l’équipe de France de magie en mai prochain. « L’équipe sera en résidence au théâtre municipal de Nevers et donnera un spectacle. On essaiera alors d’organiser plusieurs événements et de faire venir les écoles l’après-midi. »

À moins de deux cents kilomètres de Nevers existe également la Maison de la Magie, à Blois, avec son musée, où le Centre international de la prestidigitation et de l’illusion (CIPI) organise des classes de maîtres, ouvertes aux amateurs et aux professionnels. La Fédération souhaite par ailleurs créer plus de lien entre clubs et amicales : « Il y a une équipe de jeunes très positive au sein de celle-ci qui projette de créer la fête de la magie un peu sur le modèle de la fête de la musique et d’en rénover l’image. »

Enfin, un congrès est organisé annuellement pour sélectionner le ou la championne de France. « J’étais membre du jury lors du dernier en 2019… Notre championne, Léa Kyle, a fait l’unanimité, se souvient-il. Elle a réinventé le transformisme, le changement de costume rapide. C’est assez fantastique ! »

Un art de l’émotion et de la manipulation

L’art de la magie ne se réduit pas à confronter le public à une énigme. « Tout le monde a envie de connaître les secrets d’un tour de magie, mais un spectacle doit permettre de dépasser ce premier niveau, insiste-t-il. On doit pouvoir se laisser emmener. C’est ce que le magicien espagnol Juan Tamariz appelle l’arc-en-ciel magique. »

Quelle que soit la forme de magie pratiquée – close-up, prestidigitation, grande illusion… –, ce qui fait un beau spectacle est sa capacité à susciter de l’émotion. « Le magicien est un intermédiaire entre un spectateur et l’impossible. Ce n’est pas seulement montrer une énigme mais faire passer de l’émotion. »

Mais la magie est aussi un art psychologique. « La magie, c’est de la manipulation, reconnaît Christian Charpenet. On fait d’ailleurs le serment, en entrant à la Fédération, de ne pas en user à des fins mercantiles. Certes, il y a des trucs, mais on va aussi jouer sur les réflexes neurologiques. Nous recevons deux millions d’informations par secondes et en traitons cinq à neuf par seconde. Ça donne des possibilités immenses à la magie. Les spectateurs vont voir des choses, ne pas les analyser et les oublier, tandis qu’à l’inverse, ils vont créer des souvenirs de choses qui n’ont pas existé. »

Ancré en Bourgogne-Franche-Comté, le Cercle magique nivernais s’inscrit ainsi dans un réseau de professionnels important, au service d’un art en constante évolution, notamment avec les techniques numériques, et à l’image de plus en plus moderne.

Morgane MACÉ

Correspondante Bourgogne-Franche-Comté

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En savoir plus : Cercle magique nivernais

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Photographie à la Une : Cercle magique nivernais
Crédits Sylvie et Hervé Jougnot



 

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