Coronavirus : les diffuseurs de théâtre oscillent entre optimisme et crainte de la disparition des plus fragiles

Coronavirus : les diffuseurs de théâtre oscillent entre optimisme et crainte de la disparition des plus fragiles
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Au même titre que les attachés de presse, les diffuseurs dépendent des compagnies et des représentations pour exister. Si les mieux établis comptent tenir grâce à leur ancienneté et leurs réseaux, ce sont les petits diffuseurs qui pourraient souffrir le plus de la crise.

Parmi les victimes de l’impact du coronavirus dans le monde du spectacle, les diffuseurs font partie des moins visibles. La fermeture des salles a mis la profession à l’arrêt ; les indépendants qui la composent se posent évidemment de nombreuses questions sur leur avenir. « Nous avions vendu des dates de mars à juin, commente Mathilde Mottier, qui travaille au sein de la structure Mise en Lumière. Nous avons réussi à les reporter à l’automne 2020 et à début 2021 car nous avons de bonnes relations avec les programmateurs, qui ont été compréhensifs, mais on ne sait même pas si ce sera maintenu. Et avec l’annulation du festival d’Avignon, c’est près de 80 % du chiffre d’affaires qui est remis en cause. »

Travail au long cours

Les difficultés rencontrées viennent aussi de la nature du métier, qui nécessite un travail au long cours. Les annulations dues au confinement ont ainsi bouleversé un travail effectué sur plusieurs mois. « Nous travaillons de la naissance du spectacle à sa diffusion si bien que les premières préparations ont lieu deux, trois ans auparavant, poursuit-elle. Les dates vendues, parfois un à un an et demi en avance, sont le fruit de tout ce travail. »

En conséquence, les aides proposées par le gouvernement ne sont pas toujours adaptées. « On nous demande les chiffres d’affaires de mars 2019 et 2020, mais cela se calcule sur l’année, précise Mathilde Mottier. Il y a des mois très forts et des mois où il ne se passe rien. »

Pour Hélène Chapoulet, indépendante elle aussi, les difficultés sont liées au fait qu’elle a rejoint le métier il y a trois ans seulement. « Je gagnais peu, donc je ne rentrais dans aucune case pour recevoir une aide, explique-t-elle. C’est une profession assez précaire, assez ingrate aussi. Certains d’entre nous sont salariés d’une compagnie, d’autres sont intermittents et touchent des cachets, mais je n’ai pas voulu choisir ce statut. »

En revanche, la structure Derviche diffusion, qui compte trois professionnels, a pu mettre en place ce qui était offert par le gouvernement pour survivre. « Nous avons eu recours au prêt entreprise et nous avons réduit nos frais fixes, détaille Tina Wolters, diffuseuse au sein de la structures. Nous avons la chance d’être solide et d’avoir un bon réseau grâce à notre ancienneté. Nous aurons de quoi tenir et l’énergie pour nous réinventer. »

Bénéfice de la mutualisation

Même si tout le secteur passe par des hauts et des bas, Tina Wolters veut voir l’aspect positif que cette crise peut apporter au métier. « Nous apprenons à porter un autre regard et à mettre en place des solidarités, raconte-t-elle. La mutualisation est vraiment bénéfique. Si un jour quelqu’un n’est pas bien, les autres auront la pêche pour lui remonter le moral. Le confinement a été difficile, mais ce fut également une période riche. On a continué de travailler. C’est le moment d’essayer plein de choses, comme envoyer des captations aux programmateurs ou même des livrets papier à domicile. Il faut continuer de nourrir leur imaginaire… On part du principe qu’ils devront bâtir des saisons à un moment ou à un autre. »

La fondatrice de Derviche diffusion réfléchit même à proposer ses spectacles dans de nouveaux lieux : les entreprises, la rue, les écoles ou les communes rurales. « Les gens ont été calfeutrés chez eux, ils ont besoin de recréer du lien social », assure-t-elle. Ces réflexions s’établissent avec les compagnies, le but étant de proposer des spectacles différents du travail qui était en cours.

Vide juridique

Malgré son optimisme, Tina Wolters doute néanmoins qu’une vraie reprise puisse avoir lieu avant janvier 2021. Mathilde Mottier estime d’ailleurs que la situation est encore plus paralysée par l’absence de finalisation des élections de mars. « Les programmateurs dépendent de leur municipalité et les contrats de la signature des maires, rappelle-t-elle judicieusement. Or, certains d’entre eux ne sont pas encore en place et ceux qui font l’intérim ne peuvent pas signer. Nous sommes face à un vide juridique. »

Si la reprise devait se faire attendre trop longtemps, la crainte pour certains diffuseurs serait que les petits de la profession disparaissent. « Toutes les résidences futures ayant été arrêtées, nous tenons aujourd’hui sur nos propres deniers, indique Mathilde Mottier. Je réfléchis à autre chose… J’ai une expérience de comédienne ; j’ai également relancé mes réseaux pour du travail de voix-off, mais je suis un cas particulier. Il y a plein de diffuseurs qui ne font que ce métier. »

Chloé GOUDENHOOFT

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