Fêtes votives et orchestres de bal : à situation désastreuse, débat possible ?

Fêtes votives et orchestres de bal : à situation désastreuse, débat possible ?
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Dans la première partie de notre enquête, publiée hier sur Profession Spectacle, nous nous sommes fait l’écho des dangers qui menacent, selon certains artistes, les orchestres de bal au sein des fêtes votives de l’Hérault. La situation étant désastreuse, y a-t-il un débat possible ? Telle est l’épineuse question de ce second volet.

Enquête sur l’avenir des fêtes votives et des orchestres de bal dans l’Hérault (2/2)


À la relecture de cet article, le président du SNACOPVA Serge Navarro a corrigé la quasi totalité de ses propos (malgré un enregistrement de la conversation initiale). Après une première série de corrections, il nous a de nouveau intimé l’ordre de procéder à des ajouts au cœur de l’article, sous peine de refuser toute publication. Notre objectif étant de présenter les logiques qui opposent les deux parties dans ce conflit, nous avons accepté de retranscrire, dans un souci d’apaisement et de dialogue, toutes les corrections demandées ; nous les avons seulement indiquées explicitement (« ⇒ »), par souci de justice pour la partie adverse – qui n’a imposé aucune modification* – et pour le travail de notre journaliste.


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Un statut cadre pour le chef d’orchestre ?

« Nous ne sommes plus qu’une minorité à faire le métier dans les règles de l’art en déclarant nos musiciens, alors qu’il se trouve une trentaine d’orchestres en France, affirme Pascal Douzet, qui nous assure que n’importe qui peut se prétendre chef d’orchestre en France. Le reste fait n’importe quoi en se faisant payer 4 500 €, charges et cotisations incluses pour un orchestre de 25 personnes. C’est intenable. Cela devrait coûter 10 000 €. Certains magouillent avec le statut d’intermittent pour permettre aux musiciens de déclarer 43 dates dans l’année et ces derniers ferment leur gueule. Des gens travaillent à perte, alors que c’est interdit. » Il estime que personne ne met son nez là-dedans, alors que Pôle Emploi, l’Urssaf, les impôts devraient y regarder.

Il faut donc valoriser le métier pour le sauver.

Étant donné que le mandataire, soit le chef d’orchestre, est reconnu de jure (cf. l’arrêt de la cour de cassation du 4 décembre 2013 qui pourrait faire jurisprudence) comme employeur des autres musiciens, il faut que cela apparaisse dans son statut. Les chefs d’orchestre demandent donc une certification et un statut de cadre sous contrôle de la DRAC. C’est ce qu’ils aimeraient que leur syndicat les aide à défendre. Christophe Alméras regrette que le SNACOPVA ne les y aide pas. Au motif que les chefs d’orchestre perdraient ainsi leur statut de salarié, le syndicat refuse d’en discuter. Pour éviter de changer le modèle, il distille des conseils, « des rustines d’optimisation comptable ». Les chefs d’orchestre qui tentent de faire changer les choses regrettent ainsi que le syndicat censé les représenter ne participe pas aux réunions préfectorales et qu’il n’ait aucun délégué départemental dans l’Hérault ou le Gard.

L’objectif serait de parvenir, avec l’aide du syndicat et des employeurs occasionnels de spectacles qui sont inscrits au Guso, à un abattement de 50 % des cotisations sociales collectées par le Guso, pour les chefs d’orchestre certifiés. Ce, dans le but d’encourager le métier à se réguler et de venir en aide aux organisateurs occasionnels bénévoles dont les subventions diminuent. Car sans orchestres, les fêtes perdraient leur âme populaire.

La certification permettrait également au chef d’orchestre de proposer deux formules : une formule réduite, pour un coût de 5 000 € et une formule complète pour un coût de 10 000 € sous deux noms d’orchestres différents, puisque c’est le chef d’orchestre qui serait certifié. Le GIP Cafés Cultures, qui est financé par les collectivités territoriales, ne pourrait-il pas être étendu aux orchestres de bal, ce qui permettrait même de parvenir à une prise en charge de 65 % de la masse salariale minimum de leur convention collective (annexe 6) par ce fonds d’aide, incitant les mandataires à déclarer tous leurs musiciens ? Cela serait logique, étant donné que ce fonds d’aide bénéficie aux enseignes privées quand elles embauchent des groupes de musique. Cela semblerait d’autant plus logique qu’il soit mis au profit des associations à but non lucratif quand elles organisent des fêtes. Pour l’heure, un orchestre de bal ne coûte que la somme des salaires minimums.


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Qu’en dit le syndicat ?

Serge Navarro, président du SNACOPVA, dit être conscient que la situation est actuellement difficile pour les orchestres de bal, mais estime que les solutions que certains préconisent sont utopiques. « Nous avons étudié leurs requêtes et leur avons répondu. Je suis d’accord avec eux sur le fond du propos, sur le constat, pas sur leurs arguments. » Pourtant, les personnes que nous avons interrogées disent qu’elles n’ont pas reçu de réponse et que rien n’a changé.

Il s’explique : « Nous défendons le bien du salarié avant tout et pas seulement les chefs d’orchestre. Les chefs des grands orchestres de bal font souvent un amalgame, ils se prennent pour des patrons alors qu’ils sont artistes mandataires salariés. La seule solution, pour eux, c’est de devenir officiellement patrons. »

Et le statut de cadre, qu’en pense-t-il ? Il estime que le SNACOPVA, dépendant de la CFE-CGC « a tenté il y a bien longtemps d’obtenir le statut cadre aux responsables d’orchestres de bal. Nos arguments tentaient de démontrer la fonction de cadre au regard des responsabilités qu’exerce l’artiste mandataire salarié (comme dans toute entreprise) entre l’employeur (les organisateurs de spectacles : productions, comité des fêtes, associations diverses…) et les collègues artistes salariés. À cette demande, les partenaires sociaux (salariés et patrons) ont rétorqué qu’il n’y avait que deux possibilités légales : être patron (responsabilité de l’équipe artistique et technique, achat possible de matériel en tant que prestataire, récupération de TVA…) ou artiste salarié mandataire, ce qui réduit grandement le champ d’action. »

[⇒ Ajout imposé : « Il n’est par sa fonction que le lien désigné par ses confrères pour la relation avec l’employeur (signature d’un contrat collectif après aval de ses confrères artistes nommant le responsable d’orchestre par mandat). Il est le “garant” de la bonne collecte des informations sociales de tous les artistes (lui compris) pour que l’employeur puisse établir toutes les déclarations… »]

Il estime par ailleurs que « demander le “statut cadre” [irait] à l’encontre du désir [de ces personnes] de faire “baisser les cotisations sociales” ». Car, « l’employeur d’un cadre a plus de cotisations sociales ». Justement, il serait question d’un abattement de charges. « Oui, mais celui-ci se ferait au détriment des droits des salariés que nous défendons. »

Et l’idée de proposer un abattement des cotisations sociales par le biais du GIP Cafés Cultures ? « Les partenaires sociaux ne sont pas d’accord, cela aurait un impact sur les droits sociaux. Si moins de charges sont payées, cela fait moins d’argent dans les caisses de l’État, donc moins d’aides en cas d’arrêt maladie, etc. »

Alors, on aiderait les commerces, cafés, restaurants… quand ils embauchent des musiciens, on leur rembourserait une partie de ce que cela leur coûte mais pas aux bénévoles qui organisent des fêtes votives, des bals populaires ? « Oui, les patrons de café ont obtenu, par le biais de leurs syndicats, des aides mais pas les occasionnels. Ceux-ci, en se regroupant et en se fédérant, ont réussi à bénéficier d’abattements Sacem et autres, et nous sommes attentifs à leurs besoins, c’est pourquoi nous venons de rencontrer le président national de la FCF (Fédération des Festivals, Carnavals et Festivités). C’est en étant partenaires que nous aiderons nos employeurs occasionnels ! »

Nous demandons des états généraux !

Le président du SNACOPVA pointe du doigt l’inaction de l’État et regrette que celui-ci laisse mourir la musique vivante, les orchestres. Il se dit conscient du fait que beaucoup fraudent et ne respectent pas la loi, mais que c’est à l’État qu’incombe cette mission de contrôle. « Nous avons envoyé des recommandés dans 63 Direccte, seule celle de Toulouse nous a répondu et cela bouge en Haute-Garonne. » Il poursuit : « Il faut que l’État prenne position pour sauvegarder les fêtes votives et la culture française ! La culture est sur une pente glissante c’est un appel à l’aide qui est poussé ! Si les fêtes populaires se réduisent à aller se bourrer la gueule à Bayonne, cela ne vaut pas le coup. N’est-ce pas la fin des orchestres de bal ? »

En réalité, ce qu’il reproche aux mandataires des grands orchestres, c’est d’avoir quelque peu dévoyé le métier en débarquant avec une grosse armada de musiciens, de techniciens et de matériel.

[⇒ Ajout imposé : « En effet, le bal est fait pour danser (que ce soit des musiques de variété ou autres tels que défini à l’annexe bal de la convention collective IDCC 30.90) et le concert que donnent certains orchestres n’est plus classable dans la catégorie “bal”. »]

Il estime que ces gens-là devraient se fédérer et probablement changer de statut, passer en SARL, SA, SAS, par exemple et être eux-mêmes producteurs (adhérent PRODISS, SNES…). « C’est impossible, nous dit l’un d’eux. Impossible de se salarier et d’être producteur pour un comité des fêtes. Le SNACOPVA représente les accordéonistes, pas les gros orchestres. Dès lors qu’il n’y a pas de partie technique, on peut gagner sa vie en jouant dans les bals. Ce que nous demandons, c’est que soit prise en compte la location du matériel technique ! »

[⇒ Ajout imposé : « Le SNACOPVA répond que certains mandataires sont, contrairement aux allégations de ce groupe, à la tête de gros orchestres de bal : Gil St Laurent, Klein, Oasis, Malaga, Jean Ribul, Stéphane Courtot Renoux, Welcome Orchestra, Paris Select (pour les orchestres spécialisés dans l’événementiel), etc. L’arrêt de cassation qui a requalifié un mandataire comme employeur est un exemple ; je vous rappelle en contre-exemple que le SNACOPVA a récemment défendu un adhérent mandataire et que nous avons eu gain de cause devant les prud’hommes de Toulouse début 2018 ! Le tout est de rester dans les clous et ne pas outrepasser ses fonctions… »]

Nous demandons des états généraux !

Finalement, s’il y a un point sur lequel les uns et les autres trouvent à accorder leurs violons, c’est qu’ils ne sont d’accord sur rien, ou à peu près. Le SNACOPVA semble pousser ces « gros » qui font du bruit à aller se chercher un autre syndicat pour les représenter. Mais ceux-ci estiment qu’ils n’en ont pas les moyens. « Nous sommes obligés d’utiliser les contrats SNACOPVA ! » Alors, ce qu’ils demandent, ce sont des états généraux, afin que tout le monde puisse s’asseoir à une table et discuter, ce qui est pour l’instant impossible, les uns disant qu’on ne veut pas les recevoir, les autres qu’on les insulte, ce qui fait probablement les affaires des politiques qui, pendant ce temps, n’ont pas à se préoccuper des problèmes.

Et c’est la culture populaire qui s’éteint petit à petit. Pourtant, de chaque côté on dit se battre pour la sauver. Une source proche du dossier nous dit même que Patrick Vignal, député LREM de l’Hérault, attend que le SNACOPVA le contacte pour faire remonter le dossier au ministère. Alors, chiche, on s’y met ?

Matthieu de GUILLEBON

NB : Le but de notre enquête n’est évidemment pas de soutenir une partie contre une autre, mais de présenter du mieux possible un conflit, avec les logiques qui s’opposent. C’est pourquoi chacune a eu un droit de relecture sur ses propos.



Photographie de Une – Fête du village de Fau-de-Peyre, en Lozère



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