Lyon – La Biennale de la danse choisit le report plutôt que l’annulation, un choix plus coûteux et surtout plus éthique

Lyon – La Biennale de la danse choisit le report plutôt que l’annulation, un choix plus coûteux et surtout plus éthique
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La Biennale de la danse, événement majeur de la danse en France et à l’international, est entièrement reportée en 2021.

La Biennale de Lyon, événement majeur de la danse en France et à l’international, est contrainte de reporter dans sa totalité sa 19e édition, prévue initialement cet été. Le report partiel, moins couteux, avait été envisagé dans un premier temps, avec une programmation resserrée en septembre 2020. Mais face à l’expectative dans laquelle nous laisse l’évolution incertaine de la Covid-19, l’équipe dirigeante a décidé, le 6 mai dernier, de tout reporter en 2021.

La Biennale de la danse aurait vraiment pu voir tout son travail de cette année tomber à l’eau, puisque l’association chargée de son organisation alterne, selon les années paires ou impaires, avec la Biennale d’art contemporain. L’événement est néanmoins trop important dans le milieu de la danse, puisque son aura s’élargit à l’international.

Dominique Hervieu, directrice de la Biennale de la danse, ne voulait en aucun cas annuler l’événement, malgré les risques financiers encourus. Les artistes prévus en 2020 pourront donc montrer leurs créations en 2021.

Entretien.

Pourquoi avoir décidé d’annuler le report partiel de septembre ?

Cette décision a été prise par les tutelles – la métropole, la région et l’État – d’un commun accord, pour la simple raison que nous ne connaissons toujours pas la date de réouverture des théâtres et que la possibilité d’une annulation serait arrivée beaucoup trop tard. Ensuite, nous ne savons toujours pas les conditions de réouverture, comme la taille des jauges. Enfin, le problème des répétitions des grandes créations comme celles de François Chaignaud ou de Maro Akaji, qui n’ont pas pu avoir lieu, a beaucoup joué dans cette décision. Elles n’auraient pas pu être prêtes en septembre, ou alors de manière tellement adaptée aux contraintes sanitaires que cela n’avait plus beaucoup de sens de maintenir cette programmation. Non seulement les artistes devaient travailler en s’adaptant tant bien que mal à des conditions telles que la distanciation sociale entre danseurs et le port du masque, mais cela risquait en plus d’être annulé un mois avant, comme pour les festivals d’été. Une partie avait déjà été reportée en juin 2021, il s’agissait donc de différer l’ensemble des événements… même si la manifestation se tiendra toutefois dans une version plus resserrée que celle prévue cette année. Car un report coûte très cher. Nous avons déjà une perte de près de 300 000 euros de mécénat. L’édition de 2021 ne pourra donc pas avoir lieu dans une version optimum.

Les propos et mesures du gouvernement répondent-ils à vos attentes et besoins ?

Les annonces du gouvernement ne répondent pas à nos questions, car il ne le peut pas, la propagation du virus étant incertaine : la question de la distance nécessaire entre spectateurs demande du temps par exemple ; la date de réouverture des théâtres ou les conditions de répétitions des artistes sont par ailleurs suspendues à l’évolution sanitaire. La DGCA [Direction générale de la création artistique, NDLR] est en train de diffuser un document sur tous ces aspects, mais il reste de nombreuses incertitudes et donc des freins à l’anticipation. Nous ne savons pas dans quelles conditions nous pourrons rouvrir la Maison de la danse en septembre-octobre. Cela nous empêche de programmer, de réaliser une communication fiable, et nous maintient dans la crainte d’annuler à nouveau des spectacles. Cette instabilité affecte jusqu’à notre lien avec les spectateurs : le doute est croissant quant à la fréquentation des salles et cela met à mal la relation avec le public. Il va falloir trouver les bonnes façons de faire revenir les spectateurs au théâtre, qu’ils se sentent en sécurité, qu’ils renouent avec le désir de sortir avec des amis et de se retrouver dans une salle. Les informations nous parviennent au compte-gouttes, souvent trop tard, gênant notre anticipation avec les artistes. Tout cela ne nous aide pas. Le but est de proposer une programmation pour l’an prochain dans laquelle il y ait le moins d’annulations possible. S’est aussi posée la question du déplacement des compagnies étrangères, que nous avons choisi dès le début de reporter en 2021.

Quelles sont les répercussions sur le plan financier et les mesures prises vis-à-vis des employés et des artistes ?

À la Maison de la danse, nous avons fait appel au chômage partiel pour les métiers d’ouvreurs, ceux liés au restaurant ou encore ceux soumis à l’activité qui baisse. Les subventions de la Biennale 2020 sont maintenues pour l’année 2021. Mais un report est plus cher qu’une annulation pure, puisque l’on refait tout le travail et les emplois sont préservés. Du côté des compagnies, c’est du cas par cas, en concertation avec les artistes. Certaines créations de compagnies sont reportées, tandis que pour d’autres, nous avons choisi de soutenir leur prochaine création en versant des indemnités. Il faut savoir que la Maison de la danse a un taux de recettes propres de 60 % ; les compensations financières sont donc évidemment proportionnées au manque de billetterie actuel.

J’avais le choix entre annuler ou reporter. Je pense avoir fait le bon choix sur les plans éthique et artistique. L’annulation est le pire, car il ne reste plus rien. En reportant à 2021, un certain nombre d’œuvres seront au moins montrées au public et aux professionnels lors de cette édition plus concentrée, dont l’essentiel est finalement préservé. L’an dernier, 900 professionnels sont venus du monde entier. C’est important que les artistes puissent les rencontrer, notamment les journalistes. Il faut faire attention à ce que les lieux les moins subventionnés ne soient pas les plus sacrifiés dans cette crise. Car ce sont ceux qui ont développé des stratégies financières, des savoir-faire, des relations au public et ce serait dommage que toute cette pratique se transforme en hyper-fragilisation de ces lieux-là.

Louise ALMÉRAS

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Photographie de Une – Yoann Bourgeois dans le final du défilé 2018
Crédits : Thanh Ha Bui



 

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