Marie Vialle se promène dans le jardin de Pascal Quignard

Marie Vialle se promène dans le jardin de Pascal Quignard
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Festival d’Avignon – Dans le si beau cloître des Célestins, Marie Vialle adapte le roman de Pascal Quignard, Dans ce jardin qu’on aimait, qui raconte l’histoire d’un pasteur américain frappé par le deuil et nourri de chants d’oiseaux. Un choix empli de sincérité mais à la mise en scène sibylline.

Dès les premières minutes, nous percevons la relation intime, presque tendre, qu’entretient la comédienne et metteur en scène Marie Vialle avec les mots de Pascal Quignard. Après Le Nom sur le bout de la langue, Triomphe du Temps, Princesse Vieille Reine et La Rive dans le noir, la voici qui met en scène Dans ce jardin qu’on aimait, ajoutant à la langue de l’écrivain français une autre source : des extraits de Wood Notes Wild, de Simeon Pease Cheney.

Le livre de Pascal Quignard raconte l’histoire de ce dernier, pasteur et compositeur dans la seconde moitié du XIXe siècle, qui voit sa femme mourir en couches et qui, au fil de la croissance de sa fille Rosemund, la rejette peu à peu du fait de la ressemblance physique – et probablement intérieure – entre la mère et sa fille. De nouveau seul dans son presbytère à l’écart du monde, ayant pour seul horizon un jardin magnifique (voulu par sa défunte épouse) et les chants des oiseaux, il se met à retranscrire ces derniers, y cherchant les correspondances musicales, les élans harmoniques, la poésie au fondement de la création.

Dans la bouche de Marie Vialle, on sent comme une gourmandise de mots et de sons, un attachement profond, presque secret, pour une langue qu’elle recueille humblement, cherchant à lui donner une résonnance singulière. On sent qu’elle souhaite partager avec le public cet émerveillement primordial qui l’a traversée à la lecture et qui est à la racine de son nouveau spectacle. Le cadre si délicat du cloître des Célestins, qui est à mon sens la plus belle scène d’Avignon, offre un parfait écho au propos même de la pièce.

Tout est réuni. Hélas, et ce n’est pas simple de l’écrire tant on éprouve la sincérité à l’œuvre sous nos yeux, la rencontre n’advient pas. Est-ce une défaillance de ma part ? Je n’ai rien compris à la mise en scène, à la scénographie.

Si les plaques carrées accentuent le côté clos du jardin, l’aspect cuivré du sol ne dit rien, de même que les taches bleues de peinture – à l’esthétique douteuse – peinent à symboliser l’irrigation du lieu. À quoi servent les tentures, sinon à projeter des photographies à partir d’un rétroprojecteur – appareil créé près d’un siècle après le moment où se situe l’action ? Pourquoi cette rampe sur le côté ? Pourquoi ces micros disposés à tel ou tel endroit ? Qu’est-ce qui justifie l’emploi des trois ou quatre morceaux, intermèdes musicaux, qui nous semblent en total décalage avec l’atmosphère de la pièce ? Enfin, ultime déception, le cloître des Célestins – son péristyle de pierres creusées par le temps, ses arbres centenaires, orgueilleux, qui appellent la verticalité au cœur de cet espace voûté – n’est à aucun moment investi, alors même que la pièce offrait naturellement de subtiles correspondances.

Je ne doute pas que Marie Vialle puisse justifier chaque parti-pris de mise en scène, en convoquant un arrière-pays peuplé de doux échos, de références délicates et de réminiscences foisonnantes. Mais il ne nous est laissé aucune possibilité d’accès à cet arrière-pays, à la logique sibylline, qui aurait à gagner en sobriété visuelle, pour n’en garder que la sève efficace, sans fioritures artificielles. Je suis ainsi resté en bordure de ce jardin, quand tout m’invitait a priori à y pénétrer.

Pierre GELIN-MONASTIER

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Dans ce jardin qu'on aimait, Marie Vialle, 2022 (© My Meteo)

Dans ce jardin qu’on aimait, Marie Vialle, 2022 (© My Meteo)



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