L’entrée fracassante des plates-formes numériques dans l’audiovisuel français

L’entrée fracassante des plates-formes numériques dans l’audiovisuel français
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L’émergence des plates-formes numériques au sein du secteur audiovisuel a révolutionné les modes de consommation. Mais comment se caractérise cette rupture du modèle préexistant ?

Plates-formes numériques et audiovisuel français (1/5)


Aujourd’hui chargé de financements au sein de la société de production Ma Drogue à moi (MDAM), Bruno Kowalski a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Jean-Yves Klein (Burgundy School of Business / MECIC), sur le thème : « Dans un marché audiovisuel mondial secoué par l’émergence des technologies digitales, quelle peut être l’avenir des acteurs traditionnels du marché ? » Il propose une synthèse de ses recherches dans une série de cinq articles publiés dans Profession Spectacle.


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Après avoir bouleversé l’industrie musicale et le monde de l’édition, les plates-formes numériques ont fait, ces dernières années, une entrée fracassante dans le secteur audiovisuel français. Au-delà des chaînes de valeur alternatives – c’est-à-dire des nouveaux modèles économiques – imposées par ces nouveaux acteurs transnationaux, c’est tout le paysage audiovisuel français qui est sommé de se réinventer, au risque de perdre des positions stratégiques acquises depuis plusieurs dizaines d’années.

Entre 2008 et 2017, de moins en moins de monde devant la télévision

Durant les dix dernières années, la télévision a vu le nombre de spectateurs baisser, en dépit de la prise en compte de la TVR (télévision de rattrapage) dans les mesures d’audiences. À l’exception des grands rendez-vous sportifs, tels que la coupe du monde de football, pour lesquels elle reste plébiscitée, on constate en effet que la multiplication des écrans, l’émergence des offres de VàD/VàDA (vidéo à la demande par abonnement) ou le streaming concourent à l’érosion de ses audiences.

Conséquence directe de la concurrence des plates-formes numériques américaines telles que Netflix ou Amazon Prime, les séries de télévision accusent une baisse notable par rapport aux autres types de programmes, même si elles restent le format le plus regardé. Les émissions de divertissement, d’information, de fiction et de télé-réalité ont pris le relai dans la grille de programmation.

Outre les baisses d’audience, on note également un vieillissement de l’âge moyen des téléspectateurs. À titre d’exemple, pour France 2 et France 3, cet âge moyen était respectivement de 59,4 ans et 62,4 ans en 2016. Cette tendance constante depuis quelques années traduit bien le très faible renouvellement de l’audience ; si elle est plus marquée pour ces deux chaînes, les autres diffuseurs historiques ne sont pas en reste.

Ce constat inquiétant pour les diffuseurs traditionnels peut néanmoins être tempéré. En effet, comme le précisait Thomas Valentin, vice-président du groupe M6, lors de la table ronde organisée le 25 septembre 2018 par le SEDPA : « Tous les soirs, 24 millions de Français regardent la télévision linéaire, c’est une base formidable pour évoluer vers le non linéaire. »

Par ailleurs, les utilisateurs de la télévision de rattrapage en France sont âgés en moyenne de 45 ans, contre 53 ans pour le public adepte de la diffusion linéaire. Les nouveaux usages permettent donc aux chaînes de rajeunir leur audience.

Cette évolution trouve notamment son origine dans la multiplication des écrans (ordinateurs, tablettes, smartphones). Cette dernière a conduit à une révolution des modes de consommation des contenus vidéo, inscrivant les programmes TV dans un univers concurrentiel où le contenu proposé s’affranchit du support d’origine (internet, presse, radio, TV) et de sa nature (contenu professionnel/personnel).

La modification très rapide des usages, portée par les innovations technologiques réalisées ces dix dernières années, se traduit par un temps passé sur les nouveaux supports (ordinateur, smartphone, tablette) d’autant plus important que l’usager est jeune. Attirés par la forte croissance du marché publicitaire sur internet, les groupes audiovisuels historiques ont alors été confrontés à une concurrence en provenance à la fois des acteurs nés avec internet et des médias traditionnels qui y ont déployé leur offre.

Les plates-formes numériques tentent d’imposer leur modèle

De Netflix à Disney, en passant par Facebook ou Apple, les contenus audiovisuels occupent une place centrale dans l’offre et le modèle économique des acteurs du numérique. Les vidéos représentent en effet un puissant levier de développement pour ces sociétés transnationales qui, en fonction de leur cœur de métier, ont des objectifs parfois assez différents.

Si Netflix a tout d’abord vu arriver Amazon Prime dans la course, c’est maintenant Disney et Apple qui ont lancé leur propre plate-forme de contenu audiovisuel. Mais d’autres acteurs du numérique sont également très actifs dans la diffusion de contenu audiovisuel. À ce titre, Facebook et YouTube ont démarré leur propre service de partage de vidéo, service gratuit pour le premier (avec Facebook Watch) et service d’abonnement en streaming payant pour le second (avec YouTube Premium). Et dans leur sillage, c’est Twitter et Snapchat qui ont également décidé d’exploiter l’opportunité de développement que représente l’exploitation de contenus audiovisuels, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Twitter ne cache d’ailleurs pas son ambition de remplacer à lui tout seul un service de télévision en direct et 24 heures sur 24.

L’émergence de cette nouvelle concurrence s’accompagne dans le même temps de nouvelles chaînes de valeur, dans lesquelles ces nouveaux acteurs de poids font valoir leur position dominante, s’arrogeant ainsi une part toujours plus grande dans la répartition de valeur.

En conclusion, les plates-formes numériques profitent pleinement des évolutions technologiques pour, non seulement révolutionner les modes de consommation des contenus vidéo, mais tenter également de modifier les rapports de forces au sein du secteur audiovisuel, qu’il s’agisse des producteurs, des diffuseurs ou des distributeurs.

 Bruno KOWALSKI

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En partenariat avec le MECIC /  Burgundy School of Business de Dijon

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