“Le dragon de Calais” : une créature monumentale débarque sur la Côte d’Opale

“Le dragon de Calais” : une créature monumentale débarque sur la Côte d’Opale
Publicité

Un gigantesque dragon a investi les rues de Calais tout début novembre. Une prouesse artistique et technique, en même temps qu’un récit qui rejoint les habitants de la ville. Profession Spectacle y était.

Le spectacle Le dragon de Calais s’est déroulé dans les rues de la ville lors du week-end prolongé du 1er novembre. Ce dragon fait partie d’un projet artistique et culturel, associé à la requalification du front de mer. Toute image ou information sur son apparence ont été tenues secrètes avant son apparition sur le front de mer au début du mois, suivi de son entrée dans les rues bondées de Calais. Le week-end était par ailleurs jalonné de scènes et de déambulations.

Au-delà de la prouesse artistique et technique qui a permis au dragon de voir le jour sous la direction de François Delaroziere, une histoire se tisse à travers le spectaculaire et la magie, qui rejoint les habitants de la ville.

Une prouesse technique et visuelle

Cette machine-dragon est une œuvre plastique et technique en elle-même. Lorsque qu’elle apparaît, le temps se fige et les yeux des spectateurs s’écarquillent : entre animalité et expressions humaines, sa mécanique est fluide, son enveloppe d’écailles reflète un imaginaire directement sorti de l’univers fantasy et ses yeux semblent abriter une forme d’esprit.

Sa réalisation a d’ailleurs duré plus de deux ans ; quatre-vingts constructeurs ont été mobilisés. Le poids total en charge est de soixante-dix-huit tonnes, de sorte que plus de quatorze personnes étaient nécessaires à son fonctionnement lors de la traversée de la ville. Seul le fait qu’une telle machine puisse circuler sans encombre dans les rues d’une ville peut nous permettre d’imaginer l’ampleur de la coordination des différentes équipes sur place. Toute cette technique n’est possible que par la formidable énergie d’humains qui œuvrent, à la manière d’une troupe, pour que ce dragon prenne vie.

Le week-end était jalonné de points de rencontres dans la ville, devant la mairie, sur le front de mer, ou encore à la place d’Armes, où le public pouvait assister à des mises en scène spectaculaires narrant l’arrivée de ce dragon à Calais. De nouveau, les moyens techniques ont donné lieu à une féérie rare, soutenue par la création musicale de Mino Malan. Certaines scènes faisaient intervenir une citerne, un canon à neige, des machines à fumée ou encore de grandes torches, créant des situations de bataille entre le dragon et ces éléments. Grues, camions et monte-charges se mêlaient ainsi au décor, tantôt ajoutant un côté titanesque, tantôt disparaissant pour dévoiler des tableaux d’une incroyable force et dignes des meilleures séquences de cinéma fantastique.

Un « mythe de rue » hors-norme

Outre la technicité du dragon de Calais, une histoire se tisse au cœur de la ville. En trois actes, François Delaroziere a souhaité raconter l’arrivée d’un corps étranger, ce dragon-lézard qui viendrait des îles Galápagos, et la peur qui peut en découler. Son avancée dans la ville est d’abord empêchée, avant que les habitants ne se rendent compte que cette créature a plaisir à les rencontrer et qu’elle est bienveillante. Un ténor finit par la charmer et une marche commune s’enclenche jusqu’à ce qu’elle élise domicile sur ce territoire.

Un schéma se répète : le dragon se réveille à un endroit de la ville, commence à se mouvoir à travers l’espace public jusqu’à rencontrer un obstacle, donnant lieu à une scène de confrontation ou de « dialogue », puis finit par s’endormir pour un certain temps. Ce manque de relief ou d’effet de surprise dans la dramaturgie laisse apparaître la limite d’un spectacle qui se repose parfois trop sur ses effets spectaculaires – chutes de neiges, nuages de fumées, jets d’eau… –, sans les dépasser et embarquer alors les spectateurs dans une véritable épopée sur la durée.

L’acte artistique repose sur la dynamique propre du dragon. Ces gestes ont été « affinés, répétés telle une danse », explique François Delaroziere. Ils permettent ainsi une identification et une compréhension rapides des émotions qui traversent cet « animal ». C’est finalement ici la principale réussite de ce spectacle : faire disparaître la machinerie au profit de l’organique. Un imaginaire jaillit lorsque le dragon semble regarder les spectateurs en mangeant les feuilles des arbres, quand il bouge la queue avec fureur, lorsqu’il surgit d’un coin de rue ou qu’il crache son feu en plein milieu d’une place publique. La ville est transformée par cette présence, cet animal mythique, qui la traverse. Le mythe est d’ailleurs pour son créateur « un moyen de fédérer les Hommes, en parlant de l’humanité de l’Homme avec ses sentiments les plus violents et les plus doux ».

L’imaginaire populaire est aussi investi pour rassembler les personnes présentes. L’une des séries les plus vues de cette décennie, Game of Thrones, est d’ailleurs souvent citée en exemple par les spectateurs : les « dragonniers » – ceux qui manipulent le dragon – sont par exemple vêtus de longs manteaux d’hiver marron. La création musicale, aux sonorités parfois médiévales, évoque de grandes épopées ; les musiciens sont d’ailleurs juchés en hauteur, donnant une grandeur aux thèmes joués qui emplissent ainsi les rues de la ville.

Un projet de taille : quand l’artistique s’associe à l’urbanisme

Avec l’État, le département et la région, la ville s’est lancée dans ce projet pour une période de dix ans. Le dragon de Calais, les autres machines (varans et iguanes) prochainement en construction et les installations associées d’accueil et d’exploitation font partie intégrante du projet de rénovation et de requalification du front de mer.

Le lieu d’hébergement et de visite du dragon-machine ouvrira ces portes le 17 décembre 2019, avant la création de la Nef en 2020. D’ici deux ans environ, un autre rendez-vous sera donné aux Calaisiens : deux varans de voyage débarqueront et iront à la rencontre du dragon. Ce projet artistique a finalement pour vocation de devenir une installation et un dispositif phare pour le transport des voyageurs à Calais.

Vincent PAVAGEAU

 



SPECTACLE : LE DRAGON DE CALAIS

Création : 1er novembre 2019 – Calais
Public : à partir de 1 ans

Direction artistique : François Delaroziere & Compagnie La Machine
Création musicale : Mino Malan
Création costume : Angélique Redureau et Gaëlle Choveau
Création des effets : Polo Loridant

Crédits photographiques : Angelique Lyleire

Le dragon de Calais crédits : Angelique Lyleire
.



OÙ VOIR LE DRAGON DE CALAIS ?

– À partir du 17 décembre : à l’abri provisoire installé sur le front de mer, avec un espace boutique et restauration.
– À partir de fin 2020 : à La Nef qui sera construite au Fort Risban.

.



Découvrir toutes nos critiques de spectacles



 

Publicité

1 commentaire

  1. Le problème, qui n’est pas abordé, est que la mairie a choisi le spectaculaire instantané coûteux, contre le travail permanent et d’une grande qualité et populaire de la SceSc nationale, le Channel. C’est véritablement un pb politique fondamental.

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *