Estelle Fenzy et ses minutes bleues dans l’obscurité de l’aube

Estelle Fenzy et ses minutes bleues dans l’obscurité de l’aube
Publicité

Dans un doux recueil, publié par La Part commune, la poète nous invite à chérir l’instant précieux qui sépare la nuit de l’aurore : elle nous y introduit par ses poèmes, courts et d’une évidente simplicité, qui convoquent les peurs et les aspirations, les blessures et les attentes de son cœur humain.

« L’aube attendra
La nuit est trop belle
pour partir
 »

Pendant toute une année, Estelle Fenzy a suspendu ses poèmes au lever du jour, ce moment où la nuit n’a pas encore offert son dernier souffle à la lumière indécise. Elle a consigné fidèlement, quotidiennement, les impressions faites mots, laissées par l’obscurité et ses spectres ou suscitées par l’illumination à venir.

« Nuit silencieuse
Aube déserte
Je suis la seule à m’attendre
 »

Nuit, aube et poème forment un triptyque indissociable, de même que la page nous offre systématiquement trois courts poèmes, séparés par trois astérisques. Un rythme ternaire continu, donnant un relief à la voix qui prononce chaque parole dans le silence de cette heure fragile – qu’Ingmar Bergman appelait « l’heure du loup » – où tout meurt et tout renaît. Le poème, né de la nuit, est enfanté par l’aube, « espace sans nom / dans le ciel qui hésite ». Il est un interstice entre l’essence et l’existence, ce qui est contenu et ce qui est exprimé ; il est un point d’émergence, de jaillissement.

« Je suis celle
qui désire le jour
et aspire à la nuit

Les ailes désaccordées
d’un même oiseau
 »

Les poèmes sont d’une grande simplicité, comme l’épuration jusqu’à l’évidence des manques et désirs contenus dans le cœur de l’homme – ici, d’une femme. S’il n’est finalement pas de plus grande vérité qu’une lapalissade, le poème parvient à trouver son point de parfaite authenticité par cette parole passée, à travers les ombres, au fer brûlant de la nuit.

« Je suis
la lumière instinctive
le sens de la nuit

La tentation de l’aube »

On regrette parfois cet enchaînement de (trop) courts textes, qui mériteraient que nous puissions nous y installer un peu, y habiter comme un refuge, mais l’on y retrouve dans le même temps ce sentiment éprouvé à la vue de la rosée, ces fines gouttelettes aussitôt évaporées dès lors qu’elles sont captées par le regard du jour. La pulsation vitale ne supporte aucune emprise définitive. Et ces poèmes épars forment dans leur ensemble une habitation durable, dans laquelle nous pouvons voyager, de pièce en pièce, au gré de nos envies.

« Bientôt l’aube et j’entends
la grande armée des ombres
cauchemars insomnies
se lever doucement

pour abattre la nuit »

Pierre GELIN-MONASTIER

.
Estelle Fenzy, La Minute bleue de l’aube, La Part commune, 2019, 122 p., 13 €

.



Soutenez-nous gratuitement
Abonnez-vous à notre chaîne YouTube.

Merci !



.

 

 

Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *