Fulvio Bernasconi : « J’ai une attirance pour les conflits très physiques »

Fulvio Bernasconi  : « J’ai une attirance pour les conflits très physiques »
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Révélé avec Fuori dalle corde (prix du meilleur acteur à Locarno en 2007), le réalisateur suisse Fulvio Bernasconi alterne travail pour la télévision et pour le cinéma, y compris quelques incursions dans le documentaire. Le voilà de retour au grand écran avec son second long métrage de fiction, Miséricorde, un film tourné au Canada avec le Belge Jonathan Zaccaï dans le rôle principal.

[Cineuropa]

Comment est né Miséricorde et qu’est-ce qui vous attirait dans cette histoire ?

Cela a été un long processus. Pierre Pascal Rossi, un journaliste et scénariste suisse qui avait passé beaucoup de temps au Québec a écrit un traitement qu’il a présenté à Jean-Marc Frohle de Point Prod qui m’a proposé le film. Mais les problèmes de santé de Pierre Pascal (ndr: décédé en septembre dernier) ont mis le projet en stand-by avant que Antoine Jaccoud ne réécrive le scénario auquel j’ai un peu participé. Ce qui me plaisait ? J’aime les thèmes durs, les choses extrêmes pour l’être humain. J’étais fasciné par la confrontation entre le personnage principal et ce paysage du nord du Canada. Et le thème que nous avons développé autour du pardon, de la justice, m’intéresse beaucoup.

Le film touche à beaucoup de genres différents : road movie, drame psychologique, thriller. Vous le qualifiez même de « western contemporain ».

À la base du projet, il y avait cette idée de fuite vers le nord, donc c’était naturellement un road movie. En même temps, les sujets traités et la nature des personnages relèvent du drame psychologique. Je parle de western parce qu’il y a des éléments qui sont des thèmes typiques du genre: le voyage du héros dans une nature un peu agressive, la quête de la justice. Et pour un Européen, peut-être un peu de manière naïve, aller au Canada, se confronter à ce paysage et faire un film avec des natifs américains (ndr. les Indiens), cela évoquait chez moi aussi l’idée du western.

Pourquoi ce choix du background de la question indienne ?

Nous avons essayé d’étendre le film sur le pardon et la justice. En étant là-bas, cela nous a semblé assez naturel d’intégrer la communauté autochtone parce que cela nous donnait la possibilité de décliner le thème d’une autre manière. Ces Indiens Algonquins, les Anishnabe du Lac Simon, on a du pardon à leur donner et eux, ils ont peut-être du pardon à accepter ou à digérer. Il me semble il y a de la justice qui doit être rétablie. C’est un sujet encore très sensible au Québec. C’est une communauté pauvre et le contexte est lourd et triste. D’ailleurs, juste après le tournage, elle a fait tristement l’actualité avec des révoltes contre la police, des morts… Mais nous avons été très bien accueillis, ils nous ont ouvert les portes, et on les a fait travailler comme figurants avec même la « chaman » de la communauté qui joue son propre rôle dans le film.

Quelles étaient vos intentions sur le plan visuel avec ces grands espaces qui sont un véritable protagoniste de votre film où le personnage principal, tout en menant une traque, fuit lui-même quelque chose ?

Exactement. Il y a une quête, une traque, on poursuit le coupable, ce camion noir qui a quand même tué un enfant. Mais en même temps, celui qui poursuit est aussi en fuite : il fuit ses propres démons, ses propres responsabilités, ses propres possibilités de se pardonner. Pour visualiser ce chemin, ces paysages qui sont tellement énormes à nos yeux d’Européens, cela me semblait idéal. Cela permettait de visualiser la difficulté, la rudesse du voyage physique et psychologique. On a aussi cherché un Canada un peu éloigné de la carte postale, en particulier la région très dure des mines au nord, qui incarnait l’esprit du film.

Votre film fait penser au cinéma indépendant américain à la Frozen River par exemple, ce qui est assez rare dans le cinéma européen.

Mon précédent film, Fuori dalle corde, c’était sur les combats de boxe, donc il est clair que j’ai une attirance pour les conflits très physiques et pour ce genre de narration typique d’un cinéma américain. Les films comme Frozen River, ce sont un peu des modèles pour moi.

Travaillez-vous déjà sur un nouveau projet ?

Je vais commencer à tourner le 30 janvier une série intitulée Quartier des banques, sur la fin du secret bancaire en Suisse.

Propos recueillis par Fabien LEMERCIER

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