Petit éloge de « L’Imparfait » réussi pour Olivier Balazuc

Petit éloge de « L’Imparfait » réussi pour Olivier Balazuc
Publicité

Si Olivier Balazuc a commencé sa carrière avec Olivier Py, travaillant avec l’actuel directeur artistique du festival d’Avignon comme comédien et assistant à la mise en scène pendant plusieurs années, il s’intéresse également depuis longtemps au jeune public.  Sa dernière pièce, (très) lointainement inspirée de Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac (1929), vient d’être créée à la Chapelle des Pénitents blancs, pour le festival. Une proposition artistique riche et équilibrée.

Nous voici au début du conte : le décor est là, d’un jaune éclatant, représentant une maison avec une plante verte, une table parfaitement symétrique au mur, trois chaises, un tapis bien aligné et une plante verte. Noir. Une petite musique commence, tandis que la lumière éclaire désormais un jeune comédien : « Il était une fois… » Dans ce royaume familial, il y a Maman Ier (Valérie Keruzoré), Papa Ier (Laurent Joly) et le jeune prince Victor (Martin Sève). Tout est parfaitement parfait.

Émergence du « je »

Victor fait de jolis dessins (projetés sur le mur), ne dépasse jamais, se lave correctement les mains, salue respectueusement la voisine (Cyril Anrep)… l’enfant parfait de parents parfaits. Mais d’où vient cette perfection énoncée, ressassée par ses parents ? Ce premier questionnement ouvre à la fébrilité, au doute, à l’émergence d’un « je » qui prend enfin ses distances avec ses parents.

« Dites-moi Papamaman, comment c’était avant moi ? Je veux dire. Ça ne pouvait pas être tout à fait parfait puisque je n’y étais pas et même avant quand vous ne vous connaissiez pas est-ce que vous avez tout de suite vu que vous étiez parfaits et d’ailleurs même comment ça aurait pu être parfait puisque ce qui est vraiment parfait c’est Papamamanvictor ? Je veux dire. »

Les parents expliquent leur rencontre, sur un site dédié, que Victor envisage comme un vaste supermarché où l’on fait ses courses amoureuses. Le doute s’accroît ; Victor dessine un gros chien plein de poils et dépasse. Le désarroi de ses parents, auquel l’enfant fait face, laisse progressivement place à un désespoir, jusqu’à les pousser à faire appel à une entreprise technologique pour obtenir un deuxième Victor – Victor II – un enfant-robot qui servirait de modèle (Thomas Jubert). De péripétie en péripétie, Victor I est relégué au placard, avant que ses parents ne se lassent d’une perfection froide, hygiénique et automatique.

Triple langage : symbole, narration et théorie

Olivier Balazuc joue avec finesse sur les différentes formes de langage : le symbolique, le narratif et le théorique s’articulent harmonieusement pour s’adresser à des publics d’âges différents. Le programme mentionne « à partir de sept ans » ; une fois n’est pas coutume, nous oserions le recommander à des spectateurs de cinq ou six ans. Deux d’entre eux, questionnés à l’issue du spectacle, ont su m’expliquer le sujet de la pièce. Si de nombreux détails leur échappent évidemment, Olivier Balazuc trouve son équilibre entre l’humour, le langage imagé et une langue davantage destinée aux adultes.

L’écrivain et metteur en scène propose une analyse fine sur la distanciation de l’enfant par rapport aux parents, qui lui permet de construire librement son identité propre. La perception d’un corps propre, singulier, et d’un « soi » différent de celui des parents est une étape majeure dans le processus de croissance de l’enfant – sous peine de voir celui entrer dans une forme de violence ou de léthargie.

Olivier Balazuc traite la question avec humour, en se moquant avec légèreté des adultes : sa description des adultes est suffisamment caricaturale pour que les enfants ne soient pas confrontés à conflit de loyauté entre ce que la pièce dit et ce qu’ils vivent.

L’obsession de la perfection : « l’enfant-matière »

En revanche, l’artiste n’hésite pas à dénoncer une certaine forme d’eugénisme contemporain, qui vise au tri des enfants en fonction de leur capacité à répondre à des exigences chimériques des parents. Une telle critique n’est pas sans nous faire penser au texte écrit par Larry Tremblay, qui a déjà fait l’objet d’une mise en scène théâtrale : L’obsession de la perfection / L’enfant-matière.

L’enfant-matière ou enfant robotisé, aux multiples options « parfaites », serait la fin de la brisure, de la blessure, du conflit, de la joie, de la rencontre… tout ce qui fonde la dynamique d’une vie heureusement imparfaite.

Pierre GELIN-MONASTIER

L’Imparfait de Olivier Balazuc est publié dans la collection Heyoka Jeunesse, Actes-Sud-Papiers, mars 2016

 



DISTRIBUTION

Texte et mise en scène : Olivier Balazuc

Avec Cyril Anrep, Laurent Joly, Thomas Jubert, Valérie Keruzoré, Martin Sève

Scénographie et costumes : Bruno de Lavenère

Lumière : Laurent Castaingt

Vidéo : Étienne Guiol

Crédits de toutes les photographies : Christophe Raynaud de Lage

Informations pratiques

  • Public : à partir de 5-6 ans
  • Durée : 1h10


OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Tournée

Spectacle créé le 22 juillet 2017 au festival d’Avignon.

  • 10-11 janvier 2018, Le Moulin du Roc Scène nationale à Niort
  • 16-18 janvier, La Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national
  • 23 janvier, Théâtre du Vésinet
  • 25 janvier, Théâtre Alexandre-Dumas, Saint-Germain-en-Laye
  • du 30 janvier au 3 février, Théâtre de Sartrouville et des Yvelines Centre dramatique national
  • 9-10 février, La Lanterne Pôle culturel de Rambouillet
  • 13-14 février, La Nacelle, Aubergenville
  • 22-24 février, Le Grand Bleu, Lille
  • 16-17 mars, La Ferme de Bel Ébat, Théâtre de Guyancourt



Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *