Interview. Matteo Garrone et son film « Dogman » : bonté, cruauté et torture

Interview. Matteo Garrone et son film « Dogman » : bonté, cruauté et torture
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Si le réalisateur italien Matteo Garrone n’a pas remporté la Palme d’or avec Dogman cette année, malgré une quatrième tentative, le film a fait sensation en raison de la performance de son acteur principal, Marcello Fonte. Le comédien a en effet obtenu le prix d’interprétation masculine lors du dernier festival de Cannes. Le film est sorti mercredi dernier en salles.

Avec Dogman, le réalisateur revient sur l’un des crimes les plus choquants commis en Italie : en 1988, un toiletteur pour chiens, Pietro De Negri, torture et assassine sous l’effet de la cocaïne Giancarlo Ricci, un ancien boxeur devenu chef de gang. terrorise son quartier.

Synopsis – Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce…

Entretien Cineuropa avec Matteo Garrone.

Comment avez-vous découvert votre acteur principal, Marcello Fonte ?

Marcello vit dans un centre social, près d’une prison où il travaille comme garde. Là, il y a un atelier de théâtre et une troupe constituée d’anciens prisonniers que Marcello a toujours aimé regarder répéter. Deux jours avant que mon agent de casting n’aille rencontrer cette troupe, un de ses membres s’est absenté pour aller aux toilettes et il est mort. Marcello a donc pris sa place, puisqu’il avait regardé les répétitions tous les jours et pouvait très facilement se glisser dans le rôle du type. Il était donc là quand l’agent de casting est allé rencontrer cette troupe. Les circonstances sont très tragiques, mais c’est comme ça que nous sommes tombés sur Marcello.

Qu’est-ce qui vous a plu chez lui ?

Je pense que quand Marcello a rejoint ce projet, il a amené avec lui son humanité et son sens naturel de l’à-propos comique au bon moment. Il m’a fait l’effet d’un nouveau Buster Keaton, or l’idée du film était justement de rendre hommage au cinéma muet, au grand Keaton et à Chaplin, surtout dans la première partie, quand on le voit qui joue avec les chiens, qui est si tendre avec sa fille et qui fait tout pour être aimé de sa communauté. C’était très important, parce qu’il amené de la lumière dans cette histoire.

Le film est inspiré de faits réels, n’est-ce pas ?

Oui, c’est une affaire qui s’est passée dans les années 1980. Elle est très connue en Italie, hélas, tristement connue, car c’est une histoire de cruauté et de torture. L’homme était un brave type, mais il avait cette relation qui l’a transformé en une sorte de monstre qui dépeçait les corps de ses victimes. Bien sûr, ce n’est pas cet aspect, celui qui a rendu l’affaire célèbre, qui m’intéressait, donc j’ai enlevé cette partie pour m’attacher plutôt au personnage.

Marcello est un homme qui se préoccupe de ses relations avec les gens qui l’entourent…

Dans cette histoire, sa relation avec sa communauté très importante. C’est pour ça que nous avons choisi un village qui ressemblait au décor d’un film de western, une sorte de zone frontière. Le changement dans le regard que la communauté porte sur lui est un aspect important du film. À la fin du tournage, il ne restait plus grand chose de la véritable histoire. Nous avons tourné dans l’ordre, de sorte que Marcello a vraiment suivi le parcours du personnage avec moi et que nous avons très naturellement modifié des éléments de l’histoire d’origine pour l’orienter dans une direction nouvelle.

Pouvez-vous nous dire comment vous avez travaillé avec les chiens, notamment dans la scène de massage ?

Cette scène est inspirée de Buster Keaton. J’aime beaucoup travailler avec les chiens, parce qu’ils peuvent vous surprendre ; or quand je fais des films, j’aime être surpris. J’aime aussi travailler avec les enfants. Personnellement, ça me préoccupe toujours de travailler avec des acteurs qui sont très structurés, qui suivent les règles, alors que les enfants sont complètement ouverts. Je pense que, pour un acteur, c’est un vrai don de travailler avec d’autres acteurs dont on ne sait jamais ce qu’ils vont faire. Cela vous aide à toujours rester totalement alerte à chaque scène, car il faut être prêt à suivre les autres tout le temps. Avec Marcello, nous n’avons pas eu ce problème, car il adore travailler avec les enfants et les chiens. Il est lui-même comme un enfant. Son approche est très instinctive.

Propos recueillis par Kaleem AFTAB



Photographie de Une – Dogman de Matteo Garrone (crédits : Greta De Lazzaris)



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