Matthew Hartley ou l’art d’embrasser les réalités les plus diverses

Matthew Hartley ou l’art d’embrasser les réalités les plus diverses
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Né en 1980, Matt Hartley grandit au nord de l’Angleterre, dans les environs de Sheffield. Après des études de théâtre à l’université de Hull, il se forme à l’écriture dramatique au Royal Court de Londres. Auteur de près d’une vingtaine de pièces de théâtre, il s’est vu décerné plusieurs prix, dont celui Bruntwood consacré aux jeunes auteurs, pour 65 Miles. Nous l’avons interviewé alors que sa pièce Burning Cars s’apprête à être créée pour la première fois en France par Eva Provence et sa jeune compagnie Hématome.

Comment êtes-vous arrivé au théâtre et quelles furent vos influences ?

En étudiant le théâtre à l’Université, j’ai découvert que j’aimais beaucoup de nouvelles pièces et l’art de la narration théâtrale. Je fus influencé par une vague de dramaturges britanniques contemporains tels que David Grieg, Gregory Burke, Simon Stephens et Anthony Neilson, ainsi que de grands modernes comme Miller et Ayckbourn. Je continue également d’être influencé par mes pairs : des écrivains comme Alice Birch, Alistair McDowell, Sam Holcroft et Lucy Kirkwood.

Quels sont vos thèmes de prédilection ?

Comment notre environnement influence notre comportement. Et parce que je suis Britannique – les classes sociales.

Quelle est la problématique majeure qui vous habite en ce moment ?

L’isolement et l’inégalité.

Quel est votre processus d’écriture ?

Je n’ai pas de processus strict : une idée initiale, un premier jet approximatif, enfin de nombreuses réécritures.

En 2011, vous avez travaillé pour la Royal Shakespeare Company : 400 après sa mort, que peut encore nous apporter William Shakespeare ?

Embrasser le langage, l’imagination et la notion d’échelle dans notre travail.

Quels liens personnels et professionnels entretenez-vous avec la France ?

Je ne parle pas français. J’aurais aimé, j’en veux à mon professeur. Sinon, mes rapports avec la France passent principalement par le dur travail et l’esprit tenace de Séverine Magois ; elle a été un immense soutien, autant pour moi que pour les pièces que j’ai écrites.

Dans Burning cars, vous mêlez étroitement l’humour et l’horreur dans le quotidien de vos personnages : pourquoi une telle association ?

Parce que, du point de vue de la dramaturgie, ils forment une paire parfaite. Les gens, dans des circonstances extrêmes, agissent de la plus étrange des manières.

La pièce n’a jamais été mise en scène à ce jour : qu’est-ce que vous éprouvez à l’idée que la création mondiale ait lieu outre-Manche ?

Ça me fait plaisir ! Je me réjouis qu’elle ait trouvé une audience avec laquelle elle résonne.

Vous avez pu voir une étape du travail en cours mené par la jeune Eva Provence : qu’en pensez-vous ?

J’ai vu des extraits. C’est vivant et osé. Autant de dimensions que j’embrasse avec grand plaisir.

Quels conseils lui donneriez-vous ?

Embrasser humour et humanité.

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER

(Remerciements à Adrienne de la Fuente pour l’aide à la traduction)

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Critique Matt HARTLEY, Brûler des voitures, traduit de l’anglais par Séverine Magois, Éditions Théâtrales, 2013, 112 p., 14 €.

Autour d’un « fait divers », la mort d’un garçon renversé par une voiture qui aussitôt prend la fuite, trois actes se referment systématiquement sur le couple, dans l’intimité bouleversée par un extérieur hors-cadre, qui ne peut exister que par les intéressants effets esquissés par le metteur en scène. Chacun tente de se justifier d’une certaine bonté, de manifester sa part d’humanité, mais c’est leur part d’ombre qui surgit à leur insu. Car il y a un non-dit permanent entre ces êtres, une constante incommunicabilité qui détruit peu à peu les relations. L’horizon d’espérance est brisé mais il nous est encore demandé d’avancer, sans qu’une destination ne se dessine intérieurement.

L’évolution tragique de la pièce traverse l’humour du dramaturge anglais, humour qui s’estompe progressivement pour laisser jaillir l’horreur dans sa plus banale cruauté – comme une preuve par l’absurde des théories de Hannah Arendt. Ce quotidien écrasant se fond effectivement dans un mal qui habite intimement le cœur de l’homme, une médiocrité dévastatrice, jusqu’à l’infime lueur finale, une « épave de la lumière » – pour reprendre une expression chère à Léon Bloy – que nous ne dévoilerons pas.

Le style de Matt Hartley surprend par son dépouillement, un phrasé simple, d’apparence anodine, mais qui recueille toute la dramatique humaine. Il nous semble parfois qu’il y a des facilités d’écriture, mais c’est pour mieux laisse la placer à la mise en scène, à l’incarnation sur plateau. La fin  de la pièce ne sera jamais dans l’entrelacement des mots couchés sur le papier, mais dans l’étreinte d’Amy et de Terry sur la scène – et l’esquisse d’une communion par leurs larmes.

Pierre G.-M.



 

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